Saintyves, P.: La Force magique. Du Mana des primitifs au dynamisme scientifique. In-8, 136 p.
(Paris, Nourry 1914)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 24 (4e série), 1914-2, p. 169-170
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P. Saintyves. La Force magique. Du Mana des primitifs au dynamisme scientifique. Paris, Nourry, 1914. In-8, 136 p.


 

 Aux yeux de l’auteur, la religion diffère de la magie « par son orientation idéaliste » ; c’est ce qu’avait déjà vu Porphyre et ce qu’a développé M. Loisy. M. Saintyves n’admet pas, comme l’école sociologique (Durkheim, Hubert, Mauss), que la magie tende à l’illicite et à l’interdit, qu’elle s’oppose à la religion comme l’individuel au social. Pourtant, il fait à cette théorie une concession importante : « Lorsque l’attitude sentimentale de l’homme fut capable d’être modifiée par l’idée de dignité per­sonnelle et de moralité collective, ce ferment nouveau opéra une dissociation dans le culte magique primitif. » Le sentiment de la « moralité collective » étant bien social, le désaccord ne porte que sur des nuances ; c’est ce qui arrive souvent quand on y regarde de près.

L’importance de ce livre n’est pas dans les définitions, mais dans l’histoire, admirablement faite, des théories et des pratiques de la magie depuis sa lointaine origine, la « force magique indifférente » que les Mélanésiens appellent mana, que les Sioux appellent wakan et les Grecs δύναμις ; (latin virtus). L’auteur, dont l’éru­dition est immense, descend le cours des temps jusqu’aux magiciens de nos jours, tel que l’abbé Constant, dit Eliphas Lévi, et son disciple Stanislas de Guaita, même jusqu’aux théories dynamiques modernes, qui sont comme la laïci­sation du principe de toutes les magies. [«] Il reste avéré que l’esprit humain a tiré un immense profit de la notion de force et qu’il est bien loin d’en avoir épuisé la vertu pour l’analyse et la représentation de l’univers » (p. 134). M. Saintyves parle d’une « vertu » qui s’« épuise » ; ne sommes-nous pas encore, avec ces formules du langage scientifique, en pleine magie ?

S[alomon] R[einach]