Roscher, W. H.: Die Tessarakontaden und Tessarakontadenlehren der Griechen und anderer Völker. In-8, 206 p.
(Leipzig, Teubner 1909)
Compte rendu par Salomon Reinach, Revue Archéologique t. 14 (4e série), 1909-2, p. 480-481
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W. H. Roscher. Die Tessarakontaden und Tessarakontadenlehren der Griechen und anderer Völker. Leipzig, Teubner, 1909. In-8, 206 p. (1).


Quarante jours de jeûne, quarante jours d’impureté, l’usage des quarantaines, les quarante voleurs d’Ali-Baba, les quarante de l’Académie française.... c’est presque à l’infini que se rencontrent les tessarakontades, soit de jours, soit d’années, soit d’individus ou de groupe d’individus, et cela non seulement chez les Sémites, les Grecs, les Romains, mais chez les indigènes de l’Asie, de l’Amérique, bref de tous les pays où l’on a fait des observation suffisantes. Essayez de trouver seulement vingt exemples de la cinquantaine : vous n’y réussirez pas. Donc, à une époque extrêmement ancienne, 40 a été un nombre critique ; la médecine antique en a fait grand usage et Hippocrate distingue, dans la gestation, 7 périodes de 40 jours, dont la dernière serait celle de la convalescence complète, après quoi l’accouchée redevient pure. Si cela était physiologiquement exact, l’énigme serait résolue: dans tous les pays du monde on aurait constaté qu’il faut 40 jours à une accouchée pour se « remettre ». J’ai consulté, à ce sujet, non seulement des livres d’accouchement, mais des accoucheurs ; ils ignorent et contestent cette période de 40 jours, qu’ils portent à 42 ou à 45 s’il s’agit du retour, qu’ils réduisent à 9 s’il s’agit du flux lochial. J’en conclus que les tessaracontades d’Hippocrate ne sont pas fondées sur des observations physiologiques, mais qu’elles introduisirent dans la physiologie une conception mystique plus ancienne. L’origine de cette conception reste à découvrir ; mais l’ouvrage où M. Roscher a réuni, critiqué, comparé tous les exemples de tessaracontades sera désormais le point de départ de toute recherche à ce sujet. C’est un travail d’une stupéfiante érudition. Je crois qu’on pourrait y faire une place à l’expression : « Je m’en moque comme de l’an 40 », dont les Encyclopédies donnent des explications invraisemblables, fondées sur les menaces de guerre de 1840 ou des prédictions sinistres concernant cette année-là. L’existence même de ces prédictions ne peut s’expliquer, à mon avis, que par la croyance à la nature critique du nombre quarante (2).

S[alomon] R[einach]

(1) Du même : Die Enneaden, 1903 ; Die Sieben-und-neunzahl, 1904 ; Die Hebdomadenlehren, 1906 ; Enneadische Studien, 1907 ; Die Zahl 40 im Glauben der Semiten, 1908.

(2) Parole profonde à noter (p. 27) : «  La théorie des nombres des Pythagoriciens n’est pas le début, mais un des derniers anneaux d’une chaîne dont les premiers se perdent dans la nuit des temps. » Il en est de même de tous les systèmes des premiers philosophes grecs ; ils n’ont fait que donner une forme scientifique à des croyances ou à des tentatives d’explications préhistoriques. Burney s’en est déjà douté, Houssay aussi.