Fenellosa, Ernest F.: L’art en Chine et au Japon ; adaptation et préface par Gaston Migeon. In-8, 336 p. avec 197 grav. et 16 pl. col.
(Paris, Hachette 1914)
Compte rendu par Jean-Joseph Marquet de Vasselot, Revue Archéologique t. 23 (4e série), 1914-1, p. 318-319
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Ernest F. Fenellosa. L’art en Chine et au Japon ; adaptation et préface par Gaston Migeon. Paris, Hachette, 1914. In-8, 336 p. avec 197 grav. et 16 pl. col.


 

 C’est une curieuse figure d’archéologue et d’amateur que celle d’Ernest Fenellosa, dont M. Migeon vient de rendre le grand ouvrage plus accessible aux lecteurs français. Fils d’un musicien espagnol établi aux Etats-Unis, Fenellosa fut appelé au Japon en 1878, pour y enseigner l’économie politique et la philosophie. Bientôt il s’intéressa passionnément aux arts de l’Extrême-Orient, devint l’un des promoteurs de la réorganisation de l’enseigne­ment des beaux-arts au Japon, et l’un des membres de la commission chargée d’inventorier les richesses d’art du pays. Toutefois il n’oubliait pas son pays natal, où il retourna pour devenir directeur du musée de Boston, auquel il vendit la belle collection qu’il avait formée. Le reste de sa vie fut partagé entre les Etats-Unis et le Japon, où il séjourna encore de 1897 à 1900. En mourant (1908) il demanda à dormir son dernier sommeil dans le pays qu’il avait tant aimé : des amis pieux y veillèrent, et ses cendres reposent dans le jardin du Temple de Miidera, près d’Omi.

Fenellosa laissait inachevé un grand ouvrage dans lequel il avait espéré donner les résultats de trente années d’études sur les arts de la Chine et du Japon, principalement sur la sculpture et la peinture. Sa veuve, aidée par deux amis japonais, donna à ses notes une forme définitive, et les publia en deux volumes (Londres, 1912).

L’ouvrage de Fenellosa, un peu touffu et complexe, aurait peut-être rebuté les lecteurs français. Aussi M. Migeon fut-il prié de le condenser et de le clarifier ; c’est ce qu’il a fait, non sans quelques difficultés, et on doit lui en savoir gré, car il a donné ainsi un volume où les curieux trouveront des idées générales et un corps de doctrine. Le livre de Fenellosa, en effet, n’est pas celui d’un archéologue minutieux qui s’attache aux détails ; il révèle, au con­traire, la main d’un philosophe et d’un historien. L’auteur ne s’attarde pas à décrire les monuments, mais note seulement les plus caractéristiques, en s’efforçant de montrer comment les grands courants philosophiques et religieux, comment les grands événements historiques ont fait prévaloir successivement telle ou telle manière de sentir et d’interpréter la nature. Insistant surtout sur les origines, et passant plus rapidement sur l’époque moderne il donne véritablement des vues d’ensemble, du plus haut intérêt.

Pour comprendre la valeur de cet ouvrage, et pour constater quels progrès la connaissance des arts de l’Extrême-Orient a faits depuis vingt ans, il suffit de se reporter au petit volume de M. Paléologue sur l’art chinois et aux livres de M. Gonse sur l’art japonais. C’est seulement depuis quelques années que l’on comprend que les œuvres du XVIIe et du XVIIIe siècle, jadis seules connues et admirées, sont les productions (parfois charmantes d’ailleurs) d’une période de décadence ; elles sont les témoins de la fin d’une civilisation admirable, qui a produit ses chefs-d’œuvre il y a mille ans. Les origines de cet art si grand demeurent environnées de mystère ; il faudra encore bien des explorations comme celles de MM. von Lecoq et Grünwedel, Aurel Stein, Foucher, Cha­vannes, Pelliot, bien des livres comme ceux de MM. Hirth, Bushell, Fenellosa, pour nous permettre de comprendre l’importance relative des civilisations qui se sont succédé durant tant de siècles, dans l’Asie centrale et orientale.

J[ean-Joseph] M[arquet de] V[asselot]