Bussière, Jean : Lampes antiques d’Algérie
(Editions Monique Mergoil, Montagnac 2000)
Compte rendu par Michel Bonifay, Instrumentum, 2003-17, p. 19
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Jean Bussière : Lampes antiques d’Algérie. (Monographies instrumentum, 16), Montagnac, éd. Monique Mergoil, 2000, 428 p., 165 Pl.


Ce catalogue des lampes antiques des musées d’Algérie couronne un travail gigantesque et surtout, comme son auteur l’indique en introduction (p. 6), de longue haleine. Commencé en 1967-1968, il fut interrompu en 1972 avant d’être repris en 1985, donnant lieu en 1989, 1990, 1992 et 1995, à des publications préliminaires dans la revue Antiquités Africaines (sur trois groupes de lampes préromaines et les lampes tardives à canal courbe tipasiennes). Le catalogue de ces 8 000 lampes ou fragments de lampes algériennes, auxquels s’ajoutent, de manière peut-être  un peu artificielle (mais c’est aussi une manière de montrer qu’il est possible d’identifier des lampes algériennes hors de leur contexte géographique), une centaine de lampes provenant de deux épaves du littoral français (pointe de la Luque B et Port-Vendres 1) occupe la plus grande partie de l’ouvrage (p. 239 à 418) avec une illustration photographique de bonne qualité (Pl. 1 à 165, mais quelques profils auraient cependant été utiles) ; il est précédé de plusieurs chapitres synthétiques très élaborés et remarquablement documentés  (p. 7 à 237), reposant sur une riche bibliographie (p. 419 à 428).

Le chapitre sur l’origine des collections, remarquable de rigueur, annonce tout de suite le sérieux avec lequel l’ensemble de l’ouvrage est conçu. Certes, le classement typologique (7 grandes “sections” divisées chacune en 6 à 8 types, eux-mêmes répartis en plusieurs sous-types ; on retiendra tout particulièrement la tentative de classement des lampes à bec rond dans la section D) pourra susciter quelques critiques. C’est un exercice périlleux. On s’aperçoit souvent que des typologies sommaires (et donc fausses) ont un succès durable alors que d’autres plus rigoureuses mais plus complexes ne recueillent jamais l’adhésion des chercheurs. Mais une classification ne doit pas être rejetée pour la seule raison qu’elle se surimpose à d’autres déjà existantes ; c’est un autre biais, toujours intéressant du point de vue méthodologique, pour aborder un matériau difficile comme le sont les lampes antiques. La typologie  de Jean Bussière est propre au mobilier des musées d’Algérie, elle rend intelligible une matière complexe qui ne pouvait se satisfaire des typologies plus anciennement implantées. De surcroît, le chapitre “description et chronologie des types” est plus qu’une simple analyse du matériel algérien ; c’est une nouvelle synthèse de tout ce qui a été écrit sur le sujet, fruit d’un travail de plus de trente ans, toute une vie dédiée à l’étude des lampes, et qui fait de M. Bussière l’un des meilleurs spécialistes français de ce type d’objets, comme le montre également le chapitre sur l’origine et évolution de la production (on regrettera toutefois que l’auteur, sans doute par excessive modestie, utilise ici les classifications d’autrui et peu la sienne, rendant ce passage difficile à lire quand on ne sait pas jongler avec les correspondances des diverses typologies). Le catalogue raisonné des décors est très utile (synthèse et nouvelles interprétations) ; riche d’un corpus très érudit de parallèles bibliographiques, il permet d’avoir très rapidement une idée du répertoire iconographique des lampes algériennes. Enfin, un répertoire des marques d’ateliers est présenté sous la forme d’un tableau très aisé à consulter.

En conclusion, l’ouvrage de M. Bussière vient heureusement combler un vide ; le rappel de la bibliographie ancienne sur les lampes algériennes montre combien celle-ci était lacunaire et surtout avare en illustrations. Il constitue, pour les provinces africaines, le chaînon manquant entre d’une part le livre de Ponsich sur les lampes du Maroc (1961), d’autre part ceux de Deneauve sur le matériel de Carthage (1969), d’Ennabli et Salomonson sur la nécropole de Raqqada (1973) et de Joly sur le musée de Sabratha (1974). Nous attendons avec impatience le second volume, annoncé par Jean Bussière, sur les lampes en sigillée d’époque chrétienne.