Bertaux, E.: Donatello. In-8, 255 p. avec 24 pl.
(Paris, Plon 1910)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 17 (4e série), 1911-1, p. 371
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E. Bertaux. Donatello. Paris, Plon, s.d. (1910). In-8, 255 p. avec 24 pl.


« Le réalisme épique de Donatello. » Cette formule, très juste dans sa concision, termine un excellent livre. Mais l’auteur connaît trop bien Donatello pour faire un bloc de son œuvre et de son génie. « Son art a traversé des crises violentes ; il a passé de l’amertume à la joie, de la bacchanale au drame et aux visions funèbres » (p. 192). La détente de Donatello à 45 ans, lors de son séjour à Rome, est très bien marquée, comme aussi l’inspiration qu’il puisa dans l’antique, sans jamais s’y tenir ni se plier à l’imitation. « La vision du monde antique a rapproché l’artiste inquiet des dieux heureux ; elle a achevé ce rajeunissement que déjà l’antiquité avait opéré en lui et qui se manifeste, aussitôt après son retour à Florence, dans des œuvres pleine de force et de joie » (p. 105). Mais les putti de Donatello, « ces enfants qui participent des Amours et des Satyres, nous transportent bien loin des jolies inventions de l’art alexan­drin » (p. 117). Comme le dit M. B. en parlant du David (p. 121) ; « Le sculpteur n’a pris à l’antiquité qu’un thème dont les variations lui appartiennent ». Donatello ne se rattache pas plus étroitement au moyen âge. Cet artiste « ennemi des traditions » (p. 160), a été « le plus grand révolutionnaire de l’art italien » (p. 8) et, par là, l’ancêtre de l’art moderne. « A côté de Brunellesco, il a été l’un des pionniers qui ont renouvelé l’art, en lui donnant l’exac­titude d’une science ; mais tout ce que cette exactitude aurait pu avoir de froid et de sec se fond au feu de l’amour que le sculpteur a pour ce qu’il crée » (p. 197). Là où Donatello fait le plus songer à l’art grec, qu’il ne pouvait d’ailleurs pas connaître, c’est dans des figures comme le Saint Georges qui sont mystérieusement apparentées à l’art grec d’avant Phidias. C’est qu’il y avait une analogie de tempérament entre les précurseurs de ces deux époques « classiques », secouant les chaînes de la tradition et découvrant, avec une sorte d’ivresse, la vérité dans la nature. M. Bertaux parle à ce propos de l’Aurige de Delphes, souvenir heureux qui ne pouvait manquer sous la plume d’un érudit qui a de bons yeux pour voir et un bon cerveau pour digérer ce qu’il a vu.

                                                       S[alomon] R[einach]