Foucart, Paul: Les mystères d’Eleusis. In-8, 508 p.
(Paris, Picard 1914)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 24 (4e série), 1914-2, p. 157
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Paul Foucart. Les mystères d’Eleusis, Paris, Picard. 1914. In-8, 508 p.


 On est heureux de retrouver en un volume, revisés et augmentés sur beaucoup de points, les deux mémoires, devenus fort rares, que l’auteur a publiés sur les mystères d’Eleusis en 1895 et en 1900. Les thèses essentielles — sur des emprunts faits à l’Égypte, notamment au culte d’Osiris et au Livre des Morts — n’ont pas changé ; on a cherché, au contraire, à les confirmer et à les compléter. Ainsi M. Foucart admet que « le plus parfait mystère de l’époptie » (Philosophoumena), la présentation de l’épi de blé, n’était autre chose que la pré­sentation d’Osiris, dont l’épi de blé est le symbole chez les Egyptiens. Voici quelques lignes qui résument, avec l’élégance sobre qui lui est propre, l’essen­tiel de ses vues sur l’initiation éleusinienne : « Au premier degré, l’initié, devenu le féal de Déméter, recevait la garantie qu’il échapperait à tous les périls dans sa descente aux enfers ; au second degré, où il était consacré à Dionysos, il gagnait en plus la certitude d’être bien accueilli par le roi des morts et d’occuper une place privilégiée dans son empire. Bien que s’adressant à un couple étroitement uni, les deux initiations étaient distinctes… La première, à elle seule, suffisait pour le salut. Ceux qui aspiraient, je ne dis pas à un degré plus éminent de sainteté, mais à un surcroît de garanties pour la vie future, retournaient à Eleusis et se présentaient à l’époptie qui leur assurait, après la protection de Déméter, celle de son époux, le roi des morts » (p. 456).

J’ai à peine besoin de dire que M. Foucart reste un maître et un modèle tant qu’il explique, critique et combine les textes classiques et les inscriptions. Ce qu’il a écrit sur l’organisation et le rituel des mystères est définitif et ne pourra être complété dans le détail que par des découvertes nouvelles, d’ailleurs peu probables. Sur le terrain des idées générales, notamment en matière d’exégèse comparative, il se montre un conservateur impénitent ; il lui arrive même parfois, dans son aversion pour des théories qu’il a connues sur le tard, d’user d’expressions aussi vives qu’injustes : « Il serait temps, écrit-il (p. 59), de débarrasser l’étude de la religion grecque des rêveries de Mannhardt, de Frazer et de leur école. » Tabous et totems sont ses ennemis personnels ; comme on dit sur les boulevards extérieurs, ils lui font « voir rouge ». Fidèle au serment hippocratique, je m’abstiendrai d’user de formules analogues pour défendre, contre mon vénéré maître ce que je crois être la vérité et la raison (1).

S[alomon] Reinach

 

(1) La table des matières est bonne, mais l’absence d’un index est fâcheuse.