Di Teodoro, Francesco Paolo (a cura di): Saggi di letteratura architettonica da Vitruvo a Winckelmann, I, biblioteca dell’« Archivum Romanicum ». Serie I, vol. 360, cm 17 x 24, VI-372 pp con 67 figg. n.t. e 21 tavv. f.t., ISBN 978 88 222 5907 3, € 42,00
(Leo S. Olschki Editore, Firenze 2009)
 
Reviewed by Frédérique Villemur, École nationale supérieure d’architecture de Montpellier
 
Number of words : 2008 words
Published online 2015-02-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1029
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          Ce premier volume consacré à la littérature architecturale de Vitruve à Winckelmann rassemble des contributions venant des divers champs de l’histoire de l’art et de la critique artistique, de l’architecture et des mathématiques, de la littérature et de la philologie, en vue de combler un manque : ainsi que le souligne en introduction Francesco Paolo Di Teodoro, les anthologies ou les éditions à teneur architecturale ont trop souvent délaissé la question de la transmission des textes, les aspects philologiques et la dimension figurative des discours dans leur corpus. Voilà qui est réparé avec ce premier appareil critique où se trouvent rassemblées des analyses consacrées aux éditions critiques et commentées (G. Bacci, A. Becchi, M. Beltramini, M. Bevilacqua, M. Biffi, H. Burns, P. Cavagnero, F. P. Di Teodoro, G. Ferraro, G. Michelu, C. Occhipinti, R. Revelli, L. Ridolfi, I. Rowland, A. Siekiera), aux traductions (F. Rossi, F. Testa), au langage vitruvien (F. Bosso, V. Pizzigoni, D. Rivoletti), aux traités perdus (E. Carrara) et à l’ekphrasis (L. Bertolini). La table des matières de l’ouvrage n’est pas découpée selon des thématiques, mais suit l’ordre alphabétique des contributeurs, ce qui donne une lecture en quelque sorte « par sauts par gambades ». Cependant l’ensemble de l'ouvrage procède de façon chronologique.

 

         Sans passer en revue chacune des contributions, retenons quelques temps forts de l’ouvrage qui constituent autant d’ approches thématiques.

 

         La transmission des textes et leurs modalités de lecture au regard de l’insertion des images vise tout particulièrement un public recherché pour ses qualités de réflexion et d’applications pratiques. Dans son analyse des éditions vitruviennes du Cinquecento, Giorgio Bacci met en évidence l’efficace de frontispices « parlants » adressés à un nouveau lectorat. À partir de la dédicace de l’éditeur Francesco de' Franceschi  dans l’édition commentée de Vitruve par Daniele Barbaro de 1567, l’auteur souligne l’émergence de la figure de l’architecte marquée d’humanisme, de théorie et de pratique. Dans les deux éditions en latin et en langue vulgaire de Barbaro, les illustrations jouent un rôle majeur, éclairant le texte, et le nom du graveur côtoie celui de l’éditeur sur le frontispice. L’édition de 1556 est un in-folio, celle de 1567 un in-quarto : elles ne s’adressent pas aux mêmes publics. Reprenant donc l’histoire des frontispices de Fra Giocondo depuis la première édition de 1511 jusqu’à celle de 1524, Giorgio Bacci voit dans la relation entre la pratique de la langue vulgaire et l’efficacité des illustrations, une manière de ne plus opposer le beau et l’utile. Si le frontispice de l’édition de 1556 de Barbaro est encore marqué par une lecture allégorique qui met en scène Archimède et Vitruve parmi les ruines et des instruments évoquant la tripartition vitruvienne (Aedificatio, Gnomonica, Machinatio), celui de l’édition de 1567 est devenu très didactique, qui montre un arc de triomphe intégrant les figures du Quadrivium. Confrontant les frontispices des livres de Serlio (Quarto et Terzo libro), l’auteur met ainsi en évidence une politique éditoriale tournée vers la chose même de l’architecture. On ne s’étonnera donc pas de voir apparaître le portrait de l’architecte enchâssé dans le portail du frontispice des Regole de Vignole, en 1562. L’importance croissante des images dans la diffusion des textes architecturaux montre bien de nouvelles modalités de lecture et de diffusion de la culture architecturale. L’analyse de Maria Beltramini va dans ce sens, dans la mesure où elle consacre son étude aux Quattro libri de Palladio et au traité de Sebastiano Serlio (aux cinq premiers livres et à l’Extraordinario) qui fit l’objet d’une relance éditoriale sans précédent à Venise en 1566, juste avant la publication de Palladio en 1570. L’auteur mesure ainsi les changements éditoriaux opérés depuis 1537, année inaugurant l’œuvre imprimée de Serlio chez Francesco Marcolini et sa relance éditoriale chez Francesco de’ Franceschi après la mort de l’architecte. La diffusion ne touche plus le même public, par le changement de format (du folio au quarto) et l’efficacité scientifique que procure la dernière édition (avec une évidente clarté des illustrations qui s’intercalent de manière didactique dans le texte), enfin la langue elle-même est plus opérante, trouvant des équivalents florentins à des termes techniques vitruviens. D’actualité donc, l’œuvre nouvellement éditée de Serlio est parfaitement adaptée aux attentes d’un livre technique significativement clair, annonçant par là l’édition palladienne. On lira donc à la suite l’article qu’Howard Burns consacre aux Quattro libri de Palladio, qui voit dans cette politique éditoriale une stratégie de marketing valorisant des nouveaux usages. Le succès des six éditions italiennes, et les nombreuses traductions en Espagne, France, Allemagne, Angleterre et en Russie durant trois siècles, en sont la preuve. L’originalité de l’approche d’Howard Burns tient au fait qu’il ne s’attache pas à l’écart entre ce que l’on a cru être des projets dans l’édition et les œuvres construites de Palladio. Bien plutôt il considère la production du livre dans son contexte éditorial, et dans un marché où Palladio est en compétition avec Serlio et Vignole. Palladio fait des choix éditoriaux au regard des œuvres publiées par ces derniers, même s’il dit prendre pour guide le seul Vitruve : c’est ce que démontre clairement Howard Burns en distinguant les livres et leurs visées. Palladio produit un texte très concis dans un italien standard, s’appuyant sur ce que les images montrent ; il réduit au minimum les termes techniques, et vise un usage aisé et pratique de la lecture. Le choix de bois gravés permettant d’intégrer et d’unifier texte et image, la standardisation de ses dessins à travers une convention de représentation qui tend à simplifier les formes architecturales et à user de petites échelles pour les élévations, à rapporter les mesures en pied vicentin directement sur les plans, clarté que justifie l’occupation pleine page des illustrations (qui représentent près de la moitié de l’ouvrage), et les blancs volontairement laissés pour les annotations et dessins de lecture, prouvent un souci pratique en direction d’une appropriation de l’œuvre par le lecteur. La structure du livre (Livre I dédié aux ordres, Livre II aux villas, Livre III aux édifices publics, Livre IV aux temples) répond à ce programme qui assigne une place exemplaire aux créations de l’architecte, comme si elles devaient devenir des modèles à suivre. S’il explique sa propre synthèse des ordres, la connaissance archéologique dont il fait preuve dans le dernier livre, avec des exemples de temples hors d’Italie et des restitutions qui engagent une double approche, critique et historique, de l’architecture romaine, sont exceptionnelles pour l’époque. C’est à cette lecture rapprochée du texte de Palladio dans son contexte éditorial qu’invite Howard Burns dont il démontre l’excellence de l’écriture personnelle et la valeur universelle à laquelle il aspire. On poursuivra avec l’article que Federica Rossi consacre à l’assimilation russe de l’édition Palladio au XVIIe siècle. Si l’architecture russe se « palladianise » à travers Quarenghi et Rastrelli dans les dernières années du XVIIIe siècle — pensons au Palais d’Hiver et à Tsarkoye Selo — la première appréhension de l’œuvre éditée de Palladio remonte cependant au dernier quart du XVIIe siècle, à l’époque des premières théorisations de l’architecture en Russie. Federica Rossi s’intéresse à un manuscrit du Prince Dolgorukov consacré à l’architecture et aux ordres, marqué par la lecture du livre premier de Palladio, et rédigé alors qu’il accompagnait Pierre Le Grand en délégation à Venise en 1699. Au début du XVIIIe, l’architecte Fontana tenta un dictionnaire russe des termes architecturaux italiens : Vignole, Scamozzi étaient découverts aux côtés de Palladio, tandis qu’Alberti restait encore méconnu.

 

         Ce désir de définition des ordres et des règles architecturales comme véritable syntaxe de l’art de construire s’achève au XVIIIe siècle dans une synthèse des grands traités de la Renaissance, tel que Francesco Muttoni en fait état en 1741, donnant cours pour un même ordre à des tables arithmétiques de correspondances entre les auteurs, perspective propre aux manuels, et qu’analyse Francesco Bosso. On lira de même avec intérêt les remarques critiques de Vittorio Pizzigoni sur la dispute formelle soulevée dès l’Antiquité au sujet du dorique, concernant les angles de l’entablement (au regard des triglyphes, des métopes, de l’entrecolonnement) et les solutions apportées à la Renaissance. Pour l'infinie combinatoire d’ornements, on poursuivra avec Mario Bevilacqua, la lecture d’un « sixième ordre » chez Piranèse, et sa liberté d’invention, en particulier au sujet de la Casa dei Crescenzi à Rome. Sur la question de l’ornement, Fausto Testa montre du côté de Winckelmann comment la lecture historique que ce dernier en donne est orientée par une vision de l’histoire de l’art asservie à l’idée de progrès et de déclin, luttant contre un baroque trans-historique, symptôme d’une dégénérescence formelle au regard de la beauté grecque.

 

         La science des ingénieurs n’est pas délaissée par le volume qui livre pour la Renaissance, avec Gianni Micheli et Anna Siekiera, une actualité critique sur Bernardino Baldi et ses commentaires des Questions mécaniques du Pseudo-Aristote. Enfin, un des points passionnants de l’ouvrage porte sur les études et les expérimentations de Léonard de Vinci relatives à l’eau et ses rythmes, dans l’article « Dell’onda dell’acqua » de Paolo Cavagnero, Roberto Revelli et Luca Ridolfi, lui-même rattaché au traité Del Moto et Misura dell’Acqua de 1643, dans lequel Fra Luigi Arconati tente pour la première fois une organisation systématique des recherches de Léonard sur le thème. Les observations des ondes générées par le courant, d’une grande justesse dans leur analyse détaillée, sont à la recherche de fondamentaux, annonçant par là même la science de l’hydraulique. Francesco P. di Teodoro de son côté souligne la complexité de l’entreprise éditoriale du Del Moto et Misura dell’Acqua jusqu’au XXe siècle au regard des différents codex.

 

         L’ensemble de ce premier volume (auquel succèdent deux autres dirigés respectivement par Lucia Bertolini et Howard Burns) permet ainsi de rendre compte de la vitalité des recherches sur les écrits d’architecture en terme de transmission, traduction et diffusion d’une littérature architecturale sur une longue durée. C’est là une entreprise constituant un cercle vertueux qui replace les analyses critiques dans une perspective interactive des champs disciplinaires sans en forcer la continuité temporelle.

 

 

Table des matières :

 

- Giorgio Bacci, Frontespizi, immagini e parole in alcune edizioni vitruviane del Cinquecento : legami semantici tra testo scritto e illustrazione, p. 1.

- Antonio Becchi, Uno e trino. Impronte stravaganti di un testimone postumo (1621), p. 29.

- Maria Beltramini, Verso I Quattro Libri. Palladio e il trattato di Serbastiano Serlio, p. 47.

- Lucia Bertolini, Per una caratterizzazione dell’ecfrasis architettonica : descriptio o lustratio ? p. 61.

- Mario Bevilacqua, Piranesi Teorico : il « sesto ordine dell’architettura », p. 77.

- Marco Biffi,  Primi spunti di analisi linguistica sulla traduzione di Fabio Calvo nella sua nuova edizione, p. 85.

- Francesco Bosso, Vitruvio, Francesco Muttoni e l’auctoritas dell’antico, p.101.

- Howard Burns, The Quattro libri dell’Architettura : Book Design and Strategies fr Presenting and Marketing Palladio’s « Usanza Nuova », p. 113.

- Eliana Carrara, Giovanni Antonio Dosio e Giovanni Battista naldini : pratica del disegno e studio dell’antico nella Roma del settimo decennio del Cinquecento, p. 151.

- Paolo Cavagnero, Roberto Revelli, Luca Ridolfi, Dell’onda dell’acqua. Studi ed esperimenti sulle onde nell’opera di Leonardo da Vinci, raccolti da Fra Luigi Maria Arconati nel Libro Terzo del trattato Del Moto et Misura dell’Aqua, p. 161.

- Francesco P. Di Teodoro, Per una nuova edizione dell’apografo vinciano Del Moto et Misura dell’Aqua, p. 177.

- Francesco P. Di Teodoro, Per l’edizione del Vitruvio di Fabio Calvo per Raffaello, p. 191.

- Giovanni Ferraro, Bernardino Baldi, le matamatiche, l’archittetura, p. 207.

- Gianni Micheli, Per una nuova edizione della meccanica di B. Baldi, p. 221.

- Carmelo Occhipinti, Pirro Ligorio. Tra testo e immagine, p. 229.

- Vittorio Pizzigoni, Di sotto in su : note sul problema angolare del dorico durante il Rinascimento, p. 241.

- Daniele Rivoletti, Lessico architettonico e immagine : la descrizione di uno spettacolo nella Siena del 1503, p. 257.

- Federica Rossi, Il principe Dolgorukov e i Quattro Libri dell’Architettura di Andrea Palladio nella Russia du Pietro il Grande, p. 267.

- Ingrid Rowland, La traduzione vitruviana del Cavo per Raffaello nei suoi rapporti con l’ambiente culturale romano del primo Cinquecento e con la trattastica coeva, p. 285.

- Anna Siekiera, L’ingegno e la maniera di Bernardino Baldi, p. 299.

- Fausto Testa, Le Anmerkungen kü die Baukunst der Alten  di J.J. Winckelmann : il testo di architettura tra continuità e fratture epistemologiche nella cultura del Secolo dei Lumi, p. 313.

- Indice dei nomi, p. 355.