Kohl, Heinrich: Kasr Firaun in Petra (13 wissenschaftliche Veröffentlichung der deutschen Orient-Gesellschaft). Grand in-4e, ii-44 p., avec 12 planches et 39 gravures dans le texte.
(Leipzig, Hinrichs 1910)
Compte rendu par Louis Jalabert, Revue Archéologique t. 17 (4e série), 1911-1, p. 193-194
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Heinrich Kohl. Kasr Firaun in Petra (13 wissenschaftliche Veröffentlichung der deutschen Orient-Gesellschaft). Leipzig, Hinrichs, 1910. Grand in-4e, ii-44 p., avec 12 planches et 39 gravures dans le texte.


       Tous les monuments de Pétra actuellement subsistants, temples et tombeaux, sont taillés à même le rocher; seule une construction isolée, le Kasr Firaun, se dresse dans le champ de décombres qui marque l’emplacement de la ville. A ce monument unique en son genre, M. Kohl consacre une luxueuse monographie.

        Le Kasr Firaun est un petit temple in antis, orienté vers le nord, avec 4 colonnes de façade ; il comprend un pronaos, une cella toute en largeur et un adyton divisé en trois parties : le sanctuaire proprement dit, exhaussé de quelques marches, qui renfermait la statue de culte, et deux exèdres (?). Bien qu’on n’en trouve pas d’autre exemple à Pétra, l’adyton tripartite a un caractère syrien très marqué (comparez le temple de Bacchus à Ba‘albek) ; cette division a peut-être son explication dans le nombre des divinités auxquelles le temple de Pétra était consacré. La cella en largeur et peu profonde se rencontre, plus d’une fois, dans les temples d’Arabie (temples de Mhayy, Kasr Rabba).

        Deux particularités du Kasr Firaun méritent d’être signalées : l’emploi du bois et le revêtement de stuc. Dans plusieurs endroits des murailles, on rencontre la trace de poutres insérées entre les lits de moellons et d’autres pièces de charpente engagées transversalement dans l’épaisseur du mur comme pour en assurer la solidité. Ce seraient peut-être des survivances de l’ossature qui donnait aux constructions en briques plus de cohésion.

        Quant au revêtement en stuc, il a en grande partie disparu. Généralement il était appliqué à même les blocs de grès de la paroi ; mais, sur les points où les panneaux devaient avoir plus de relief ou plus d’épaisseur, on voit encore les trous dans lesquels s’enfonçaient des chevilles de bois, destinées à donner plus de prise à l’enduit et plus d’adhérence à la surface décorative. En quoi consistait cette décoration ? M. Kohl se le demande dans une étude très suggestive. Il passe en revue les stucs dont on a relevé des restes à Délos, à Priène, dans le temple de Diane à Nîmes et surtout à Pompéi. S’aidant de tous ces documents, il arrive à interpréter les rares fragments demeurés adhérents aux parois du temple et en donne une restitution séduisante. La conclusion qui ressort de son enquête est que les panneaux décoratifs de Pétra, avec leur ornementation d’édicules stuqués, prendraient place entre la décoration en stuc du premier style pompéien et l’ornementation plus architectonique des exèdres de Ba‘albek (IIe siècle). Mais une autre idée se fait jour, celle-ci plus intéressante encore : les façades si décoratives de quelques-uns des temples et des tombeaux de Pétra pourraient bien n’être que la transposition sur le rocher, d’où on les a excisées, de décorations murales ; l’exemple donné par la peinture ou le stuc aurait inspiré et guidé les architectes. Ainsi l’ornementation architectonique, de plus en plus riche et luxuriante dans la Syrie du IIe et du IIIe siècle, procéderait des créations des peintres et des décorateurs; ce serait encore leur fantaisie effrénée qui aurait donné l’essor aux tendances baroques de l’architecture, notables p. ex. dans le temple circulaire de Ba‘albek et la tholos du Hazné à Pétra.

        Ces idées neuves, jointes aux qualités solides de ce mémoire, où le mérite de l’archéologue est rehaussé de la compétence de l’architecte, donnent à cette étude de détail une portée plus générale. L’auteur, dans son préambule, remercie le Dr O. Puchstein de l’aide qu’il lui doit : ce haut patronage suffirait à recommander son travail; mais par lui-même il se désigne assez à l’attention des archéologues et des historiens de l’art oriental.

                                                                              L[ouis] Jalabert