Lavedan, P.: Léonard Limosin et les émailleurs français. In-8, 128 p., avec 24 planches.
(Paris, Laurens 1914)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 24 (4e série), 1914-2, p. 359-360
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P. Lavedan. Léonard Limosin et les émailleurs français. Paris, Laurens, 1914. In-8, 128 p., avec 24 planches.


 

« Les anciens émaux français comptent parmi les plus parfaites productions de notre art et les émailleurs parmi nos véritables primitifs. » Rien de plus vrai. L’émaillerie limousine est fille de Byzance, par l’entremise de l’art caroligien [sic] ; mais au procédé byzantin du cloisonnage, les Limousins substituèrent l’émail champlevé. Pourquoi l’émaillerie française est-elle presque exclusivement limousine ? C’est sans doute parce que l’émaillerie est une branche de l’orfèvrerie et que le Limousin est très riche en métaux précieux, dont l’exploitation a été reprise de nos jours. La production limousine fut ecclésiastique (Sainte Foy de Conques, S. Martial de Limoges, Grandmont), avant de devenir laïque ; ce changement paraît accompli au début du XIIIe siècle. L’émaillerie laïque multiplia la pacotille et inonda l’Eu­rope de ses œuvres qui se vendaient surtout aux grandes foires, équivalents de nos expositions universelles (p. 56). A la fin du XVe siècle il se produisit une brillante renaissance qui se prolongea au XVIe siècle grâce à des familles d’émailleurs limousins, véritables dynasties, celles des Pénicaud, des Limosin, des Noylier, des Courteys. Usant des procédés nouveaux de la peinture en émail, ils s’inspirèrent presque exclusivement d’œuvres d’art célèbres (minia­tures, gravures, tableaux, tapisseries) et, sauf Léonard Limosin, ne se donnèrent pas la peine d’inventer. La première œuvre datée et signée est le Christ en croix de Nardon Pénicaud (1303). Léonard Limosin, qui fut appelé à Paris par François Ier (1545), naquit vers 1505 à Limoges ; sa première œuvre datée, d’après Albert Dürer, est de 1532. Vers la fin de sa vie il revint à Limoges, où il mourut vers 1576. « Jusqu’à Léonard Limosin, les sujets traités avaient été surtout religieux. Désormais (sous l’influence de l’italianisme et de la résurrec­tion de l’antiquité), la mythologie envahit tout. » (p. 99). Plus de 1.000 pièces, en partie dues à des élèves, sortirent de l’atelier de Léonard Limosin entre 1533 et 1574 ; sa réputation fut due surtout à ses portraits de grande dimension, qui sont, dans leur genre, d’inimitables chefs-d’œuvre. « L’admiration que nous gardons pour ceux qui furent ses égaux, un Jean II Pénicaud ou un Jean de Court, ne doit pas nous rendre injuste à son égard. D’autres eurent plus de grâce, ou plus de force, ou plus de fantaisie : il lui reste d’avoir été un artiste cultivé et un prodigieux technicien » (p. 107). Après 1580 commença la décadence de l’école limousine ; au siècle suivant, la technique change et les artistes, notamment les Landin, cherchent à rivaliser avec la porcelaine chi­noise. L’émailleur n’est plus qu’un peintre ; tel sera le miniaturiste Jean Petitot sous Louis XIV, auteur de beaux portraits en miniature qui n’appartiennent plus à l’art de l’émaillerie. — L’ouvrage de M. P. Lavedan est bien informé ; sur nombre de points, il apporte des vues nouvelles ; c’est un des meilleurs volumes de la collection dont il fait partie.

S[alomon] R[einach]