Niemeyer, Barbara: Trassologie an römischem Silber. Herstellungstechnische Untersuchungen am Hildesheimer Silberfund.

(BAR, Oxford 2007)
Compte rendu par Michel Feugère, Instrumentum, 2008-27, p. 4
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Barbara Niemeyer Trassologie an römischem Silber. Herstellungstechnische Untersuchungen am Hildesheimer Silberfund. (BAR S-1621), Oxford 2007, 214 p., 10 pl. coul., 192 fig. h.-t.


 

Discipline née chez les préhistoriens, la tracéologie regroupe l’étude des traces discrètes que laissent, sur un artefact, les gestes de la fabrication et ceux de l’usage. Cet ouvrage est entièrement consacré, comme l’indique le sous-titre, aux traces liées à la fabrication des vases en argent du trésor d’Hildesheim, une des découvertes archéologiques allemandes les plus célèbres pour l’époque romaine. Rarement, sans doute, un ensemble de vases métalliques aura bénéficié d’une étude technique aussi détaillée que celle offerte aujourd’hui par B. Niemeyer. Allant au-delà d’une simple monographie, l’ouvrage s’organise en chapitres thématiques au long desquels les questions posées sont traitées de manière systématique, à partir des observations effectuées sur tous les vases du trésor, et souvent sur d’autres objets étudiés en parallèle.

 

Après un exposé synthétique mais précis sur l’histoire des recherches concernant le dépôt, aujourd’hui bien daté de la fin du Ier s. de n. ère, l’auteur reconstitue l’histoire des restaurations subies par les différents objets depuis leur découverte par des soldats en 1868. Plusieurs intervenants se sont en effet succédés pour débarrasser les vases de leurs couches de corrosion, recoller les anses et dans certains cas compléter les lacunes. Ces interventions sont inégalement documentées, mais certaines d’entre elles ont été clairement indiquées sur les objets eux-mêmes (Tab. 1).

 

Ce chapitre est utilement suivi d’un exposé résumant les données disponibles sur les techniques de fabrication de l’argenterie antique : approche générale, coulée, martelage et tournage, techniques d’assemblage, décors enfin (ciselure, nielle, incrustations, dorure). Avec la question des réparations et reprises antiques, on entre dans le vif du sujet avec la distinction toujours difficile entre travaux antiques et modernes, une question particulièrement épineuse pour des objets précieux sortis du sol il y a presque un siècle et demi, et passés depuis entre les mains de plusieurs restaurateurs (p. 44-47).

 

L’étude des poinçons utilisés sur les différents vases (p. 53-83) ne permet d’attribuer à un même atelier, voire à la même main, que des lots de deux (H1 7 et 8, HI 13 et 14) ou trois (HI 45-47) vases identiques. Cette apparente diversité ne signifie pas, naturellement, que les origines soient multiples, un même ouvrier ou à plus forte raison un même atelier pouvant utiliser une large série d’outils. L’interprétation de motifs plus complexes, comme les décors de feuilles (p. 84-96), pouvant révéler le recours aux mêmes « cartons », permet de repérer au sein de différents ensembles d’argenterie contemporains d’Hildesheim un possible atelier commun. Mais les motifs plus simples, comme les bandes guillochées avec des perles estampées (p. 97-102) ne permettent pas de conclusions aussi assurées. L’examen microscopique des dorures révèle les traces multiples d’une application mécanique de feuilles d’or, de finesse et parfois de couleur variable. La dorure au feu ne semble pas avoir été utilisée sur les vases d’Hildesheim, à l’exception d’un anse de cruche (HI 44, p. 172) ; toutes les autres dorures montrent les signes d’une application par pression, sans doute à l’aide de brunissoirs.

 

Pour la mise en forme des décors plastiques, l’examen des traces d’outil peut laisser des indices nets, mais la poursuite du travail vise souvent à les faire disparaître… L’utilisation de radiographies (p. 111-122) est souvent un meilleur moyen de comprendre la mise en forme d’un vase et de son décor. Celles-ci permettent en outre de mettre en évidence les interventions postérieures sur l’objet fini — reprises de coulées, réparations antiques ou restaurations modernes.

 

Les examens optiques et radiographiques du trésor de Hildesheim ont naturellement été complétés par des analyses de composition. L’argent des vases, comme on le sait aussi par les autres analyses d’argenterie romaine, est assez pur (94-98%), sauf pour certaines anses ou pieds de vases dans lesquels on observe une forte proportion d’argent. Les brasures sont faites à l’étain, au plomb ou à l’aide d’un alliage de ces deux métaux ; les incrustations niellées sont classiquement obtenues à partir d’un sulfure d’argent.

 

La précision et la qualité des observations effectuées par l’auteur, sur un trésor qu’on pensait bien connaître, constituent une sorte de modèle pour ceux qui s’intéressent à la vaisselle métallique, qu’elle soit d’argent ou en cuivre allié. L’enquête n’a d’ailleurs pas été limitée ici à l’argenterie mais s’intéresse fréquemment à des séries de vases en bronze, étudiées avec la même attention. Toutes les démarches regroupées dans ce volume constituent un dossier solide, mais souvent orienté vers les questions de production : or, à part leur provenance commune et parfois leur style, rien ne prouve que les vases d’Hildesheim aient une origine unique… Il faut donc espérer qu’un programme de même qualité pourra un jour être appliqué à des objets plus proches de leur atelier : sur les traces de B. Niemeyer, l’application de cette méthode rigoureuse permettra peut-être de répondre aux questions qu’elle a dû ici laisser ouvertes.