Benoît, F.: L’architecture (Antiquité). 1 vol. in-8, v-575 pages, 148 gravures, 13 cartes, 997 dessins schématiques de l’auteur, dans la Collection des Manuels d’histoire de l’Art, publiés sous la direction de M. Henry Marcel.
(Paris, H. Laurens )
Compte rendu par Charles Picard, Revue Archéologique t. 19 (4e série), 1912-1, p. 165-169
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F. Benoît, L’architecture (Antiquité). 1 vol. in-8, v-575 pages, 148 gravures, 13 cartes, 997 dessins schématiques de l’auteur, dans la Collection des Manuels d’histoire de l’Art, publiés sous la direction de M. Henry Marcel, chez H. Laurens, éditeur.


Ce livre traite de l’architecture antique, depuis l’époque préhistorique jusqu’à la fin de la période romaine. Sous une forme nécessairement abrégée, puisqu’il s’agit d’un manuel, M. F. B. a condensé là une matière très étendue. Son désir a été de ne sacrifier aucun pays, et de tenir compte, partout, des dernières recherches. Il a voulu d’autre part satisfaire les spécialistes, tout en se mettant à la portée du grand public. Aux pro­fessionnels sont destinés plus particulièrement certains « enseignements d’esthétique expérimentale » qui visent surtout à montrer le « conditionnement » des œuvres de l’architecture. Les profanes doivent profiter de l’abon­dance des vignettes explicatives et de la netteté du texte, d’où les termes techniques ont été exclus le plus possible, où les grâces du style, les ingé­niosités de l’interprétation sont sacrifiées au désir d’établir un exposé clair, rationnel, dogmatique.

Cette sage conception de l’entreprise, comme aussi la conduite consciencieuse des recherches, doivent mériter à l’auteur de vifs remerciements. Il n’est pas douteux que son travail puisse être utile en France. A côté des études érudites de M. A. Choisy, qui sont surtout précieuses aux savants, nous n’avions à peu près rien, jusqu’à maintenant on excepte ici des manuels déjà vieillis qui correspondît aux livres publiés, les années précédentes, en Allemagne par J. Durm (1), en Angleterre par Anderson et Spiers (2), et tout récemment encore, en Amérique, par A. Marquand (3). L’étude de M. F. B. tient très honorablement cette place. On sera heureux d’y rencontrer à la fin un index comme on eût souhaité en trouver à la suite des excellents travaux de J. Durm. L’illustration est abondante et soignée. Peut-être est-il permis de penser, que, par souci d’art, et sans doute aussi pour ne pas décourager maints lecteurs, elle a un peu trop sacrifié les états actuels aux vues d’ensemble, plus plai­santes, aux reconstitutions, qui, si elles fixent l’attention, peuvent parfois émou­voir les scrupules des spécialistes.

Déterminée par son programme, l’œuvre de M. F. B. devait être plus diffi­cile que celle de ses prédécesseurs. Il n’est pas aisé d’être également informé sur toutes les architectures antiques. Malgré la solidité de la documentation, de tels ouvrages ont toujours risqué de paraître un résumé ou trop bref, ou même inexact, des travaux antérieurs. M. F. B. a prévu le danger, et il a réussi presque toujours à y échapper. C’est ce qu’il serait trop long de mon­trer ici en général, mais ce que nous pouvons très aisément indiquer, en résu­mant, par exemple, les notes que nous avons prises sur l’ouvrage, à propos de l’architecture hellénique.

P. 176 et suiv. Sauf en quelques détails, le plan du palais de Phaestos n’est guère étudié ; la publication de L. Pernier, Rivista d’ltalia, 1903, nov., p. 763 et suiv., aurait permis des observations qui ne sont pas faites.

P. 184. Pour l’architecture des maisons, M. F. B. n’a pas tiré parti des découvertes de Phylakopi (non Philakopi, p. 179), de Gournia. La publication de Miss A. Boyd, Report of the American Explorat. Society’s Excavations at Gournia, Crete, 1901-3, vol. 1 (1904) paraît lui avoir échappé. Bien que le livre de Noack, Ovalhaus und Palast in Kreta, 1908, soit mentionné, rien n’est dit du type de la maison ronde (cf. les ruines de Chamaizi-Siteia, publiées par Xanthoudidès, φ. ρχ. 1906 ; Noack, l. l., p. 54-57). Plus loin, p. 195, il n’est rien dit des maisons archaïques à abside retrouvées par Dörpfeld, dans l’Altis d’Olympie ; c’est ce plan de construction dérivé de la hutte ovale, qui a engendré les constructions à abside de Thermos, de Délos, du Ptoïon, du Cabirion de Thèbes, de Samothrace, etc. ; de même manière, le tombeau à coupole égéen, et l’herôon rond, ou tholos, paraissent dérivés de la hutte ronde (cf. Bulle, Orchomenos). Les travaux de Bulle ne sont pas cités.

P. 185. L’étude de la tombe crétoise est imuffisante ; cf. principalement,

A. Evans, Archaeologia, sec. series, IX, The prehistoric tombs of Knossos (cité).

P. 190, fig. 124, M. F. B. a adopté et reproduit les restitutions tentées à Cnossos par A. Evans, et, par conséquent, le type des colonnes en forme de troncs de cône renversés. Or, M. Durm a prouvé que la colonne crétoise, partout où elle a un rôle architectural, était presque toujours au contraire, ren­flée vers la base ; cf. Wiener Jahresh., X (1907), p. 41 et suiv. ; Rev. Et. gr., 1908, p. 341 ; Am. Journ. of arch., 1908, p. 219.

P. 197. Sur la tombe à coupole de Panticapée, cf. Durm, article cité ci-des­sus. La liste des tombes à coupole est loin d’être complète.

P. 204. A propos de la dérivation du temple grec, issu du megaron mycé­nien, cf. les observations de M. Hulot-Fougères, dans Fougères, Sélinonte, 1910, p. 273 et suiv. (Le temple primitif non dorique.) Le livre de MM. Hulot-Fougères n’est pas mentionné.

P. 241. Pour les « travaux maritimes » on est surpris de voir citer seulement Samos ; la littérature spéciale, qui ne manquait point, n’est pas indiquée ; cf. Ardaillon, Quomodo Graeci portus collocaverint atque aedificaverint ; C. Merkel, Die lngenieur-Technik im Altertum, Berlin, 1899, p. 333-359 ; Geor­giadès, Les ports de la Grèce antique. Une prochaine étude de MM. Cayeux et J. Pâris, dans l’Explor. arch. de Délos, fera connaître les ports de l’île sacrée.

P. 243. C’est certainement par lapsus qu’il est dit : « Athènes honora...

Athena sous les vocables de Polias, de Promachos, de Lemnia, de Niké, d’Ergané, d’Hygieia ». On sait que Lemnia (allusion aux colons de Lemnos, qui dédièrent la statue, œuvre de Phidias) n’est ni une épithète cultuelle, ni un nom de divinité.

P. 245. Lire « Tavole paladine ».

P. 247. La Héra Lakinia de la l. 5 n’est-elle donc pas la même que la Héra Lacinia de l’avant-dernière ligne ?

P. 248. L’hypothèse de Furtwaengler, sur le nom de la divinité du temple d’Egine (Aphaia) n’emporte pas toute certitude.

P. 249. « Un temple d’Héphaistos, improprement dit Theseion » (fig. 305 (en réalité 205), 213). La figure 205 montre un temple (restauration) qui est appelé le « Theseion (Asklepieion), à Athènes ». L’inadvertance est manifeste. Fig. 213, lire : Façade du Theseion. Le temple d’Héphaistos (?) est partout appelé Theseion dans l’ouvrage.

Ibid. Il n’est peut-être pas très exact de dire que le Telesterion d’Eleusis avait été « commencé » par Kimon, puisqu’on y voit encore distinctement ; 1) le plan d’un telesterion « mycénien » de dimensions étroites ; 2) une colonnade datée de l’époque de Pisistrate.

P. 252. L’édifice dit Hall des Taureaux à Délos n’est pas sûrement celui où s’abritait le fameux autel « des cornes ».

P. 254. Au lieu de Maussoleion, lire Mausoleion.

P. 259. M. F. B. est resté fidèle à la théorie qui opposait, en architecture comme en sculpture, « la force et la dignité » du tempérament dorien à la « grâce et richesse » du tempérament ionien. Cf. là-dessus, Pottier, Le problème de l’art dorien.

P. 261 et suiv. On peut juger court ce qui est dit de l’ordonnance des villes (rien sur Sélinonte, Priène, Délos), des fontaines (rien sur la fontaine d’Ephèse, sur les 2 Pirènes et sur Glauké de Corinthe), des fortifications (rien sur Eleutherae, Phylé, le Pirée, Messène, Magnésie du Méandre, Thasos, Sélinonte [fortification d’HermocrateJ, dans Hulot-Fougères, l. l., p. 166 et suiv.). Les travaux spéciaux sur chacun de ces sujets semblent avoir échappé à l’auteur.

P. 262. Le chapitre sur l’habitation grecque est périmé. On possède aujourd’hui des types de maisons grecques bien antérieurs à l’époque hellénistique. Il n’est pas très exact de dire que la maison grecque ait préparé une « demi­réclusion » à la femme. Les vieilles distinctions de l’andronitis et du gynaikonitis, issues du texte de Vitruve, sont condamnées depuis les fouilles de Priène, Théra, Délos. Le système de toitures en terrasses est plutôt rare. Les maisons grecques n’ont pas de jardinet. Le plan donné par la fig. 169, et dont la provenance n’est pas spécifiée (Délos, maison du Trident), n’est pas reproduit avec une absolue exactitude. Il suffit à montrer pourtant combien les distinctions posées par Vitruve concordent peu avec l’état des constructions connues.

P. 265 et suiv. Rien n’est dit des divers portiques de Délos, rien de la Stoa hypostyle ; cf. G. Leroux, Expl. arch. de Délos, fasc. II ; un important supplé­ment, par R. Vallois, doit paraître tout prochainement. Le gymnase d’Epidaure eût été bien plus caractéristique que la palestre d’Olympie. La distinction des deux sortes d’édifices n’est pas faite.

P. 267. « L’adoption, pour le contour de certains théâtres, celui d’Epidaure, par exemple, d’un tracé composite en fer à cheval... » La fig. 173 fait ressortir l’erreur. Le tracé est en effet parfaitement concentrique de même qu’à Oropos, et pour la plupart des cas. M. F. B. a sans doute fait confusion avec le théâtre de Priène (Ath. Mit., XXIII (1898), p. 156), où le tracé en fer à cheval est fort sensible ; cf. de même au théâtre d’Assos. Il n’est rien dit des théâtres à hémicycles irréguliers, comme ceux de Thorikos, du Pirée, etc.

P. 268. L’importante théorie de Dörpfeld sur la skéné méritait mieux que trois lignes de mention dans une note.

P. 271. Est-il bien exact de poser une équivalence entre naos, sekos, adyton, cella, tous ces mots étant résumés par la définition : « Salle au fond de laquelle se trouvait l’effigie divine ? »

Ibid. Aux trois exemples de cryptes donnés, et dont un, au moins, est fort douteux (crypte de la Tholos d’Epidaure I), ajouter ; les cryptes souterraines de Delphes (Pausan., X, 24, 4), d’Olympie (ibid., VI. 20, 2), d’Ægion (II, 35), d’Hermioné (VII, 32), de Corinthe (II, 10,4), de Pellène (VII, 27,2).

P. 275. Les plans à colonnade médiane furent-ils si tôt abandonnées [sic] ? On les conserva au moins pour les Portiques (exemples à Délos, à l’Agora de Magnésie du Méandre).

« Un dispositif exceptionnel... » etc. L’Héraion d’Olympie et le temple de Phigalie ne sont pas les seuls exemples qui puissent être allégués. Une disposition comparable, avec piliers, il est vrai, s’est rencontrée au temple de Tarse relevé par Koldewey, au temple d’Artémis à Lousoi (Arcadie), au temple ionien de Pergame, étudié par Bohn. C’est aussi, vraisembablement [sic], ce qui existait au temple de Zeus à Stratos (Acarnanie), d’après les relevés récents.

P. 276. La théorie de l’hypaethre est en défaveur. Selon Dörpfeld (Ath. Mitt., XVI (1891), p. 334 et suiv., la qualité d’hypaethre devrait être réser­vée à quelques temples, tous de grande dimension, et que Vitruve mentionne (III, 2, 8).

P. 278. C’est une erreur de dire que la Grèce ne connut point la tholos avant le IVe siècle. [Cf. plus haut, à propos de la p. 184.] Pour la tholos de Sicyone, à Delphes (VIe s.), cf., outre les récentes études de Pomtow, (Zeitschrift für Architekt.), F. Courby, Bull. corr. hellén., XXXV (1911), p. 132-148.

P. 279. Il y a de nombreuses exceptions, si nombreuses qu’elles ne confirment point la règle, au principe d’après lequel les autels monumentaux des temples auraient été disposés « dans l’axe du naos ».

P. 283. La restitution de Bernier, pour le mausolée d’Halicarnasse, reproduite aussi dans l’ouvrage de Marquand (p. 374), n’est plus guère acceptée ; on place le roi Mausole et sa femme à l’intérieur du temple-tombeau.

P. 286. On eût attendu plus d’observations sur le temple de Thermos, dont la bibliographie n’est même pas citée (cf. Πρακτικ, 1899, p. 57 ; φημ. ρχ., 1900, p. 161 ; Antike Denkm., 1902, reproductions).

P. 341. Le « Portique tétragone » est une plaisante erreur ancienne, dont M. P. Roussel a débarrassé la topographie délienne (cf. Bull. corr. hell., XXXIV, (1910), p. 110-5).

P. 354. Rien n’est dit, à propos de la colonne ionique, sur la columna caelata, dont il y a des exemples anciens, à l’Artémision d’Ephèse (cf. aussi p. 384, à propos du « motif humain »). Le livre de G. Hogarth, The archaïc [sic] Artemisia, London, 1908, paraît avoir échappé à M. Fr. B.

Nous bornons là ces observations, fruits d’une première lecture et qui sont restreintes à une partie de l’ouvrage. De plus compétents diront leur avis sur les autres chapitres. Qu’on ne se méprenne pas sur nos conclusions : le livre est d’importance. Il est digne de la collection où il prend place. Si l’on y trouve, à bien lire, quelques scories, l’on y peut ausssi [sic] profiter utilement.

Charles Picard

 

(1) Handbuch d. Architektur, I, Die Baukunst der Griechen, Leipzig, 3e éd., 1910 ; II, Die Bau-stile (Baukunst d. Etrusker, d. Römer), 2e éd., 1905.

(2) Anderson (W.-J. et R.) et Spiers, The architecture of Greece and Rome, London, 1907.

(3) A. Marquand, Greek Architecture, New-York, 1909.