Pugsley, Paola : Roman domestic wood : analysis of the morphology, manufacture and use of selected categories of domestic wooden artefacts, with particular reference to the material of Roman Britain
(British Archaeological Reports, Oxford 2003)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2004-19, p. 32
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Paola Pugsley : Analysis of the morphology,manufacture and use of selected categories of domestic wooden artefacts with particular reference to the material of Roman Britain, BAR (Int. Series 1118), Oxford 2003, 209 p., 10 pl., nbr. ill.


Même s’ils sont rarement conservés dans les gisements archéologiques, les objets domestiques antiques en bois se sont néanmoins multipliés à la faveur des fouilles récentes. L’heure d’une réflexion d’ensemble était donc venue ; d’une manière générale, ces artefacts (comme l’ensemble des mobiliers organiques) restent très mal connus, et

leur place dans l’économie est fréquemment sous-estimée. Dans cet ouvrage, P. Pugsley se propose donc

d’examiner l’ensemble des mobiliers domestiques en bois, à l’époque romaine, afin de les replacer, si possible, à leur juste place dans les productions artisanales provinciales. Si le cadre général est très large (l’enquête commencée en Bretagne ayant été progressivement élargie au reste du monde romain), le propos ne se veut pas pour autant exhaustif ; l’ameublement, par exemple, est peu abordé (p. 1). L’auteur a sélectionné les catégories les mieux représentées dans les fouilles pour en tirer la matière d’un tableau général sur l’utilisation du bois dans les accessoires de la vie quotidienne.

 

Parmi les objets personnels (chap. 2), les peignes (presque toujours en buis) forment l’écrasante majorité du matériel disponible. Leur forme a très peu varié jusqu’à une époque récente, ce qui pose le problème des ateliers (P. Pugsley a reconnu sur la stèle d’un pectinarius, CILV,7569, l’étau caractéristique des fabricants de peignes) ; on peut se demander si ces artisans spécialisés étaient très nombreux dans chaque province. Aux quelques autres catégories attestées (perles, épingles, boîtiers de miroirs) il aurait peut-être fallu ajouter les fuseaux, plus souvent en bois que dans d’autres matériaux.

 

Les chaussures (chap. 3) forment une catégorie abondante, au sein de laquelle l’auteur distingue les semelles de liège et les chaussures en bois. Aucune de ces catégories n’est attestée en contexte préromain, alors que diverses sources littéraires et archéologiques permettent de leur attribuer une origine ancienne en Italie. Les petits contenants personnels (chap. 4), boîtes quadrangulaires ou tournées (pyxides), voire percées (étuis à aiguilles), autorisent une certaine approche statistique, compte tenu de leur vaste diffusion dans le monde romain. Là encore, on peut suivre une évolution des techniques hellénistiques jusqu’à l’époque romaine. Les objets, étroitement liés à des usages gréco-romains, comme les pyxides, ne survivent pas à la disparition des modes de vie liés aux sociétés classiques.

 

La vaisselle, généralement tournée, commence elle aussi à être un peu mieux connue. Il s’agit pour l’essentiel de récipients de service ou de consommation, encore que la préparation alimentaire fasse, elle aussi, appel à nombre d’ustensiles en bois (mortiers, cuillers …). Dans ce domaine de la vaisselle, P. Pugsley met en évidence des traditions à la fois germaniques et celtiques qui semblent s’être développées en-dehors des influences romaines, ou peut-être à la seule destination d’un marché indigène, resté fidèle à la vaisselle de bois alors que le mode de vie romain était associé à l’usage de la céramique. On peut ainsi comprendre le développement rapide, dès le haut Moyen Âge, de productions régionales de vaisselle en bois, héritières d’une tradition encore vivace, même à l’extérieur du monde romain.

 

Cet ouvrage aborde donc des productions variées, entre lesquelles il n’est pas toujours facile d’établir des relations culturelles ou technologiques. Mais la prise en compte de ces divers types forme, en elle-même, une très utile mise au point sur une recherche jusqu’alors négligée, faute de corpus. Certes, la documentation doit être complétée, tant à partir des fouilles récentes que des premiers inventaires (parfois absents de la bibliographie, par ex. ; P.Audin, Pré-inventaire des objets en bois de la Gaule romaine. In : Le bois et la forêt en Gaule et dans les provinces voisines. Caesarodunum XXI, 1985, 39-71 ; J.-C. Béal [dir.], L’arbre et la forêt, le bois dans l’Antiquité [Publ. Bibl. S. Reinach,VII ; Université Lyon 2], Lyon 1995). Les compléments n’apporteront que peu de nouveaux types, mais permettront d’affiner la perception des séries, voire de remettre en cause certaines propositions avancées ici sur la base de données insuffisantes. C’est à partir de telles synthèses que l’on peut commencer à réfléchir à la place du bois dans les productions manufacturées antiques.

 

Pour ma part, j’aurais souhaité que l’approche socio-culturelle, en particulier, fasse un plus large usage comparatif des productions dont le statut permet d’apprécier relativement la place du bois ; sparterie, vannerie, bois de cerf, os, ivoire, etc. Bien souvent, en effet, on peut établir entre ces différents matériaux une hiérarchie éclairante, tant du point de vue social que technique. Il existe par ailleurs, pour certains objets en bois ou, d’une manière plus générale, en matériau organique, des pièces métalliques qui, plus souvent conservées dans les fouilles, nous donnent une meilleure idée de la fréquence d’un type d’objet ; clous de chaussures, appliques et serrures de coffrets, par exemple. Sans doute la prise en compte de cette documentation aurait-elle éloigné P. Pugsley d’un sujet qu’elle a voulu embrasser de manière à la fois large et précise, en se concentrant sur les objets eux-mêmes, mais à l’échelle de l’empire. Son livre a le grand mérite d’envisager ainsi le sujet dans sa globalité. Je ne doute pas qu’en faisant réagir ses lecteurs, il joue un rôle stimulant dans une recherche thématique qui avait bien besoin d’être réveillée.