Barat, Yvan, avec la collab. de Dufaÿ, Bruno et Renault, Ingrid: Carte archéologique de la Gaule - Les Yvelines (Carte Archéologique de la Gaule 78) 429 p., ill. noir et couleur, ISBN 2 87754-189-3, 43 euros
(Paris, Maison des Sciences de l’Homme 2007)

 
Reseña de Maxence Segard, Department of Classics, Tufts University, Medford/Boston, USA.
 
Número de palabras : 1877 palabras
Publicado en línea el 2007-11-12
Citación: Reseñas HISTARA. Enlace: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=110
 
 

Cet ouvrage consacré au département des Yvelines est l’un des derniers volumes parus dans la série des Cartes Archéologiques de la Gaule (CAG), commencée en 1988 et qui compte aujourd’hui plus de cent volumes. L’objectif général de la collection dirigée par Michel Provost est de recenser toutes les découvertes archéologiques pour chaque département, en se limitant à une période déjà très longue, comprise entre le début de l’âge du Fer et le début du haut Moyen Age. Après la parution récente (2005-2006) des volumes consacrés à Rouen, aux Hauts-de-Seine et au Val d’Oise, ce volume vient compléter l’inventaire de la partie nord-ouest de la France (depuis la Vendée jusqu’au Nord), à laquelle ne manquent désormais plus que cinq départements (Vienne, Morbihan, Somme, Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne). Conformément au plan adopté pour tous les volumes de la série des Cartes Archéologiques de la Gaule, celui consacré aux Yvelines débute par une introduction qui regroupe plusieurs synthèses thématiques et chronologiques, puis un inventaire des sites connus pour chaque commune, en livrant pour chacun une description des vestiges et les sources utilisées. Une bibliographie fournie (presque 40 pages) complète l’ouvrage, en séparant les références publiées (livres, articles) et les documents de travail disponibles au Service Archéologique Départemental (rapports de fouilles inédits principalement). La documentation présentée, dans les notices communales comme dans les synthèses, témoigne d’un travail bibliographique complet, qui tient compte des travaux les plus récents, mais également des fouilles et découvertes anciennes. Réalisé par Yvan Barat, Bruno Dufaÿ et Ingrid Renault, l’ouvrage témoigne en particulier de l’ancienneté de la politique d’archéologie préventive dans un département qui s’est doté d’un service archéologique dès la fin des années 1970. Plusieurs fouilles (Bennecourt, Limetz-Villez) soulignent aussi l’implication d’équipes universitaires dans le cadre plus général de recherches menées dans l’ensemble du bassin parisien.

Les synthèses présentées en début de volume (35 pages au total) offrent, comme il est de coutume dans les Cartes Archéologiques de la Gaule, un panorama des connaissances dont on dispose pour chaque période chronologique. Elles sont introduites par une brève présentation du milieu naturel qui, si elle insiste bien sur les ressources disponibles (argile, pierre de construction, gypse), ne souligne peut-être pas assez l’importance de l’évolution du paysage, notamment de la Seine (p. 45-47). L’agglomération de Meulan/Les Mureaux présentée dans les notices permet pourtant aux auteurs de mettre en avant la place du fleuve comme grand axe de transport (fouille d’aménagements portuaires), tout en rappelant la nécessité de développer des recherches sur l’occupation des milieux fluviaux (question de l’évolution du cours du fleuve, de l’implantation en milieu humide, des inondations). Précédées par un bref historique des recherches, les synthèses chronologiques sont chacune illustrées par de très utiles cartes de répartition qui rendent compte de fortes inégalités dans la documentation. Les pages consacrées à la fin de l’âge du Bronze et à l’âge du Fer témoignent par exemple d’un déficit des connaissances pour la période qui précède La Tène finale (p. 57-60). La lecture des inventaires par commune montre en revanche la richesse des découvertes de la fin de l’âge du Fer. Les nombreux sites connus par la prospection, les découvertes monétaires et plusieurs fouilles attestent un milieu déjà densément occupé, à l’image de ce qu’on connaît dans l’ensemble de la Gaule du Nord à cette période. Le sanctuaire de Bennecourt est pour cette période l’un des sites les mieux documentés. Situé sur une hauteur et occupé depuis La Tène D1 jusqu’à la fin du IVe s., ce site permet de restituer la transition progressive, à travers le bâti et le mobilier (faune, mobilier métallique, fibule), vers un sanctuaire gallo-romain (péribole, fanum, chapelles ?). L’habitat est pour sa part assez mal renseigné ; les rares oppida mentionnés dans le texte sont attestés mais mal documentés (Port-Villez). Trois habitats groupés de la fin de l’âge du Fer, qui deviennent chacun une agglomération à partir du Ier s. ap. J.-C., nous éclairent en revanche sur les modalités de l’occupation à cette période et sur la transition avec la période romaine : Le Tremblay-sur-Mauldre, Arnouville-lès-Mantes et surtout Meulan, en bordure de Seine.

L’époque romaine fait l’objet de la synthèse la plus conséquente. Elle reflète le grand nombre de découvertes et surtout l’excellente connaissance qu’on a de cette période grâce aux prospections et aux nombreuses fouilles réalisées dans le département (p. 61-72). La synthèse décline de nombreux aspects chronologiques (évolutions de la fin de l’Antiquité) et thématiques (les agglomérations, les campagnes, les sanctuaires, les productions) en s’appuyant sur une documentation très riche. Il faut en particulier noter le grand nombre de sites connus par la prospection aérienne, qui souvent ont également fait l’objet de prospections pédestres. Les illustrations comptent soixante-deux photographies aériennes en couleur, partagées entre enclos de datation souvent incertaine (âge du Fer, époque médiévale) et une trentaine de sites gallo-romains dont le plan peut être en grande partie restitué. On retient en particulier les grandes villae d’Arnouville-lès-Mantes, de Beynes et Herbeville, mais surtout le site de Saint-Martin-de-Bréthencourt (une villa ?), qui se distingue par ses dimensions (près de 7 hectares), l’organisation des édifices et le luxe qui y a été déployé (marbre, porphyre, mosaïques). D’autres sites sont connus par la photographie aérienne, notamment l’agglomération de Jouars/Le Tremblay-sur-Mauldre.

La synthèse sur le peuplement s’appuie largement sur ces données pour dresser une typologie des établissements et analyser leur répartition, depuis l’époque augustéenne jusqu’à la fin de l’Antiquité (p. 66-68). Cette approche est également fondée sur plusieurs fouilles remarquables, puisque douze plans d’établissements ruraux fouillés viennent s’ajouter à ceux connus par la prospection aérienne. Les villae font l’objet d’une attention particulière, la documentation permettant de dégager plusieurs grands types de plan, mais également de restituer le rythme de leur apparition et leur place dans l’occupation du territoire. Parmi les établissements qui se distinguent, on retiendra bien entendu celui de La Pièce du Fient à Richebourg, qui a déjà fait l’objet de nombreuses publications. La fouille de cette grande villa révèle l’apparition d’un habitat aristocratique immédiatement postérieur à l’époque césarienne, et son évolution jusqu’à son abandon à la fin du IIIe s. Le site est également connu pour l’intérêt qui a été accordé aux aménagements paysagers, notamment les jardins d’agrément. La présence dans un rayon de deux kilomètres d’une importante villa et d’un autre établissement connus par les photographies aériennes (Le Moulin de Renonville et Le Panu) conforte l’image d’une région très riche et densément exploitée que dégage l’ensemble de l’inventaire. Sans les décrire, il faut également citer d’autres sites ruraux fouillés dans le département, qui apportent un éclairage très complet sur les modalités de l’occupation des campagnes de cette région de Gaule : Épône et La Boissière-École (ateliers de potiers), Limetz-Villez et les Mesnuls (villa fameuse pour sa fresque des quatre saisons, présentée en couverture de l’ouvrage), des établissements plus modestes comme à Saint-Léger-en-Yvelines, mais également des sanctuaires dont les plus remarquables sont Bennecourt et surtout Septeuil. Situé dans une agglomération mal connue sur les deux rives d’une rivière, ce nymphée appartient sans doute à un complexe dont on connaît de nombreux équivalents dans les agglomérations de Gaule, qui comprend un temple et peut-être un théâtre. Le sanctuaire de source, dont la vocation est attestée par les aménagements (bassin en particulier) et une statue de nymphe, a été réaménagé au IVe s. comme mithraeum.

La synthèse consacrée aux agglomérations fait le constat d’une documentation très inégale, dans un département aux confins de plusieurs cités (Carnutes, Parisii, Véliocasses et Aulerques) qui ne compte aucun chef-lieu (p. 61-63). Parmi la douzaine de sites retenus par les auteurs, plusieurs sont attestées uniquement par les découvertes fortuites et les prospections au sol, voire quelques fouilles préventives qui permettent au mieux d’estimer l’étendue de l’agglomération et de définir une chronologie d’occupation globale. On retiendra ici trois exemples, Arnouville-lès-Mantes, Jouars et Meulan/Les Mureaux. La première, si elle n’est pas la mieux documentée, souligne l’importance des prospections au sol pour caractériser des sites de nature incertaine. La notice présente en effet une analyse fondée sur les photographies aériennes, mais surtout sur la cartographie de l’extension des vestiges au sol par période, depuis La Tène C/D jusqu’au haut Moyen Âge (p. 93). On regrettera seulement, dans cette approche très utile du point de vue de la méthode, l’absence de légende sur les cartes de répartition du mobilier. À l’opposé, l’agglomération la mieux documentée est sans doute celle de Jouars-Ponchartrain/Le Tremblay-sur-Mauldre, la seule attestée par un itinéraire antique (Diodurum de l’Itinéraire Antonin). Connu par les prospections aériennes et des fouilles préventives, ce vicus attesté par une inscription (un pilier votif mentionnant les vicani) possède les caractéristiques de nombreuses petites villes de Gaule : réseau de rues, espaces publics et habitat qui se développent à partir de l’époque augustéenne à l’emplacement d’une occupation de la fin de l’âge du Fer (p. 349). L’agglomération est la seule du département pour laquelle on dispose à la fois d’un plan très complet et de données stratigraphiques permettant de restituer l’histoire de son développement. Également très bien documentée par les fouilles préventives, l’agglomération de Meulan/Les Mureaux fait l’objet de deux notices distinctes, suivant en cela le découpage par communes des Cartes Archéologiques de la Gaule. L’ensemble fait l’objet d’une longue synthèse présentée dans la notice consacrée aux Mureaux (p. 253-270). Occupée dès la fin de l’âge du Fer, la rive gauche de la Seine se dote d’installations portuaires à l’époque romaine, autour desquelles se développe une agglomération. Le site, qui s’étend également sur une île entre la Seine et l’un de ses bras, pose la question des évolutions du cours de la Seine, de l’inondabilité du site et des adaptations du bâti à la proximité du fleuve. Ces interrogations, en partie éclairées par les découvertes, sont exposées par les auteurs, même s’il est parfois difficile de mettre en parallèle la description des vestiges avec les illustrations, les cartes en particulier. Cette réserve mise à part, on ne peut que souligner le travail de synthèse remarquable qui ouvre sur des questionnements plus généraux sur l’occupation des rives de la Seine.

Les synthèses se terminent par sept pages consacrées au haut Moyen Âge, une époque qui apparaît souvent sous-documentée dans les Cartes Archéologiques de la Gaule, mais qui est ici connue par plusieurs découvertes majeures. Il s’agit principalement de grandes nécropoles, comme à Andrésy, Épône, Gaillon-sur-Montcient, Maule et surtout Vicq (environ 5000 inhumations), mais également de quelques fonds de cabanes et d’indices plus ténus (mobilier, structures sur poteaux), souvent à l’emplacement de sites antiques. L’ouvrage rappelle clairement les limites et la difficulté de l’enquête archéologique pour cette période, mais présente un tableau complet fondé sur les sources archéologiques et écrites, qui met particulièrement bien en lumière l’organisation du territoire à partir de la fin de l’Antiquité (p. 73-79).

Dans son ensemble, l’ouvrage présente d’abord toutes les qualités qui caractérisent les derniers volumes de la série : présentation soignée, abondance et grande qualité des illustrations (plus de 600 figures dont un grand nombre en couleur), et bien entendu qualité des notices qui, pour certaines, laissent la place à des développements sur des sites qui n’ont pas toujours fait l’objet de publication. Plus que de simples introductions, les synthèses chronologiques développent de réelles problématiques sur l’évolution de l’occupation de cette région en prenant appui sur l’ensemble de la documentation. Les auteurs livrent à la fois un outil de travail précieux, synthétique et complet, qui est également un ouvrage de recherche qui exploite au mieux les sites décrits dans l’inventaire.