Haeberlin, E. J.: Aes grave. Das Schwergeld Roms und Mittelitaliens, Erster Band, enthaltend die Münzverzeichnisse, mit einem Atlas von 103 Tafeln Abbildungen. In-4°, xxviii-180 p.
(Francfort , J. Baer 1910)
Compte rendu par Théodore Reinach, Revue Archéologique t. 19 (4e série), 1912-1, p. 184-185
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E. J. Haeberlin. Aes grave. Das Schwergeld Roms und Mittelitaliens, Erster Band, enthaltend die Münzverzeichnisse, mit einem Atlas von 103 Tafeln Abbil­dungen. Frankfurt a. M. J. Baer, 1910. In-4°, xxviii-180 p. Prix : 150 mark.


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         Partant d’un petit lot de 9 pièces d’aes grave que lui avait légué son père, M. Haeberlin a constitué en vingt ans la plus importante collection qui existe en ce genre, comptant environ 2 000 spécimens. Non content de ces matériaux personnels, il a, douze ans durant, visité les principales collections publiques et privées de l’Europe, pesant 13.000 exemplaires, prenant d’innombrables empreintes, bref ne négligeant aucun moyen d’information pour arriver à éclaircir enfin un des chapitres les plus obscurs de la numismatique ancienne, celui du monnayage primitif en bronze de Rome et de l’Italie centrale. Les résultats métrologiques et historiques auxquels l’a mené cette vaste enquête, très différents de ceux où s’étaient arrêtés ses prédécesseurs, Mommsen, Bahrfeldt, Hultsch, etc. ont été déjà esquissés par M. Haeberlin dans un mémoire qui a fait époque (Systematik des ältesten römischen Münzwesens, 1905), et dans divers articles publiés par des Revues spéciales.

        Ces résultats ont, sur certains points, rencontré des contradicteurs ; il ne pouvait pas en être autrement, car, d’une part, nous manquons de crité­rium chronologique certain pour fixer la date des premières émissions d’as libraux dans les diverses régions italiques ; d’autre part, pour déterminer le poids normal de ces pièces, il n’y a guère d’autre méthode que celle des moyennes, dont l’application, hasardeuse en elle-même, dépend du nombre des exemplaires pesés. Tout bien considéré, néanmoins, l’étendue du matériel sur lequel a opéré M. Haeberlin, le soin minutieux qu’il a apporté à ses calculs et à l’élimination des pièces fausses ou suspectes, la rigueur de son argumentation et la vraisemblance même de la plupart de ses résultats ont entraîné l’adhésion des juges les plus autorisés. En tout cas, les polémiques qu’ils ont soulevées n’ont pas, croyons-nous, modifié les conclusions de l’auteur, telles qu’il doit les formuler définitivement dans le second volume du présent ouvrage. Le premier, que nous annonçons aujourd’hui, est une sorte de corpus, destiné à remplacer celui de Garrucci, qui a surtout pour objet de placer sous les yeux du lecteur les éléments du procès. Dans le tome du texte on trouvera catalogués en un ordre clair et avec une précision qui ne laisse rien à désirer, tous les spécimens actuellement connus : 1° de l’aes rude, c’est-à-dire des lingots plus ou moins amorphes et des barres plus ou moins ornementées (arêtes de poisson, feuillages, dauphins, etc.), antérieurs au milieu du IVe siècle ; 2° de l’aes grave ou aes signatum proprement dit, comprenant à la fois les grands disques circulaires ou ovales à types, et les « briques » rectangulaires destinées surtout, dans l’opinion de l’auteur, à des usages liturgiques, comme semble le prouver, entre autres, une brique aux deux taureaux, avec une inscription ombrienne incisée mentionnant la dédicace au temple de Sestinum (p. 143 ; Album, pl. 93, 1 ; coll. Haeberlin). L’aes grave est catalogué géographiquement dans l’ordre suivant : Latium et Campanie (y compris Rome et quelques cités de l’Italie moyenne pourvues du droit de monnayage, Calès, Velecha, etc.) — Apulie (Luceria, Asculum, Venouse) — Vestiniens — Picénum (Hatria, Firmum) ­— Ombrie (Ariminum, Iguvium, Tuder) — Etrurie. Les pièces, numérotées, accompagnées d’indications de provenance et de bibliographie, sont rangées par ordre de poids décroissants ; à la fin de chaque série l’auteur détermine le poids moyen. Pour l’as libral romain, frappé entre 335 et 286 av. J.-C., M. Haeberlin a pesé 1.186 spécimens. 10 % sont sensiblement au-dessus ; 30 % au dessous du poids normal qu’il évalue à gr. 272, 875 (et non, comme le croyait Mommsen, à gr. 327,45) ; c’est la livre « légère » ou osque qui a servi de base à ce système, comme dans tout le Latium. Mais dans les autres provinces on trouve des librae bien différentes : gr. 341,10 en Apulie, gr. 379 chez les Vestiniens et Picéniens ; en Ombrie M. Haeberlin admet des étalons locaux variant de gr. 255,82 (Tuder) à gr. 379 (Ariminum) ; ailleurs, notamment en Etrurie, il se contente de déterminer le poids moyen de l’as (coupure principale) sans se risquer à en conclure celui de la livre.

        Un album superbe de 103 planches qui renferment 2.953 phototypies, à la grandeur des originaux, complète cette belle publication. Nous ne lui reprocherons que ses dimensions inutilement démesurées et l’absence d’un index détaillé, propre à faciliter les recherches, car malheureusement l’ordre des figures ne suit pas rigoureusement celui du Catalogue. L’album était terminé quand le Cabinet de Berlin a fait l’acquisition d’une très curieuse pièce de 906 grammes (triple as ?), dont le revers représente une protome d’antilope et le droit une singulière tête janiforme, Ménade à gauche, Silène à droite : la manière dont les cheveux de la bacchante sont tordus et bosselés de façon à simuler un mufle de Silène est si extraordinaire qu’on ne peut s’empêcher d’éprouver quelques doutes sur l’authenticité de la pièce. M. Haeberlin, qui la croit irréprochable (elle provient d’une ancienne collection privée de Naples), l’a fait reproduire dans une planche supplémentaire annexée au tome du texte. Que n’a-t-il donné toutes les planches dans ce format maniable ! L’in-folio, en matière de monnaies, m’a toujours paru une hérésie.

Théodore Reinach