Liercke, Rosemarie : Die Hedwigsbecher. Das normannisch-sizilische Erbe der staufischen Kaiser.
(Philipp Rutzen Verlag, Mainz 2005)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2005, p. 5
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Rosemarie  Liercke : Die Hedwigsbecher. Das normannisch-sizilische Erbe der staufischen Kaiser. Verlag Philipp Rutzen, 2005, 112 p., 42 ill., 28 €



La tradition des verres épais, à décor meulé, remonte à une très haute antiquité. Chez les Achéménides, en Grèce et à Rome, des verriers ont cherché à produire des verres taillés, qui sont toujours des pièces exceptionnelles, comme les “diatrètes” de l’Antiquité tardive. Cette tradition ne disparaît pas au Moyen Âge, et R. Lierke fait ici le point sur une série de gobelets de prestige (une douzaine seulement sont parvenus intacts jusqu’à nous), diffusés principalement en Allemagne et en Italie du Nord, qui ont probablement été fabriqués en Sicile au XIIe et au début du XIIIe s. Plusieurs d’entre eux ont reçu des montures métalliques, notamment pour les transformer en calices, aux XIIIe, XIVe et XVe s.

 

L’examen des traces de travail et l’étude technique montrent que ces verres ont été produits à partir d’une seule masse de verre ; selon l’auteur, ces gobelets ont dû être façonnés non par soufflage, l’hypothèse traditionnelle, mais plutôt par pressage du verre dans un moule de plâtre, permettant d’obtenir une première ébauche des décors en fort relief (dépassant de 2 à 5 mm la surface du gobelet). Ce sont les traces internes du mandrin, par exemple en bois mouillé, utilisé pour presser le verre encore ductile dans les parties creuses du moule, qui permettent d’étayer cette nouvelle proposition. Naturellement, tous les décors ont dû être repris ensuite à la meule, mais la répartition des volumes étant assurée dès la mise en forme, le verrier économisait une grande partie du travail qui aurait été nécessaire s’il lui avait fallu partir d’une ébauche lisse et massive.

 

Le contexte historique de ces gobelets en verre s’inscrit dans le cadre de l’expansion normande en Sicile, effectuée aux dépens des Arabes à la fin du XIe s. Des ateliers créés au seul bénéfice du prince par Roger II, les nobiles officinae, ont alors fait travailler les meilleurs artisans de l’époque, héritiers des techniques occidentales, arabes et byzantines. Les destinataires de ces objets exceptionnels, tous membres de la famille royale, sont à l’origine de l’exportation des gobelets au Nord des Alpes, puisqu’à la mort de Guillaume II (en 1189), l’empereur de Souabe Henri VI acquit, grâce à sa femme, la main-mise sur la Sicile. Tous les verres emportés de l’île à ce moment furent alors exportés et sont depuis conservés dans des collections publiques ou privées. Une partie d’entre eux, souvent réduits à l’état fragmentaire, ont été retrouvés dans des tombes datées du XIIe au XIVe s.