Woolley, C. Leonard - Randall-Maciver, D.: Karanòg, the Romano-Nubian cemetery. 2 vol. in-4, 286 p. et 115 pl. Forme les tomes III et IV de l’Eckley B. Coxe junior expedition to Nubia.
(Philadelphie, The University Museum 1910)
Compte rendu par Seymour De Ricci, Revue Archéologique t. 17 (4e série), 1911-1, p. 357-358
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C. Leonard Woolley et D. Randall Maciver, Karanòg, the Romano-Nubian cemetery. Philadelphie, published by the University Museum, 1910. 2 vol. in-4, 286 p. et 115 pl. Forme les tomes III et IV de l’Eckley B. Coxe junior expedition to Nubia (25 fr. le volume).


        Après leurs belles fouilles d’Areika publiées dans le tome I de la même série (1), MM. Woolley et Maciver se sont transportés à Anibeh, toujours en Nubie. A peu de distance de celle localité, à Karanὸg, ils ont découvert une importante nécropole d’époque romaine. Les deux volumes consacrés à cet ensemble de tombes ont été publiés par les explorateurs avec une louable rapidité et permettent, pour la première fois, de connaître l’art nubien de l’époque romaine.

        Dans cet art singulier et parfois fort attrayant, les éléments pharaoniques et hellénistiques se fondent et se transforment grâce à des influences locales qu’on aurait pu ignorer il ya trente ans, mais qu’il n’est plus permis de méconnaître, aujourd’hui que l’on recherche avec curiosité les productions artistiques des indigènes de l’Afrique non musulmane. Il est d’autant plus intéressant d’étudier en Nubie ces influences méridionales que nous ne connaissons guère de monuments datés des arts africains : les peintures rupestres de l’Afrique méridionale semblent en grande partie assez récentes et pourtant elles prêtent à de curieux rapprochements avec les frises de personnages et d’animaux ornant les vases nubiens. Tant il est vrai que chez les peuples non civilisés l’évolution artistique est d’une extrême lenteur.

        L’Égyptien se représentait l’âme, le double, sous la forme d’un oiseau ; une représentation familière nous la montre posée sur la momie qu’elle va quitter pour prendre son vol vers l’Amenti. Les Nubiens d’époque romaine concrétisaient cete croyance sous la forme de statuettes singulières, moitié hommes, moitié oiseaux, que MM. Woolley et Maciver ont retrouvées en grand nombre dans ces nécropoles. Ces sculptures, fort grossières à la vérité, sont d’une inspiration tout égyptienne: à peine y sent-on déjà ce je ne sais quoi de trapu ­et même de négroïde qui caractérise les figures de Méroé.

        La céramique est toute nouvelle et bien caractéristique. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la vitrine qui, au Musée du Caire, est consacrée à la céramique nubienne pour sentir combien elle diffère de tout ce que nous connaissions jusqu’ici. Les formes n’ont rien de singulier; la pâte est d’un rouge terne qui n’est pas rare dans l’Égypte romaine; le décor est vraiment nouveau avec ses frises d’animaux et de personnages. Seules les guirlandes, visiblement inspirées de celles qu’affectionnent les céramistes alexandrins nous rappellent que nous sommes aux confins d’une province romaine. Mais ces guirlandes se marient à des dessins géométriques d’inspiration locale et à des motifs bien pharaoniques comme les croix ansées et les uraeus. Le vase le plus remarquable à notre avis est celui autour duquel marche une rangée de girafes fort habilement dessinées.

        Un bol de bronze orné de sujets incises est une œuvre capitale ; les frises qui l’entourent sont traitées avec une liberté charmante : ces hommes et ces bœufs semblent détachés de quelque tombe memphite de la Ve dynastie. Dans une autre tombe, un coffret de bois incrusté de plaques d’ivoire annonce déjà les curieuses tendances de l’art copte.

        Ces Nubiens avaient une langue à eux, que nous connaissons depuis peu grâce à deux manuscrits de Londres et de Berlin, et même une écriture spéciale, ce fameux démotique méroïtique qui avait résisté jusqu’ici à toutes les tentatives de déchiffrement. Un égyptologue anglais, M. F. Ll. Griffith, guidé par l’étude du nubien moderne a réussi à traduire le manuscrit de Londres ; grâce aux deux cents inscriptions inédites que lui ont rapportées MM. Woolley et Maciver, il a réussi, assure-t-on, à déchiffrer l’écriture énigmatique des stèles. On attend avec impatience la publication de son travail sur cette épigraphie si longtemps énigmatique.

        Les hellénistes liront avec intérêt, dans l’ouvrage sur Karanὸg, un chapitre de M. Cheseman sur les garnisons romaines de l’Égypte. Ils se demanderont peut-être ce que signifie une inscription grecque entourant le chaton d’une bague ;

                              XXPAΠΙXICΓΑΤΟΟΝΟΠΑΤΟΥ

Les éditeurs y ont vu ce qui voudrait dire « Sarapis de la lointaine Napata ». Rétablissons trois lettres mal lues et nous aurons

                              XXPAΠΙΜXΓΑΤΟΟΝΟΜΑΤΟΥ

 

Μέγα τὸ ὄνομα τοῦ Σεράπιδος ! Acclamation qui s’est déjà rencontrée en Nubie.

                                                                       Seymour de Ricci

 

(1) Le tome II par G. S. Mileham est consacré aux églises de la Basse-Nubie.