Loisy, Alfred: L’Évangile selon Marc. In-8, 503 p.
(Paris, Nourry 1912)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 19 (4e série), 1912-1, p. 361-362
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Alfred Loisy. L’Évangile selon Marc. Paris, Nourry, 1912. In-8, 503 p.


 

L’idée dominante de l’auteur est aujourd’hui l’opposition entre le Jésus historique et le Christ de saint Paul. « L’espérance juive du grand avènement demeure, mais quelque chose qui n’est pas juif vient au premier plan, et cet élément nouveau, principal, qui n’est pas juif, est proprement le mystère chrétien. Jésus n’est plus le roi prédestiné d’un Israël juste ; c’est un dieu sauveur à la manière des Osiris, des Adonis, des Attis et des Mithra. Comme eux, il appartient originairement au monde céleste ; comme eux, il a fait une apparition sur la terre ; comme eux, il a, dans ce passage, accompli une œuvre du salut universel ; frappé de mort violente, comme Osiris, Adonis et Attis, il est comme eux revenu à la vie, préfigurant dans son sort celui des humains qui participe­raient à son culte, commémoreraient sa mystique aventure et s’associeraient ainsi à sa passion. Et comme les dieux des mystères païens, il ne fait pas acception de nationalité ; l’Homme céleste appartient à l’humanité. » On ne peut que rendre hommage à la précision et à la force de ces belles lignes, d’ailleurs inspirées de M. Reitzenstein, dont le petit livre (Die hellenistischen Mysterienreligionen, 1910) a exercé une légitime influence sur la pensée de l’auteur. M. Loisy s’est récemment rencontré avec M. Harnack (dans le Decennial number du Hibbert Journal) pour dire que la différence essentielle entre le Christ et les dieux souffrants des mystères, c’est que la conception du premier repose sur un fonds historique. On admettrait cela plus volontiers s’il s’était écoulé ­non pas vingt ans, mais deux siècles, par exemple, entre la mort de Jésus et la naissance de la christologie paulinienne.

P. 467 ; « Le psaume XXII, domine tous les récits évangéliques de la Passion ». Cf. Tertullien, adv. Marc., III, 19 ; totam Christi passionem. La mise en croix a été prédite avec évidence dans le même psaume (XXII, 5, 17). M. Loisy écrit (p. 458) ; « Les incidents du vin aromatisé et du partage des vêtements sont pour l’accomplissement des prophéties ». Il fait donc un sort à part à la prophétie par excellence, si familière à tous que le récit évangélique a cru inu­tile de la relever (cf. K. Feigel, Weissagungsbeweis und Leidensgeschichte, 1910, p. 65). Bien plus, M. Loisy ne discute même pas le très grave problème posé par cette prophétie qui s’est si étonnamment vérifiée. Le savant théologien s’est expliqué ailleurs à ce sujet (A propos d’Histoire des Religions, 1911, p. 279) : « Il est arbitraire d’introduire (dans le psaume XXII) la croix et les clous, attendu que le fameux passage : Ils ont creusé mes mains et mes pieds, ne vise pas nécessairement le supplice de la croix, que l’hébreu donne une autre lec­ture et que, selon toute vraisemblance, le texte est altéré en cet endroit. » Je connais très bien le théologien amateur dont M. Loisy vise ainsi l’opinion sans le nommer ; mais je ne crois pas que son opinion ait été réfutée, ni même qu’on ait pris la peine de lui répondre (1).

S[alomon] R[einach]

 

(1) Cf. Benj. Smith, Ecce deus, 1911, p. 144, qui procède tout autrement, mais accepte l’opinion du théologien dont il s’agit. « Une fois, ajoute M. Smith, que le Psaume messianique obligeait de faire périr le Messie par le supplice de la croix, lequel n’était pas juif, mais romain, il fallait bien que la tradition le fît livrer par les Juifs aux Romains, ce qui impliquait l’histoire d’une trahison comme celle de Judas ».