Dimier, Louis: Les Primitifs français. In-8, 127 p., avec 24 pl. hors texte.
(Paris, Laurens 1911)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 19 (4e série), 1912-1, p. 190-191
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Louis Dimier. Les Primitifs français. Paris, Laurens, 1911. In-8, 127 p., avec 24 pl. hors texte.


        Il faudrait de longues pages pour discuter ce petit livre, où la polémique, toujours courtoise et souvent ingénieuse, tient une grande place. La thèse de l’auteur, opposée à celle de Bouchot et de ses disciples, peut se résumer ainsi : il n’y a pas eu d’école de peinture française avant le XVIIe siècle ; du XIVe au XVIe siècle, les peintures exécutées par des artistes français sont flamandes ou italiennes d’inspiration ; ce qu’on peut considérer comme le résidu local ou national est peu abondant, insignifiant et parfois grossier. A vrai dire, ces négations mêmes ne sont pas nouvelles. Dans mon exemplaire du Catalogue de l’Exposition des Primitifs fançais [sic], j’ai conservé un article de M. Hofstede de Grote (Nieuwe Rotterdamsche Courant, 15 juillet 1904), où il est dit qu’avant l’Exposition on pouvait croire, faute de connaître assez les monuments, à une école primitive française, mais qu’après l’Exposition cela n’est plus possible. A la même époque (The Nation, 16 juin 1904), une dame qui signe N. N. écrivait : « Quand l’enthousiasme se sera refroidi, quand le jeu des attributions sera épuisé, j’ai l’idée que l’estimation générale des Primitifs français restera à peu près ce qu’elle a été. Je ne vois rien dans cette Exposition de nature à réfuter l’opinion que ce qui existait alors de peinture révèle l’influence flamande ou italienne plutôt qu’un caractère local... L’observateur sans préjugé n’y trouvera rien qui puisse se comparer aux grandes œuvres des primitifs flamands d’une part, à celles des Italiens de l’autre. » L’autrice de cet intéressant article, qu’on voudrait traduire tout entier, découvre enfin une école vraiment française dans celle des Clouet ; M. Dimier est plus radical quand il écrit : « En France, jusqu’au XVIIe siècle, on n’a connu qu’une production rompue et irrégulière, en qui nulle tradition certaine ne réussit à se fonder ».

        J’aurais à contester des points de détail ; M. Dimier se contente trop aisément d’invoquer des influences flamandes ou italiennes. Mais son livre, assez bien informé et composé — je ne dis pas bien écrit — mérite d’être lu avec attention, comme tableau d’ensemble d’abord, puis comme antidote contre des exagérations qui ont fait leur temps. La vérité doit être quelque part entre M. Bouchot et M. Dimier (1).

S[alomon] R[einach]

 

(1) P. 31, Philippe de Brauwere est un mythe. — P. 39, le « point de vue forgé par Viollet le Duc » ! — P. 43 et souvent confusion, sous le nom de flamands, des Wallons et des véritables Flamands. — P. 51, le martyre de Saint-Denis n’est pas de Bellechose seul. — P. 87, peut-on vraiment dire que les tableaux de Fouquet soient « sans honneur pour la peinture proprement dite », que le Charles VII du Louvre ait « toute la platitude, tout le bariolage d’un Byzantin ? » — P. 107, manque l’Annonciation du maître de Moulins. — Pl. à la p. 108, ce portrait n’est plus à Londres, mais à Paris. — P. 119, il ne peut plus être ques­tion de Lallement de Tours, mais de Jean Hay (Revue, 1911, I, p. 315). — La bibliographie est assez capricieuse ; manquent les articles si importants de G. Hulin, les Très riches Heures et le Fouquet de Durrieu, les noms mêmes de Mély, de Weale, etc. Pour Zanetto Bugatto, le renvoi à l’article de Durrieu est inexact.