Breasted, James Henry: The Monuments of Sudanese Nubia, Report of the work of the Egyptian expedition in 1906-7. Reprinted from The American Journal of Semitic Languages and Literatures, octobre 1908. In-8°, 110 p., 56 fig.
( 1908)
Compte rendu par Adolphe Joseph Reinach, Revue Archéologique t. 14 (4e série), 1909-2, p. 474-476
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James Henry Breasted. The Monuments of Sudanese Nubia, Report of the work of the Egyptian expedition in 1906-7, reprinted from The American Journal of Semitic Languages and Literatures, octobre 1908. In-8o, 110 p., 56 fig.


Dans une première campagne d’exploration, 1905-6, M. Breasted avait mené à bonne fin l’examen paléographique des temples sis entre la première et la deuxième cataracte ; dans la deuxième campagne,1906-7, il a étendu ses recherches à la Haute-Nubie en allant de la deuxième à la quatrième cataracte. Bien que la domination égyptienne n’ait jamais dépassé Napata, au pied de la deuxième cataracte, l’intérêt qui s’attache de plus en plus au royaume éthiopien (1) a décidé le savant Américain à pousser jusqu’à Méroé, puis jusqu’à Naga et Musawwarât, résidences des rois de Méroé situées à 48 milles plus au Sud, aujourd’hui en plein désert avec des temples d’époque — ou d’imitation — ptolémaïque et un petit kiosque qui rappelle celui de Philae. A son retour en Nubie, pour s’assurer si les rapides de la quatrième cataracte ne contenaient pas d’inscriptions rupestres comme on en voit tant dans ceux de la première, M. Breasted descendit en bateau les 140 milles qui séparent Abou Hamed de Gebel Barkal, ce qu’aucun explorateur n’avait fait depuis Caillaud. Il n’a malheureusement trouvé à y relever que quelques châteaux en briques crues à contretorts, dominant les passages difficiles, châteaux de travail certainement nubien, mais d’époque incertaine. Dans les ruines de Napata[,] au pied du Gabel Barkal, M. B. n’a pas davantage trouvé les traces des grands rois de la XVIIIe dyn.; mais il a pu prouver que les temples y étaient dédiés à la triade thébaine, Amon, Maut et Khons. Sur une des colonnes du temple d’Amon, une nouvelle inscription méroïtique est venue au jour ; sur un relief de la cour, on voit, dans la représentation ordinaire de la barque d’Amon portée sur les épaules des prêtres, le grand prêtre marcher en tête, agitant l’encensoir tandis que le roi le suit — curieuse confirmation du récit de Diodore sur la prédominance du sacerdoce dans la royauté nubienne. Immédiatement au S. de l’antique Méroé, son nom se retrouve sur les deux rives du Nil, Meraui sur la rive droite, Merowe sur la rive gauche ; cette dernière ville est le chef-lieu actuel de la province de Dongola. On n’y voit que quelques ruines de temples ; mais beaucoup de blocs épars peuvent venir de Méroé. A Bakhît, à l’extrémité méridionale de la grande courbe que décrit le Nil avant de descendre définitivement vers le Nord, apparaît la première église chrétienne remontant au royaume nubien semi-indépendant, du VIe au Xe siècle, avec textes en dialecte nubien ; c’est la véritable entrée de la Nubie. Dans un séjour à l’île d’Arko, M. B. a cherché à prouver que la présence d’une statue assise de Sebekhotep ne devait pas faire conclure que ce faible roi de la XIIIe dynastie eût poussé si loin ses conquêtes en Nubie ; comme le nom d’Amenemhet, trouvé sur un bloc de Meraui, et comme les lions qui ont été transportés de Soleb (sous la troisième cataracte) à Napata, la statue et le bloc ont dû être rapportés de la Haute-Égypte par les conquérants éthiopiens du VIIIe siècle. Ces monuments ainsi écartés, c’est dans l’île de Tombos qu’on trouve les traces, à la fois les plus anciennes et les plus lointaines, de la domination pharaonique : Tothmès I y a élevé une stèle triomphale, où il s’intitule vainqueur de Kousch et rappelle qu’il a porté jusqu’au haut Euphrate les frontières de l’empire égyptien. A Sesebi, au pied de la troisième cataracte, l’étude du temple de Séti I a révélé de nombreux reliefs d’Aménophis IV, plus ou moins martelés ; comme l’itinéraire du roi éthiopien Nastesen (v. 525 av.) a fait placer près de la troisième cataracte la ville de Gem-Aton, on doit reconnaître à Sesebi les ruines de la ville consacrée par Ikhnaton en Nubie au culte de son grand dieu solaire. Le choix de Sesebi s’explique sans doute parce que c’était le seul emplacement favorable qui se trouvait immédiatement au Sud de Soleb ; son père, Aménophis III, y avait élevé un grand sanctuaire nommé Khammat « étincelant de vérité » où il était adoré comme dieu « Seigneur du Ciel », en compagnie d’Amon. Sur une face du pylône, qu’Aménophis III n’avait pas achevé, Aménophis IV s’est fait représenter. Ces reliefs offrent une importance historique considérable, car on y voit que, tout au début de son règne, le futur lkhnaton se laissait figurer adorant Amon et son père Aménophis III ; avant la VIe année de son règne, Amon fut effacé sur ses reliefs pour être remplacé par Aton; pourtant il respecta ici le nom de son père divinisé et, n’osant poursuivre sa mémoire dans le temple qui était son œuvre, il transporta à Sesebi la capitale nubienne du culte d’Aton. Sur ce même pylône le futur Ikhnaton était figuré acccompagnant [sic] son père dans une partie de la cérémonie du Heb-sed, jusqu’ici peu connue : le roi frappe successivement les 15 portes de la ville de sa masse archaïque en prononçant une formule, contemporaine pour le moins des textes des Pyramides, à en juger par ses particularités grammaticales : « J’ai cogné sur ton battant, je t’ai frappé, je t’ai forcé (?) » M. B. se demande si ce n’est pas la « fête du circuit du mur » mentionnée dès la Ire dynastie, et si l’origine n’en remonte pas à la prise de la capitale du Nord que les rois horiens continuaient ainsi à commémorer. Lefébure, dans ses Rites Egyptiens, y voyait seulement la fête d’inauguration du temple. — L’architecture même du temple de Soleb offre le plus grand intérêt : elle est intermédiaire entre le type basilical de Karnak et le système ordinaire du haut pylône dominant un rectangle plus bas. En redescendant le Nil, entre Soleb et Amâra, M. B. a pu relever (après Budge), à Sédéïnga, un petit temple à colonnes hathoriques élevé par Aménophis III à sa femme Tii comme déesse de la Nubie ; dans une forteresse nubienne récente, au N. de l’île de Saï, des blocs provenant d’édifices élevés par le vice-roi de Tothmès III en Nubie, Néhi, le même qui construisit le temple de Semneh ; d’autres portant les titres de Setau, le vice-roi de Ramsès II. Sur un bloc de rocher dans l’île de Saï, puis sur une inscription rupestre au rapide de Tangour dans la deuxième cataracte, M. B. a retrouvé des souvenirs de la grande expédition nubienne de Tothmès I en son an II. A Amara, M. B. avait quitté ses bateaux, ne gardant qu’une felouque pour l’examen des inscriptions rupestres; c’est en caravane qu’il atteignit Semneh et Kummeh, la double forteresse dominant, de chaque rive, le passage de la cataracte; un graffite relevé pour la première fois a montré qu’elle existait déjà en partie sous Aménophis I dont « le fils-royal dans la région du Sud, Thure » y a gravé son nom. Thure serait le plus ancien vice-roi de Nubie.

Au Nord de la deuxième cataracte, on entre dans la Basse-Nubie. Les temples de cette région sont beaucoup mieux connus de l’architecte et de l’archéologue. Analyser tout ce que M. B. y a trouvé de nouveau pour l’histoire de l’Égypte par l’étude des inscriptions serait sortir du domaine de cette Revue. Mais je cède la plume à M. Georges [sic] Foucart, qui va signaler l’admirable publication dont les temples nubiens doivent être bientôt l’objet.

A[dolphe] J[oseph]-R[einach]

(1) Voir, notamment, sur la langue méroïtique, l’appendice de Griffith dans l’Areika de Mac Iver (Oxford, 1909 ; cf. L’Anthropologie, 1909, p. 415), les inscriptions trouvées par Sayce, Proceedings bibl. Soc., juin-juillet 1909 et le ms. signalé par S. de Ricci, C.-R. Acad. Inscr., mai-juin 1909 (publié depuis).