Forel, Alexis: Les sculpteurs romans. 10-4, 252 p., avec nombreuses planches et gravures dans le texte (en noir et en couleurs).
(Genève et Paris, Boissonnas et Champion 1913)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 24 (4e série), 1914-2, p. 164-165
Site officiel de la Revue archéologique
 
Nombre de mots : 328 mots
 
Citation de la version en ligne : Les comptes rendus HISTARA.
Lien : http://histara.sorbonne.fr/ar.php?cr=905
 
 

Alexis Forel. Les sculpteurs romans. Genève et Paris, Boissonnas et Champion, 1913. 10-4, 252 p., avec nombreuses planches et gravures dans le texte (en noir et en couleurs).


 

 Le charmant livre que voilà et qu’il fait bon s’aban­donner à un tel guide ! S’il est vrai que l’amour ouvre la voie de la connaissance, personne ne connaît mieux les sculpteurs romans que M. Forel. Il les a suivis pas à pas, le bâton de pèlerin à la main, à travers la Provence, l’Auvergne, le Poitou, la Bourgogne, ailleurs encore ; quand il a déposé le bâton, ç’a été pour prendre le crayon ou le pinceau. On nous a tant infligé de « directs », de « réseaux » que c’est une joie de retrouver des aquarelles prestement lavées, des croquis finement sentis, et qui ne songent pas à donner l’illusion d’inventaires graphiques où les éraflures prennent la même importance que les modelés ! Ecoutez ces phrases enthousiastes du périégète : « Quoi de comparable aux absides auvergnates, à leur musculature vivante, tatouée de mosaïques ? A quelle autre époque trouver, au même degré, la finesse des draperies, la perfec­tion des sculptures et ciselures de portails ? Certes, les porches gothiques se développèrent en dimensions, en nombre de statues, en complication ; mais ont-ils égalé les grands tympans romans, Vézelay, Moissac, Beaulieu, Cahors ?.. Que dirons-nous des chapiteaux, dont la somptuosité ressort d’autant mieux que l’intérieur des basiliques est plus sombre et plus nu, ou qui s’éclairent comme une joaillerie au soleil des cloîtres de Provence ou d’Aquitaine ? Oh ! ces intérieurs romans, surtout ceux d’Auvergne, en a-t-on assez critiqué la tris­tesse, la pesanteur écrasante ! A quoi je répondrai : Cherchez un lieu où vos rêves s’abritent mieux que sous les voûtes de Saint-Sernin, où vos angoisses s’apaisent comme dans les ombres de Notre-Dame-du-Port ! » Si les Etats d’Auvergne se réunissaient encore, je voudrais qu’ils décernassent au Suisse Forel un diplôme d’Auvergnat honoris causâ ; mais d’autres provinces ne voudraient-­elles pas en faire autant ? Contentons-nous donc de dire qu’il voit en artiste, écrit en poète et, sans prétendre à la science, sert mieux la cause de l’archéologie française que bien des savants.

S[alomon] R[einach]