AA. VV.: Bulletin de la Société archéologique d’Alexandrie, fasc. 12. In-8, 123 p.
(Alexandrie 1910)
Compte rendu par Seymour de Ricci, Revue Archéologique t. 17 (4e série), 1911-1, p. 373-376
Site officiel de la Revue archéologique
Lien avec l'édition numérique de ce livre
 
Nombre de mots : 1373 mots
 
Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
Lien : http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=358
 
 

E. Breccia (et autres), Bulletin de la Société archéologique d’Alexandrie, fasc. 12. Alexandrie, 1910. In-8, 123 p.


        Peu de périodiques méritent autant que ce Bulletin, fondé en 1898 par Botti et demeuré longtemps peu connu en Europe, d’attirer l’attention des travailleurs. Il n’est guère de fascicule où l’on ne trouve publié en grand nombre des documents inédits et M. Breccia commence à obtenir, pour ses articles de fond, des collaborations étrangères précieuses : qui s’attendrait à trouver dans ce fascicule un article de Mgr Duchesne sur le sanctuaire d’Aboukir, à côté de travaux signés Lumbroso, Cantarelli, Perdrizet, etc. ?

        Un travail de feu Thadée Smolenski, jeune et zélé égyptologue polonais enlevé l’an dernier par la tuberculose à l’affection de ses amis du Caire, rappelle l’attention des épigraphistes sur la rarissime Relation du voyage fait en Égypte, par le sieur Granger, en l’année 1730 (Paris, 1745. In-12). On y trouve le texte, fort défiguré, de plusieurs inscriptions grecques que Smolenski reproduit en les commentant. Smolenski avait d’ailleurs enfoncé une porte ouverte : quoi qu’il en dise, les copies épigraphiques de Granger ont été citées par Letronne (Recueil des inscr. gr. et lat. de l’Égypte, t. 1, p. iv). Plus récemment nous les trouvons signalées par M. Omont (Missions archéologiques françaises en Orient, p. 804) et utilisées (d’après mes indications) par G. Lefebvre, Inscriptions grecques chrétiennes d’Egypte, p. 98. Mais il n’en demeure pas moins vrai que c’est, avec la Relation de l’état présent d’Athènes, de Babin, un des quatre ou cinq ouvrages anciens que le vieux Boeckh avait oublié de dépouiller pour son Corpus.

        Un document de premier ordre est la planchette latine découverte à Philadelphie du Fayoum et publiée par M. Lefebvre. C’est la moitié d’un diptyque ; mais grâce à l’excellente habitude qu’avaient les scribes anciens de recopier à l’intérieur le texte des faces externes, il se trouve que nous avons le début d’une des transcriptions et la fin de l’autre : il ne manque donc que quelques mots au milieu. Voici une analyse sommaire du document ainsi reconstitué :

        1° Liste de 9 témoins avec leurs cachets ;

        2° Date (2 juillet 94 apr. J.-C.) suivie des mots Alex(andreae) ad Aegyptum ;

        3° M. Valerius Quadratus, vétéran déclare qu’il a pris copie d’un édit

Impérial :

        M(arcus) Valerius M(arci) f(ilius) Pol(lia tribu) Quadratus, vet(eranus) dimmissus honesta missione ex leg(ione) X Fretense, testatus est se descriptum et recognitum fecisse ex tabula aenea quae est fixa in Caesareo Magno escendentium scalas secundas sub porticum dexteriorem, secus aedem Veneris marmoreae, in pariete in qua scriptum est et id quod infrascriptum es[t].

        4° Texte copié par M. Valerius Quadratus ; édit de Domitien (28 décembre 93) conférant outre le droit de cité et le connubium de nombreux privilèges spéciaux aux vétérans de la légion X Fretensis ayant servi pendant le siège de Jérusalem, à eux, à leur femme (présente ou future) et à leurs enfants nés pendant le service :

        Imp(erator), etc., dicit : Visum est mihi edicto significare universoru[m] vestrorum, u[t] (1) veterani milites, omnibus vectigalib(us), portitoribus publicis liberati immunes esse deben[t], ipsi, coniuges, liberique eorum, parentes qui conubia [eo]rum sument, optumo iure c(ives) r(omani) esse possint et om[ni] immunitate liberati apsolutique sint et omnem i[mmu]nitatem, q(ui) s(upra) s(cripti) s(unt) parentes liberique eorum idem iuri[s] idem condicionis sint, utique praedia, domus tabern[ae] invitos intemni qui veteranos s..onis… (lacune).

        [v]eteranorum cum uxoribus et liberis s(upra) s(criptis) in aere incisi, aut, si qui caelibes sint, cum is quas postea duxissent dumtaxat singuli singulas ; qui mili­taverunt Hierosolymnis in leg(ione) X Fretense, dimmissorum honesta missione, stipendis emeritis, per Sex(tum) Hermetidium Campanum legatum Aug(usti) pro praetore, V k(alendas) Jan(uarias), Sex(to) Pompeio Collega, Q(uinte) Peducaeo Priscino co(n)s(ulibus), qui militare coeperunt P(ublio) Galerio Trachalo, Ti(berio) Catio et T(ito) Flavio, Gn(aeo) Aruleno co(n)s(ulibus).

        4° M. Valerius déclare que la copie a été prise le 1er juillet 94 par autorisation du préfet d’Égypte : ex permissu M. Iunii Rufi praefecti Aegypti.

        5° M. Valerius Quadratus déclare que pendant son service il lui est né trois enfants :

        Ibiq(ue) (2) M(arcus) Valerius M(arci) f(ilius) Pol(lia tribu) Quadratus coram me (?) (3), praesentibus eis qui signaturi erant testatus est juratusque dixit per J(ovem) O(ptumum) M(aximum) et Genium sacratissimi Imp(eratoris) Caesaris Domitiani Aug(usti) Germanici, in militia sibi L(ucium) Valerium Valentem et Valeriam Heraclun et Valeriam Artemin omnes tres s(upra) s(criptos) natos esse eosque in aere incisos ciuiatem romana consecutos esse beneficio eiusdem optumi principis.

        Toutes ces parties ont été fort bien distinguées par M. Lefebvre ; nous croyons cependant pouvoir préciser sur quelques points son commentaire. Tout d’abord, les mots Alexandreae ad Aegyptum se rapportent, à ce qu’il semble, non au lieu où Quadratus a pris sa copie ; mais au lieu où nos planchettes ont été écrites : c’est une partie intégrante de l’intitulé du document.

        Comme le croit M. Breccia, il s’agit à notre avis d’un édit impérial affiché au Caesareum d’Alexandrie et non d’une tabula conservée à Rome comme préfère le penser M. Lefebvre. Les nombreuses immunités fiscales que mentionne l’édit sont alors applicables à l’Égypte dont le régime financier n’était pas le même que celui des autres provinces. L’édit en question paraît n’avoir rien à faire avec ceux dont les diplômes militaires nous ont conservé des extraits : ce n’est pas l’édit conférant aux vétérans l’honesta missio avec ses conséquences, civitas, connubium, etc., mais un édit spécial, conférant à certains vétérans, déjà munis de l’honesta missio, une série d’immunités fiscales particulières.

        Une planchette que j’ai découverte et publiée il y a quelques années et qu’a commentée M. Paul-Frédéric Girard (4) nous a fait toucher du doigt l’existence pour l’Égypte de deux honestae missiones, l’une accordée par l’empereur, l’autre, moins relevée, accordée par le préfet et dite χωρὶς χαλκῶν. Comme le diplôme était en bronze pour le premier cas et en bois pour le second, on était amené à interpréter l’expression χωρὶς χαλκῶν comme relative à la matière sur laquelle le diplôme était tracé. Deux passages du précieux document publié par M. Lefebvre nous donnent à croire que cette locution oppose les vétérans dont le nom était simplement inscrit sur les registres du préfet à ceux dont les noms étaient gravés sur le bronze (in aere incisi) à la suite de l’édit impérial leur conférant l’honesta missio.

        Nous possédions déjà des déclarations de naissances faites citra causarum cognitionem, c’est-à[-]dire sans que l’administration eût à examiner les motifs qui inspiraient chez le déclarant l’accomplissement de cette formalité. Voici maintenant une déclaration dont la causa est très nette ; le désir par un vétéran de faire bénéficier des immunités mentionnées dans l’édit impérial, les trois enfants qui lui étaient nés au cours de son service.

        La fin du volume contient d’intéressantes notes épigraphiques de M. Breccia. Voici l’indication de quelques textes particulièrement curieux :

        P. 87. Inscription de Rosette : τὸ πλῆθος τῶν ἀπὸ τοῦ μεγάλου [Κλ]εοπατρ(είου) Πύρρον Ἀπολλωνίου τὸν ἑαυτῶν ἀρχιερέα· (ἔτους) λδ’ Καίσαρος (4-5 apr. J.-C.).

        P. 90. Ben-Ghazi ? (Musée d’Alexandrie). Amphore panathénaïque datée de l’archontatde Nikomachos (341-340 av. J.-C.). C’est la plus ancienne où l’on

observe l’Athéna tournée à droite.

        P. 93 et suiv. Nombreux fragments de vases inscrits analogues au célèbre vase de Berenice (qui est à la Bibliothèque nationale et non au Louvre, comme le dit M. Breccia). Liste des exemplaires connus jusqu’ici (y ajouter un beau vase de la collection Sieglin au Musée de Stuttgart).

        P. 29 XΙΛΟΥΑΝΟX | XΤΡΑΤΙXΤΗΣ | ΚXΜΗX.... | ΟΡXΝ ΝΙΙΟ| ΧXXΝΛX

        Ne faut-il pas lire ὀρῶν [Ἀ]ντιοχέων ?

        P. 103, n. 27. Inscription gravée sous un bas-relief acheté à Alexandrie :

ΣΩΣΑΝΑΡΟΝΤΟΝΕΑΥΤΟΝ

ΥΙΟΝΟΠΑΟΝΥΜΕΛΑΝΟΙΩ

ΕΥΧΕΝ

        Le Musée du Louvre possède depuis  1881 une colonnette en marbre blanc, achetée à la vente Bammeville et trouvée à Palaeo-Paphos ; on y lit l’inscription(5) :

ΑΡΙΣΤΑΓΟΡΑΣ

ΣΩΣΑΝΔΡΟΝ

ΥΟΝΕΑΥΤΟΥΥΙΟΝ

ΟΠΑΟΝΙΜΕΛΑΝΘΙΩ

ΕΥΧΗΝ

        Or, dans le catalogue de la vente Bammeville (p. 23, n° 93) cette inscription a été transcrite de la façon suivante ;

ΑΡΙΣΤΑΓΟΡΑΣ ΣΩΣΑΝΑΡΟΝ ΤΟΝ

ΕΑΥΤΟΝ ΥΙΟΝ ΟΠΑΟΝΥ ΜΕΛΑΝΟΙΩ ΕΥΧΗΝ

        L’inscription publiée par M. Breccia n’est donc autre chose que la transcription sur pierre d’un extrait du catalogue de la vente de Bammeville.

                                                               Seymour de Ricci

 

(1) Lefebvre, VI.

(2) Le signe indistinct après IBI nous parait être un Q ajouté après coup.

(3)  sur la planchette.

(4) Nouv. revue hist. de droit, t. XXX (1906), pp. 477-498.

(5) Colonna-Ceccaldi, Monum. ant. de Chypre, p. 194 ; S. Reinach, Rev. des ét. gr., t. II (1889), p. 225 et Cultes, mythes et religions, t. II, p. 285 suiv.