Maxfield, V. A. - Peacock, D. P. S. (éd.): Tomber, Roberta - Knowles, Kathryn - Bailey, Donald et Thomas, Ross, avec une contribution d’Hélène Cuvigny : Mons Claudianus: survey and excavation, 1987-1993. Volume III Ceramic vessels & related objects. Fouilles de l'Institut français d'archéologie orientale (FIFAO) 54. 450 p.
ISSN : 0768-4703, ISBN : 2-7247-0428-2 Format: 24,50 x 32 cm.
35 euros
(Le Caire, Institut français d'archéologie orientale du Caire (IFAO) 2006)

 
Compte rendu par Delphine Dixneuf, Institut français d’archéologie orientale du Caire
 
Nombre de mots : 2165 mots
Publié en ligne le 2007-12-25
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=104
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L’ouvrage Survey and Excavation. Mons Claudianus (1987-1993), vol. III, Ceramic Vessels and Related Objects, publié sous la direction de Valerie Maxfield et David Peacock, entend présenter l’ensemble de la céramique et une partie du matériel associé, c’est-à-dire les lampes, les figurines de terre cuite et les bouchons, découverts sur le site du Mons Claudianus, dans le désert oriental d’Egypte. Il s’agit plus précisément du matériel mis au jour au cours des fouilles archéologiques conduites sous la direction du Professeur Jean Bingen et sous les auspices de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, entre 1987 et 1993. Cette étude s’insère dans la série des Survey and Excavation – Mons Claudianus, qui comprend quatre volumes aux thématiques suivantes : 1) présentation générale du site et des carrières – 2) présentation des principaux secteurs de fouilles et d’une partie du mobilier (cuir, métal, pierre, bois, faune et flore) – 3) étude du matériel céramique, des lampes, des figurines et des bouchons – 4) étude des textiles (actuellement en cours de préparation). L’ensemble de la documentation écrite (ostraca et papyri) est publié dans la série des Documents de Fouilles de l’Institut français d’archéologie orientale (DFIFAO).

Le site du Mons Claudianus est localisé dans le désert oriental d’Egypte, à proximité du Gebel Fatira, célèbre pour ses carrières de granit et de quartzo-diorite, sur une des voies reliant la vallée du Nil aux rivages de la mer Rouge, entre l’actuelle ville de Qena et la station balnéaire de Safaga. L’implantation romaine est ici datée du milieu du Ier au début du IIIe siècle apr. J.-C., avec des phases d’activité et d’occupation plus intenses entre la fin du Ier et le troisième quart du IIesiècle. Ainsi, par sa situation privilégiée sur une route caravanière fréquentée principalement par les marchands et les militaires, le matériel céramique découvert sur ce site témoigne non seulement des habitudes alimentaires des carriers, de leurs intendants et des militaires mais également de la nature des échanges commerciaux entre l’Egypte et la mer Rouge et, à une échelle beaucoup plus vaste, entre la Méditerranée et l’Océan Indien.

L’ouvrage se compose de cinq chapitres : 1) présentation de l’ensemble de la céramique et du matériel amphorique (Roberta Tomber) avec une annexe traitant des dipinti sur amphores (Hélène Cuvigny) – 2) étude des bouchons (Ross Thomas et Roberta Tomber) – 3) présentation des figurines (Donald Bailey) – 4) étude des petits objets en céramique (Roberta Tomber) – 5) présentation des lampes (Kathryn Knowles). En guise d’introduction, une brève présentation du site, agrémentée de cartes, de plans et d’un rappel de la chronologie, nous permet de localiser les différents secteurs explorés, dont proviennent les objets présentés dans le cadre de cette publication.

Le premier chapitre est consacré à l’étude de la céramique et des amphores. L’auteur choisit de commencer son exposé par une présentation synthétique et claire des méthodes de travail et de l’établissement de la classification, qui repose principalement sur l’étude des formes et des pâtes. Elle expose également les méthodes de comptages employées et la mise en place des assemblages. On soulignera à ce propos l’utilisation de deux techniques de comptages afin d’évaluer au plus près le nombre d’individus céramiques : le comptage systématique des fragments et la pesée des différentes catégories de céramiques. Cette dernière méthode, rarement employée par les équipes françaises, semble cependant fournir des résultats intéressants ; toutefois, ainsi que le souligne Roberta Tomber, ces deux méthodes doivent être associées. La suite de l’exposé est consacrée à la présentation des différents groupes de pâtes et comprend également un rappel des études menées ces vingt dernières années en matière de détermination des provenances. Actuellement, seules des analyses pétrographiques et physico-chimiques des argiles et des pâtes associées à la fouille de sites de production de céramiques pourraient offrir de nouvelles données sur le répertoire morphologique et la gamme des pâtes en usage pour chaque officine de potiers. Parmi le matériel découvert au Mons Claudianus, quatre grandes familles d’argiles ont été reconnues : les argiles alluviales, dont les gisements se concentrent le long de la vallée du Nil et au Delta, les argiles calcaires, que l’on rencontre non seulement le long de la vallée du Nil et plus précisément dans la région comprise entre Qena et Edfou, mais également en Maréotide, et les argiles kaolinites caractéristiques notamment des productions d’Assouan ; une dernière famille concerne les céramiques et amphores importées de l’ensemble du bassin méditerranéen, dont la gamme de pâtes est beaucoup plus diversifiée.

La deuxième partie comprend le catalogue qui s’organise suivant les classifications actuellement en vigueur en Égypte et en Méditerranée. Pour chaque objet présenté, sont mentionnés le numéro du catalogue, la provenance parmi les différents secteurs étudiés, une indication chronologique, la mention de la fabrique et, quand cela est nécessaire, le traitement de surface. On trouve ainsi, par ordre d’apparition, les céramiques fines importées (Eastern Sigillata A, Eastern Sigillata B, sigillées chypriotes, africaines et pontiques) et les céramiques à parois fines, originaires majoritairement de la région d’Assouan, dont le répertoire morphologique recouvre principalement les récipients liés au service de la boisson. Cette catégorie représente plus de 61 % des céramiques fines au cours de la première phase chronologique (seconde moitié du Ier siècle) au détriment de la faïence égyptienne (p. 198-199, tableaux 1.5-7). Enfin, on signalera que cette catégorie de céramiques se répartit en deux groupes suivant le type de décor, soit à la barbotine, plus fréquent entre la fin du Ier et le milieu du IIe siècle, soit peint, dont les premiers exemplaires sont attestés sous le règne d’Hadrien (p. 200, tableau 1.8). Viennent ensuite la vaisselle en faïence et les productions égyptiennes de formes fermées (vases à liquide, flacons, pichets, gargoulettes, gourdes, gobelets, jarres de stockage, pots de cuisson, godets de saqieh et siga-barillets), de formes ouvertes (bols, coupes, assiettes, plats, jattes, mortiers, bassins, bassines et moules à pain, récipients culinaires et couvercles, dont un exemplaire originaire d’Afrique du Nord), puis divers récipients de petite taille (encriers, gobelets cylindriques et fragments de formes fermées à décor peint en surface externe). La présentation des amphores de production égyptienne et importées tient également une place importante dans ce catalogue ; il s’agit en effet de la plus vaste catégorie de récipients sur le site, soit, à partir de la fin du Ier siècle, 67 à 76 % de l’ensemble de la céramique (p. 197, tableau 1.4 et tableaux 1.14-17, p. 205 à 208). Les productions en pâte alluviale et originaires de la vallée du Nil représentent à elles seules 95 à 96 % des amphores, et plus de 76 à 93 % consistent en conteneurs AE 3 caractéristiques des productions de la région thébaine. Quelques céramiques, dont des imitations de l’amphore Dressel 2/4, sont importées de Maréotide (0,1 à 1,6 %) ; les productions de la région d’Assouan se résument, quant à elles, à quelques individus, soit 0,1 à 0,2 %. Des rivages de la mer Méditerranée provient 1 à 1,25 % du matériel amphorique, témoignant ainsi de la diversité des sources d’approvisionnement : Espagne, Gaule, Italie, Afrique du Nord (provinces de Byzacène et de Tripolitaine), côte syro-palestinienne, mer Égée (Rhodes, Crète), Asie Mineure et Cilicie.

L’étude des amphores de production égyptienne et importée se termine sur une présentation préliminaire par Hélène Cuvigny de quelques dipinti amphoriques. Cette documentation écrite, par ailleurs abondante sur les sites du désert oriental d’Égypte, offre un aperçu des différents types de denrées pouvant être stockés dans des conteneurs égyptiens ; il s’agit principalement de vin, parfois de vinaigre et de viandes ou poissons en saumure.

Précédant la conclusion, une petite partie est consacrée à la vaisselle remployée, principalement des fonds d’amphores égyptiennes AE 3 taillés, qui permettent ainsi d’obtenir des gobelets et des bols. Plusieurs de ces récipients possédaient des inscriptions ou un décor incisé et/ou excisé, consistant en figures humaines, motifs végétaux et oiseaux. On note également quelques imitations de bols hellénistiques à relief. Avec cette série relativement importante (0,2 à 2,6 % de l’ensemble de la céramique, tableau 1.4, p. 197), nous aurions là une des premières attestations d’un artisanat spécifique lié au travail de la céramique.

La conclusion de ce premier chapitre s’articule en cinq sections (considérations méthodologiques, description des assemblages datés, composition de ces assemblages, approvisionnement en céramiques au Mons Claudianus et quelques aspects liés à la conservation des céramiques) suivies d’une annexe comprenant les données brutes issues des comptages par phases chronologiques, groupes de pâtes et types céramiques. La documentation écrite et datée découverte au Mons Claudianus offre ainsi aux céramologues la possibilité d’affiner leur classification typo-chronologique et de réfléchir aux questions d’approvisionnement en denrées alimentaires et produits manufacturés vers les carrières et les fortins. Ainsi, par sa position dans un environnement isolé et relativement inhospitalier, la survie des sites du Mons Claudianus dépend des approvisionnements en biens pour la vie quotidienne de la vallée du Nil et des rivages de la mer Rouge.

Le second chapitre est consacré à l’étude des bouchons menée par Ross Thomas en collaboration avec Roberta Tomber. Sur les 273 bouchons ou systèmes de fermeture recensés, 78 présentent une estampille ou une inscription. Les bouchons, et notamment ceux destinés à la fermeture des conteneurs de stockage, comprennent deux parties distinctes : l’opercule qui obture le col et le cachet, parfois estampillé ou inscrit, en argile (tradition égyptienne) ou en plâtre (influence nord-méditerranéenne). Ces estampilles, dont la signification demeure assez souvent énigmatique, consistent en noms, de localités ou de marchands, motifs végétaux, géométriques et en quelques uraei. Au terme de cette étude, l’auteur identifie trois systèmes d’obturation : 1) couvercle en céramique et cachet en plâtre dont l’estampille est peinte en rouge, vraisemblablement pour des amphores vinaires à col large – 2) bouchon en limon pour des amphores à col large ayant pu contenir des poissons salés ou des produits non vinaires – 3) bouchon organique ou textile surmonté d’un cachet en plâtre pour des amphores à col étroit et, selon toute vraisemblance, des flacons. A l’instar de l’auteur, on retiendra l’hypothèse que le timbre a été apposé sur le cachet lors de l’obturation de l’amphore, les inscriptions peintes pouvant être rédigées plus tard, lors du transport ou de la vente.

Dans un troisième chapitre, Donald Bailey traite des figurines en terre cuite et en plâtre, des sceaux et de quelques objets en pierre. N’étant pas spécialiste de ce type d’objets, nous préférons insister sur l’importance de cette étude qui fournit, grâce aux séquences chronologiques fines établies d’après l’analyse de la stratigraphie, les ostraca et la céramique, une nouvelle typologie des figurines d’époque romaine, de la fin du Ierau IIe siècle apr. J.-C. Cependant, malgré la clarté de son exposé, il est à déplorer que l’auteur, qui s’en excuse, n’ait pu examiner les pâtes de visu, ce qui aurait peut-être permis d’associer quelques figurines, lampes et céramiques. Le chapitre suivant comprend la description, par Roberta Tomber, d’une série d’objets en céramiques à usages divers et, en collaboration avec Donald Bailey et Valerie Maxfield, des graffiti gravés ou rédigés en noir sur des tessons ; il s’agit notamment d’une figurine masculine évoquant Hadès, d’un cavalier sur sa monture, d’un satyre, de gladiateurs, de quelques animaux et de phallus.

Le troisième volume de la série Survey and Excavation – Mons Claudianus s’achève par l’étude des lampes conduite par Kathryn Knowles. Deux axes ont guidé sa recherche : l’établissement de séquences chronologiques dans le but de construire la classification typo-chronologique et la détermination des provenances des lampes, suivant les analyses macroscopiques et pétrographiques des pâtes. On soulignera à ce propos qu’il aurait été préférable de placer l’étude pétrographique non pas à la fin du chapitre mais après l’étude macroscopique et de présenter une conclusion sur la pertinence de ces analyses. Parmi les 800 lampes et fragments de lampes découverts, huit types principaux, d’après la forme puis le décor, ont été identifiés ; la majorité d’entre elles provient probablement de la vallée du Nil.

L’ensemble du matériel archéologique découvert sur les différents secteurs du Mons Claudianus témoigne d’une période d’activité relativement intense sous les règnes de Trajan et d’Antonin. Outre la possibilité de cerner avec plus de justesse la céramique des Ier et IIe siècles apr. J.-C., période peu représentée jusqu’alors dans les diverses études et publications, il permet également d’entrevoir une facette de la vie quotidienne des habitants du fort et des ouvriers travaillant dans les carrières. De plus, associée à l’étude de la céramique découverte sur d’autres établissements du désert oriental (on pense notamment au matériel mis au jour au Mons Porphyrites, dans les fortins jalonnant les routes du désert oriental), cette étude nous permet d’apprécier sous un jour nouveau l’approvisionnement de ces établissements et la nature des relations commerciales unissant la vallée du Nil aux rivages de la mer Rouge. On regrettera cependant l’absence de planches récapitulatives présentant toutes les catégories de matériel suivant les principales phases chronologiques. Cette association du mobilier aurait ainsi fourni une conclusion générale à cet ouvrage dont la place dans la production scientifique est amplement méritée et qui constitue de plus un manuel de base pour toutes études céramologiques traitant de la période romaine en Égypte.