AA. VV.: Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie. Tome I (fasc. i-xi), et tome II (fasc. xii-xvii).
(Paris, Letouzey et Ané 1903-)
Compte rendu par Louis Jalabert, Revue Archéologique t. 15 (4e série), 1910-1, p. 196-198
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Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie, publié par le Rme dom Fernand CABROL, abbé de Farnborough, avec le concours d’un grand nombre de collaborateurs. Tome I (fasc. i-xi), 1903-1906, et tome II (fasc. xii-xvii) en cours de publication. Paris, Letouzey et Ané. Prix du fasci­cule de 160 pages, in-4° à 2 colonnes : 5 fr.


Le premier Dictionnaire des Antiquités chrétiennes fut une œuvre française. L’ouvrage de Martigny (3e édit., 1889) a rendu déjà bien des services et on continue à le consulter ; ni le Dictionary of christian Antiquities de W. Smith et S. Cheetham (1875), ni la Real­-Encyclopädie der christlichen Alterthümer de X. Kraus (1882-6) n’ont pu le faire oublier. Quoi qu’il en soit de la valeur respective de ces encyclopédies, aucune n’est plus à jour ; car la seconde moitié du XIXe siècle a vu se multi­plier, dans une énorme proportion, les recherches dans le domaine de l’archéologie chrétienne, trop longtemps dédaignée. Il devenait donc urgent de songer à classer les nouveaux matériaux dans un vaste répertoire et de faciliter le travail des chercheurs, arrêtés ou rebutés par l’extrême dispersion des livres et des articles qui se publient, sur ces sujets, dans les deux mondes ; ne fallait-il pas aussi que la priorité acquise à la France par Martigny fût conservée à notre pays si souvent supplanté ? Le Blant, dit-on, caressait le projet d’un dictionnaire d’archéologie chrétienne ; la vieillesse et la mort l’empêchèrent d’y donner suite. L’idée, heureusement, n’eut pas le temps d’émigrer et fut reprise par les Bénédictins français de Farnborough, dans des conditions qui devaient en assurer le succès. Inutile de rappeler ici les travaux de valeur sortis de cette officine, où les traditions bénédictines d’érudition patiente et de labeur tenace ne se sont point perdues, Deux hommes surtout étaient désignés pour assumer la direction effective de l’entreprise ; dom Cabrol, dont la compétence en matière de liturgie est universellement reconnue, et dom Leclercq, dont l’activité débordante et l’immense érudition suffisent, sans s’épuiser, à de multiples tâches dont une seule pourrait occuper un homme. Plusieurs années s’étaient passées à hésiter ; elles n’ont pas été perdues ; par myriades les fiches s’accumulaient dans les tiroirs, le dépouillement de la Bibliothèque du British Museum allait bon train ; aussi les matériaux étaient-ils à pied d’œuvre, abondants et choisis, quand le premier fascicule fut enfin lancé dans le public (1903). Depuis, les livraisons se sont succédé régulièrement, au nombre de 3 ou 4 par an. Régularité méritoire, si l’on songe au petit nombre de noms que l’on rencontre au bas des colonnes, tout au plus une vingtaine. De ce nombre sont quelques collaborateurs occasionnels, tels MM. P. Allard, Ermoni, Gastoué, Lejay, Ch. Michel, Lefebvre, Mgr Kirsch et Mgr Batiffol, quelques savants bénédictins et assomptionnistes ; mais les deux noms qu’on rencontre le plus habituellement sont ceux de dom Cabrol et de dom Leclercq. Ce dernier même revient avec une fréquence qui donnerait presque des inquiétudes. Comment, en effet, imaginer un homme qui réunisse à lui seul tant de spécialités ; qui puisse passer de l’épigraphie à l’archéologie, de l’histoire à la liturgie ; qui décrive tour à tour le christianisme en Afrique et en Achaïe, les antiquités chrétiennes d’Antioche et celles d’Alexandrie? Ce serait une gageure, si l’auteur ne se donnait pour un géographe en chambre qui ne vise pas à autre chose qu’à mettre dans le domaine commun le fruit de ses lectures. Ces lectures sont d’une variété et d’une abondance à déconcerter les plus robustes liseurs. Grâce à cet heureux tempérament de travailleur, à un don peu commun de groupement et de prompte synthèse, dom Leclercq met de l’ordre dans tout ce qu’il touche. Ses résumés toujours clairs et aussi complets qu’on peut les souhaiter sont toujours les bienvenus ; en sa compagnie, on apprend tant de choses et de si diverses qu’on ne saurait même ne pas être indulgent à une érudition parfois un peu intempérante et à des accumulations bibliographiques, où l’excellent côtoie le médiocre ou l’inutile au hasard de l’ordre alphabétique.

Avec ses 4.780 colonnes pour les seules lettres A et B, on voit combien le Dictionnaire laisse loin derrière lui Martigny, Smith et Kraus ; près de 2.000 illustrations concourent à en faire un instrument de travail absolument indispensable. Quelques indications rapides achèveront ne donner une idée des ressources qu’on y peut trouver. Sans essayer d’être complet, voici comment pourraient se répartir les articles les plus notables ; 1°) Archéologie ; a) questions plus générales (abbaye, abside, amphithéâtre, autel, bains, baptistère, basilique, bibliothèque, art byzantin) ; — b) archéologie funéraire (arcosolium, area, ascia, ampoules de sang, bisomus ; cimetières de Sainte- Agnès, de Saint-Alexandre, d’Apronien, de Balbine) ; — c) notices historico-archéologiques (Achaïe, Afrique, Grande-Bretagne, Bretagne ; Alexandrie, Antinoé, Antioche, Athènes, Autun, Byzance ; Aix-la-Chapelle, Akhmin, Arles, Athribis, Avignon, Bethléem, Bordeaux) ; — 2°) Épigraphie (Α et Ω, Abercius, abrasax, abréviations, acclamations, acrostiche, amendes funéraires, amulettes, anathème) ; ­— 3°) Iconographie chrétienne et ses types (agape, agneau, âme, amours, anges, Annonciation, apocryphes, Ascension, Assomption, Baptême de Jésus) ; ­— 4°) Liturgie ; a) les grandes liturgies (Addée et Maris, Afrique, Alexandrie rit ambrosien, Antioche, Aquilée, Ariens, Grande- Bretagne) ; — b) fêtes et temps liturgique (Annonciation, Ascension, Assomption, Avent) ; — c) les offices et leurs éléments (amen, anamnèse, anaphore, antienne, antiphone ; accent (plain-chant), chant ambrosien) ; — d) cérémonies spéciales (abjuration, absolution, absoute, baptême, bénédiction) ; — e) officiants (acolyte, archevêque, archidiacre, archimandrite, archiprêtre) ; — f) costume et mobilier liturgique (amict, antimension, aube, aube baptismale, autel, azymes, bénitier, burettes) ; — g) livres liturgiques (antiphonaire, bénédictionnaire, bréviaire) et manuscrits liturgiques (Albi, Amiens, Apt, Arsenal (bibliothèque de l’), Bangor, Berlin, Bobbio) ; — 5°) Vie chrétienne: a) privée et publique (adjuration, adultère, affranchissement, agape, alumni, apocrisiaires) ; — b) classes sociales (agricoles, aristocratiques) ; — c) métiers (architectes, armateurs, arpenteurs, avocats, banquiers, bateliers ; boulangers) ; — d) costume (anneaux, barbe, bracelets, bulle, braies) ; — 6°) Ascèse (abstinence, acémètes, ama, apa, apotactites, basiliens, bénédictins) ; — 7°) Histoire ecclésiastique (Abgar, accusations contre les chrétiens ; Aquariens, Basilidiens ; Actes des martyrs) ; — 8°) Histoire des sciences archéologiques et liturgiques (Alcuin, Allatius, Assemani, Baronius, Bosio, Bottari)…

        Cette énumération très restreinte montre amplement que le Dictionnaire donne au-delà des promesses de son titre, et aussi qu’il est conçu sur un plan beaucoup plus ana1ytique que notre Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines ; se rapprochant, sur ce point, des dictionnaires de la Bible et de Théologie dont il est le frère puîné. Il y a là, il faut l’avouer, un inconvénient pratique, auquel on a déjà tâché de remédier provisoirement par une table détaillée (pour la lettre A), ajoutée à la fin du tome I, qui contient le titre et la division des articles ; de plus, il va de soi que des renvois appropriés d’articles à articles connexes commenceront à anticiper une synthèse qui sera réalisée par la table méthodique à la fin du dernier volume.

Personne ne s’étonnera de rencontrer de-ci de-là de menues erreurs, quelques omissions ; comment en serait-il autrement ? Mais, après tout, la proportion en est infime, si l’on tient compte des dizaines de mille de faits, de références qui bourrent texte et notes. Essayer de les relever ici serait peu profitable ; à chacun de les noter pour soi ou de les communiquer pour les errata ; je ferai observer cependant qu’il y aura lieu de réparer, à l’article Ephèse, une omission de l’article Abgar, où je ne vois pas citer le linteau d’Ephèse qui reproduit la fameuse correspondance de Jésus et d’Abgar (Jahreshefte de Vienne, III, 1900, Beiblatt, col. 90 et suiv.). Que celui qui étudie s. v. Abréviations (col. 180-182) la question des sigles XMP ne croie pas tenir l’interprétation définitive de dom Leclercq ; il y est revenu ailleurs (s. v. Amphores, col. 1692-1696) et pour se corriger. A propos du geste de bénédiction (II, col. 752 et suiv.), il eût fallu signaler le geste analogue des mains votives offertes à Sabazius ; cf. Blinkenberg, Archaeol. Studien, p. 66-90. Comment Berytus n’a-t-elle pas eu les honneurs d’un article? Le prote devrait soigner davantage l’accentuation grecque, souvent bien barbare.

Belle œuvre, en somme, et bonne œuvre dont on attendra l’achèvement avec impatience. Souhaitons forces et courage aux vaillants ouvriers ; souhaitons leur aussi des collaborateurs plus nombreux ; divisée, la tâche pèserait moins lourd et plus vite nous en saluerions le couronnement.

L[ouis] J[alabert]