Blázquez Martínez, J.M. - Domergue, Cl. - Sillières, P. (dir.): La Loba (Fuenteobejuna, Cordoue, Espagne). La mine et le village minier antiques
(Ed. Ausonius, Bordeaux 2002)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2003-17, p. 34
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Sous la direction de J.M. Blázquez Martínez, Cl. Domergue, P. Sillières : La Loba (Fuenteobejuna, Cordoue, Espagne). La mine et le village minier antiques. (Mém. Ausonius, 7), Bordeaux 2002, 424 p., 195 fig. , 129 tabl. (79 e)


Avec ce fort volume, le village minier de La Loba, dont trois campagnes de fouilles ont dégagé les vestiges sur plus de 2000 m2, bénéficie de la monographie qu’appelait ce grand centre métallurgique d’Espagne Ultérieure à l’époque républicaine. S’il est loin d’être unique dans la région, ce site est désormais, parmi les rares agglomérations minières à avoir fait l’objet de fouilles, l’une des mieux connues de la Sierra Morena. La publication de La Loba fournit donc aux spécialistes un modèle pour comprendre les conditions d’installation et de travail des miniers qui ont produit ici, pendant environ un tiers de siècle, de l’argent, du cuivre et du plomb.

La chronologie de l’exploitation antique (une phase de l’Âge du Bronze est également attestée) est brève ; profitant de la pacification de l’arrière-pays, des prospecteurs italiens décident, vers 120 av. n. ère, d’exploiter les filons métallifères qui affleurent le massif. Ils repartiront une trentaine d’années plus tard, dans le premier quart du

Ier siècle. À ces exploitants Romains, trahis par leur monnayage, leurs habitudes alimentaires et leurs graffites, se joint une main-d’œuvre indigène, peut-être spécialisée dans le travail de la métallurgie.

La mine proprement dite, remblayée et dangereuse, n’a pu être explorée en profondeur ; l’exploitation antique, dont on observe encore les traces d’abattage au feu ainsi que divers aménagements, a pu être limitée par des arrivées d’eau qui empêchent aujourd’hui encore l’exploration des réseaux. De même, les installations métallurgiques, sans doute installées en contrebas de la mine et éventuellement recouvertes par les haldes, sont ici mal connues. Mais l’étude du village installé tout près des filons métalliques reflète en partie, lui aussi, certaines activités artisanales pratiquées à La Loba. Leur étude s’appuie sur quelques outils, des résidus métallurgiques et de rares débris de produits finis ou plutôt semi-finis, ceux qui étaient commercialisés à partir du site.

La seule structure de production retrouvée dans ce village est un atelier (C II-1) comprenant une forge et une fosse de cémentation. La forge servait sans doute, non seulement à l’entretien, mais aussi à la fabrication sur place d’outils dont quelques exemplaires ont été abandonnés sur place au départ des mineurs ; pointerolles, coins, ciseaux, burins, houes … Les dimensions internes de la fosse de cémentation (1,80 x 0,28 m) impliquent le traitement de grands outils, dont la nature ne peut qu’être supposée (156 ; pince de carrier ?). Diverses traces de travail du cuivre (fragments de mattes) et surtout de petits rouleaux de litharge, sont associés dans le village aux fragments de plomb et de fer qui sont à mettre en relation avec une activité artisanale dans les maisons et leurs annexes, mais peut-être à seule destination domestique.

Le village de La Loba comprenait une population mixte, à la fois romaine et ibérique ; si on y trouvait des hommes, des femmes et sans doute des enfants, il n’en demeure pas moins que toute l’activité des habitants était centrée sur l’exploitation minière, au point que l’arrêt de cette dernière a signé la fin du village. Rien n’indique que l’exploitation du site ait été confiée à une société de publicains, comme c’est le cas d’autres gisements de La Carolina ; les auteurs pensent plutôt à un site exploité, parmi d’autres, par un entrepreneur indépendant ou par une compagnie plus importante. Les lingots d’argent, de cuivre et de plomb produits à La Loba devaient emprunter une route terrestre jusqu’à Corduba, avant d’être chargés sur les bateaux du fleuve Baetis. Grâce à cette belle monographie, le village minier de La Loba nous offre une vivante image de ce qu’était l’exploitation d’un site métallifère en Hispanie méridionale un siècle après la conquête.