Zanotti, Angelo: Autour des murs de Constantinople. 1er [sic] partie : Tchatladi Capou. In-8 de 214 p., avec 15 pl. et 3 plans.
(Paris, Ambert 1911)
Compte rendu par Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 18 (4e série), 1911-2, p. 392-393
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Angelo Zanotti. Autour des murs de Constantinople. 1er [sic] partie : Tchatladi Capou. Paris, Ambert, 1911. In-8 de 214 p., avec 15 pl. et 3 plans.


        M. Zanotti n’est pas un spécialiste : c’est un homme de goût ayant longtemps vécu à Constantinople. L’ouvrage dont il vient de publier la première partie s’adresse au grand public. Il y est question de ces remparts de Constantinople que menace quotidiennement la pioche des démolisseurs. L’auteur nous entretient particulièrement de ces murs riverains de la Marmara que le doublement de la voie ferrée livre en ce moment de nouveau à la pioche ; l’œuvre de destruction ne saurait être trop surveillée quand elle s’accomplit ainsi dans les substructions des palais impériaux.

        Clairement composé et sobrement écrit (1), le livre de M. Zanotti est fondé sur ceux des spécialistes de la topographie byzantine, Labarte, Mordtmann, Paspati, Millingen. On s’étonne pourtant de ne pas voir citer l’ouvrage spécial de ce dernier sur les Walls of Constantinople, qui est fondamental (celui de Granville Baker relève de la littérature plus que de la science) et les livres récents de J. Ebersolt et de C. Gurlitt qui ont renouvelé en partie le sujet. De son côté, grâce à sa connaissance personnelle des lieux, M. Zanotti a pu soutenir quelques théories nouvelles que je me borne à résumer ici. Le palais dont un pan de façade se voit encore sur la Marmara ne serait pas celui d’Hormisdas (contemporain de Constantin), embelli par Justinien avant son avènement, mais celui de Théodose II, le véritable Boucoléon ; le port d’Hormisdas serait compris entre l’angle de 30 mètres et l’angle de 60 mètres ; le port du Boucoléon serait celui que forme l’angle de 30 mètres. De Constantin à Justinien, le mur d’enceinte du Grand Palais aboutissait à l’angle de 30 mètres ; un quai avec escalier de marbre y descendait à la mer ; c’est entre l’escalier et le Palais qu’était placé le groupe dont le nom a passé aux édifices d’alentour. Après son avènement, Justinien voulut faire entrer dans l’enceinte impériale le Palais d’Hormisdas où il avait vécu jusque là ; le mur fut donc reporté de l’angle de 30 mètres à l’angle de 60 mètres, 150 mètres plus à l’Ouest. Entre autres édifices, Justinien y éleva un Triclinium maritime dont une portion de façade avec trois fenêtres n’a disparu qu’en 1871 (2), lors des travaux du chemin de fer ; les deux ports auraient été alors unis, le nom de Boucoléon s’étendant à toute la baie de Tchatladi. Le groupe auquel le nom était dû fut transporté sous les fenêtres du nouveau Triclinium où il était encore en 1532. Ces transformations auraient été achevées, trois siècles après Justinien, par l’empereur Théophile. Un peu plus d’un siècle après, lui, en 967, Nicéphore Phocas construisit un nouveau mur très fort qui, tout en élargissant encore le prolongement occidental du Palais, le transforma en véritable citadelle. Ce mur, à la hauteur du palais de Théodose, était percé d’une porte monumentale que le Dr Paspati put relever avant sa destruction par la voie ferrée ; entre elle et le palais de Théodose, Nicéphore éleva un nouveau palais et un second palais de l’autre côté du palais de Théodose, à l’Est, pour le relier au palais d’Hormisdas. Ces deux palais de Nicéphore, construits dans une idée de défense, étaient plus semblables aux châteaux à la franque qu’aux palais byzantins. Aussi est-ce là que s’installèrent les Empereurs latins.

        Au moment surtout où le doublement de la voie ferrée de Sivridji à San Stefano rouvre des tranchées sur toute cette rive de la Marmara qu’occupèrent les palais impériaux, on est heureux de constater l’intérêt éclairé que des Constantinopolitains commencent à porter aux antiquités de leur cité, intérêt que partagent certains Turcs, comme l’atteste le livre récent de Djelal Essad, De Constantinople à Stamboul (Paris, 1909).

        Un ouvrage de vulgarisation comme celui qu’a entrepris M. Zanotti ne manquera pas d’aider au succès de la Société des amis de Stamboul qui se forme ; on peut espérer que, grâce à leur commun effort, les travaux de la nouvelle ligne seront moins inutilement destructifs que ne le furent en 1871 ceux de la première.

A[dolphe] J[oseph]-Reinach

 

(1) Je ne relève qu’une phrase qui ait besoin de quelques corrections pour qu’elle réponde à l’idée qu’implique le contexte : P. 116. « L’égalité, cependant, (n’)était (qu’)apparente, car l’hellénisme débordait. Arcadius et Théodose eurent à coup sûr le [sic] main forcée (en autorisant l’usage général du grec) et ne cédèrent (pas) sans opposer de résistance. On en a la preuve dans les nombreuses inscriptions latines de leur règne... Il est possible que le nom de Boucoléon ait fait son apparition à cette époque. Théodose, réagissant contre le mouvement, se serait servi d’une expression latine... » M. Z. voit donc dans Boucoléon une déformation de Bucca Leonis. Mais pourquoi dénommer ainsi un groupe que les anciens s’accordent à décrire comme un taureau aux prises avec un lion ? Si l’on donne à Bucca le sens de port (Port au Lion), peut-on admettre qu’au milieu du Ve siècle, époque de l’érection de ce groupe, Bucca ait déja eu ce sens? Ὁ Βουκολεών ne résulte-t-il pas plutôt, par des crases populaires, de ὁ βοῦ(ς) κ(αὶ) ὁ λεών ?

(2) Deux lions en marbre flanquent ces trois fenêtres sur le dessin de Choiseul-Gouffier. M. Z. ne devait pas oublier de dire que, transportés au Musée, ils figurent au Catalogue de Joubin sous les nos 166-7.