Rossignol, J. P.: Les Métaux dans l’antiquité, Origines religieuses de la métallurgie ou les dieux de la Samothrace représentés comme métallurges, d’après l’histoire et la géogra­phie. – De l’orichalque. Histoire du cuivre et de ses alliages suivie d’un appendice sur les substances appelées Electre. 1 vol. in-8° près de 400 pag. Prix : 6 fr.
(Paris, Auguste Durand 1863)
Compte rendu par A. V., Revue Archéologique 10, 1864-5, 2e série, p. 166-167
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Les Métaux dans l’antiquité, Origines religieuses de la métallurgie ou les dieux de la Samothrace représentés comme métallurges, d’après l’histoire et la géogra­phie. – De l’orichalque. Histoire du cuivre et de ses alliages suivie d’un appendice sur les substances appelées Electre, par J. P. Rossignol, membre de l’Institut, professeur de littérature grecque au Collège de France. Paris, A. Durand, 1863. 1 vol. in-8° près de 400 pag. Prix : 6 fr.


 

La publication, dont nous venons de transcrire le titre, se compose, ainsi que le montre ce titre lui-même, de deux parties distinctes. La se­conde partie a été l’origine de l’ensemble. Cette seconde partie consiste, en effet, dans un mémoire sur l’orichalque, lu par le savant auteur à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1852, peu de temps avant son admission comme membre au sein de cette compagnie, et publié à part pendant le cours de la même année. Depuis lors, M. Rossignol a re­connu, en méditant son sujet, le lien d’analogie et de filiation qui le rat­tachait à une question plus générale : la métallurgie poétique ou mythologique des Grecs. Il a repris alors cette matière en sens inverse et a composé un nouveau mémoire qui sert naturellement, au premier (devenu ainsi le second), de prolégomène et d’introduction. De là, l’ordre dans lequel se présente actuellement l’œuvre de M. Rossignol, ordre que nous suivrons à notre tour, en offrant à nos lecteurs une analyse très-succincte de ce remarquable travail.

M. Rossignol, en s’appuyant sur l’histoire et la géographie, s’applique d’abord à montrer les origines religieuses de la métallurgie chez les an­ciens. Dans une suite de chapitres ou dissertations spéciales, il traite à tour de rôle des Dactyles, des Cabires et Dioscures, des Corybantes, des Curètes et enfin des Telchines. Il fait voir que ces mots, appropriés, par le génie allégorique des Grecs, à des termes d’analogie divers, mais qui se correspondent entre eux, ont d’abord désigné les inventeurs des métaux précieux, ou les ouvriers qui les ont mis en œuvre. Il signale ensuite la Poésie et la Religion s’emparant de ces faits, de ces noms, et leur com­muniquant un double prestige.

Dans le mémoire sur l’orichalque, le savant helléniste commence par montrer que le cuivre, si abondant en diverses parties du sol de l’Asie Mineure et de la Grèce, a précédé le fer et a été employé, même pour la fabrication des armes offensives, à l’exclusion de ce dernier métal, puis concurremment avec le fer. L’orichalque, étymologiquement et dans le principe, n’est autre chose que le cuivre en son gîte naturel, le cuivre de la montagne (de [GREC] et [GREC]), c’est-à-dire le métal primordial des Grecs. Puis, sous la baguette magique de la poésie, l’orichalque se change en une substance merveilleuse et imaginaire. Vient ensuite une·deuxième époque, l’âge réel de l’orichalque. Il désigne·alors tantôt le cuivre pur, tantôt un alliage de cuivre et de zinc, tantôt un alliage de cuivre et d’étain. Plus tard, en passant des Grecs aux Romains, le nom et la chose subissent une transformation nouvelle. L’orichalque est devenu l’aurichalcum, vocable hy­bride, et dont le latin, ainsi que notre français moderne, offrent plus d’un exemple. L’auricalque, dans cette dernière période, finit par être l’archal et le laiton du moyen âge.

Dans le cours de sa dissertation, M. Rossignol résout accessoirement un problème analogue à son sujet principal et démontre la signification poé­tique du [GREC], employée dans le texte grec de l’Apocalypse de saint·Jean. A la fin de son travail, il retrace, d’après la même méthode, l’historique de l’electrum, substance dont la nature et·l’étymologie ont donné lieu, parmi les archéologues français, à une controverse ré­cente. Le nom grec de l’électre, [GREC], se rattache à l’une des épithètes poétiques du soleil : [GREC], et aux racines [GREC], [GREC], etc. Il a successive­ment servi à dénominer : 1° une substance poétique ou imaginaire ; 2° le succin ; 3° l’or, et enfin divers minéraux ou composés quelconques, parti­cipant de l’un des attributs de l’[GREC], tel que l’éclat métallique, ou la translucidité.

Par la manière dont l’auteur de ce volume expose son sujet, éclaircit les obscurités qui l’entourent, réfute les objections, dispose ses preuves et arrive au but, il est impossible de méconnaître en lui un écrivain souve­rainement maître de la question, un érudit et un humaniste consommé. Cette question, en elle-même, confine par de larges faces limitrophes à l’archéologie, à l’histoire, à la philosophie.

Ainsi, à ce dernier point de vue, M. Rossignol, dans son introduction, indique le genre de lumière que les résultats de ses recherches peuvent fournir à celui qui, parallèlement à l’histoire physique et ethnologique de l’humanité, voudrait tracer ce qu’il appelle le tableau des époques de la nature, ou l’histoire des grandes conquêtes accomplies successivement par l’homme sur les éléments, les métaux, les richesses animales et végé­tales, etc. De nos jours, l’industrie, si longtemps tenue au dernier rang par les préjugés du moyen âge, tend à devenir l’objet d’une sorte de réha­bilitation. Durant le moyen âge, la profession des armes, exercée par la noblesse, était considérée comme l’emploi le plus relevé de l’activité hu­maine. Aujourd’hui, la préoccupation de l’opinion, les honneurs publics, et peu à peu la savante organisation, passent ou passeront de l’état mili­taire à l’industrie. Or, qu’est-ce qu’un Hercule, que sont les Dactyles, les Cabires, les Curètes, etc., si ce n’est de grands initiateurs aux travaux de l’industrie, dans le sens le plus général de ce mot ? N’est-il donc pas curieux, n’est-il pas intéressant, lorsqu’on remonte au berceau de nos origines et de notre civilisation, de voir, au point de départ, l’Industrie comme la Guerre, Hercule ainsi que Mars, glorifiés dans des types abstraits et consacrés par la pompe de la Religion ? A. V.