Secrétan, Henri F.: La population et les mœurs. In-8, 437 p.
(Paris, Payot 1913)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 22 (4e série), 1913-2, p. 302
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Henri F. Secrétan. La population et les mœurs. Paris, Payot, 1913. In-8, 437 p.


Contre l’opinion commune que l’Empire romain était dépeuplé au Ve siècle et que la Germanie souffrait d’une pléthore d’habitants, Fustel a soutenu autretrefois [sic] que la population de l’Empire n’avait pas diminué et que c’était, au contraire, en Germanie que les effets de la dépopulation se faisaient sentir. Dans l’Empire, c’était la classe agricole seule qui était insuffisante ; les villes étaient très peuplées. En Germanie, les guerres civiles incessantes avaient décimé les habitants ; comme la sécurité n’y existait pas, la population avait perdu le goût de la vie sédentaire ; il s’y était formé des bandes pillardes qui entrèrent d’abord dans l’Empire à titre d’auxiliaires et bientôt, parlant en maîtres, y fondèrent des royaumes. M. Secrétan a repris avec détail l’examen de cette thèse et je crois qu’il l’a très bien réfutée. Peut-être aurait-il pu insister davantage sur les effets des famines et des pestes ; Buresch a montré autrefois combien la grande épidémie de la fin du IIe siècle avait dépeuplé l’Asie Mineure et quelles preuves frappantes en fournissent les inscriptions. Il ne peut être question, cependant, d’une dépopulation progressive et continue ; malgré l’insuffisance des documents, on constate des périodes de repeuplement ; le christianisme y contribua pour sa part, tout en favorisant une sélection à rebours par la diffusion du célibat religieux. Mais, au siècle des invasions, il est certain que des régions entières appelaient les envahisseurs par l’effet d’une loi presque physique, celle des vases communicants. M. Secrétan écrit bien ; on sent qu’il a beaucoup lu Fustel. Mais il n’a pas, autant que le maître dont il combat la thèse, le culte des textes. Il est choquant, dans un livre sérieux, de voir citer saint Jérôme d’après Amédée Thierry ou Procope et Lydus d’après Diehl. On trouve des textes allégués sans renvoi précis (p. 179, 203, 205), d’autres sans aucune référence (p. 194, 195) ou avec des références illusoires (p. 246). Je ne vois pas non plus que l’auteur ait lu des travaux modernes de premier ordre qui lui auraient été fort utiles, notamment ceux de Seeck et de Gregorovius (ce dernier lui aurait fait modifier sa phrase sur « Alaric conduit par des moines », p. 217). M. Secrétan a de réelles qualités d’historien, mais il a aussi quelques défauts d’amateur.

S[alomon] R[einach]