Guerra, Andrea - Morresi, Manuela - Schofield, Richard (sous la direction): I Lombardo.
Architettura e scultura a Venezia tra '400 e '500, pp. 304, 181 fig. b/n. Euro 26,00.
ISBN 88-317-9107
(Marsilio Editori : Venezia 2006)

 
Recensione di Eva Renzulli, Venice International University
 
Numero di parole: 1909 parole
Pubblicato on line il 2007-10-23
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=115
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Cet ouvrage, comme le soulignent ses trois directeurs d’édition – Andrea Guerra, Manuela Morresi et Richard Schofield – dans la préface, est le résultat d’un colloque qui s’est déroulé en 2002 à Venise et dont l’ambition était de réunir des chercheurs de différentes nationalités, écoles et spécialisations autour d’un même thème : l’œuvre multiforme de la famille des Lombardo, dont les membres ont été tour à tour architectes, sculpteurs, entrepreneurs, mais aussi fournisseurs de marbres ou encore spécialistes d’antiquités.

Les 13 essais qui constituent le livre se concentrent ainsi sur les différents membres de la famille : le père Pietro (c.1435-1515) d’abord, puis ses fils Tullio (c.1455-1532) et, dans une moindre mesure, Antonio (1458-1516). Pour chacun des personnages, une ou plusieurs facettes sont privilégiées : sa formation, son œuvre – savamment analysée dans les plus minutieux détails stylistiques et iconographiques –, ses connexions avec les milieux culturels et artistiques de Venise et de Padoue (les éditeurs de Venise comme le Français Nicolaus Jenson, Aldus Manutius, Johannes Herbort de Selingenstadt, les illustrateurs et miniaturistes tels que le célèbre « maestro dei Putti », le joaillier Domenico di Piero, les autres sculpteurs comme Pomponio Gaurico, auteur du De Scultura) ou encore ses relations avec les commanditaires (Bernardo Bembo, Pietro Valeriano, la puissante famille patricienne des Grimani).

Après ce qui peut aujourd’hui s’apparenter à une lacune de la part de Vasari, qui cite le seul Tullio dans ses Vies, plusieurs historiens des XVIIIe et XIXe siècles ont tenté de mettre en lumière le rôle joué par la famille Lombardo, en particulier Pietro Paoletti dans son précieux L’architettura e la scultura del Rinascimento a Venezia (1893-1897). Cependant, ayant plutôt concentré ses efforts sur les œuvres elles-mêmes, il ne s’attarde pas sur les différentes personnalités de « la bottega ». Ce sont finalement des historiens allemands, anglais, américains, français et italiens qui, ces dernières décennies, ont commencé à démêler et éclairer les apports de chacun, comme récemment dans le livre sur Santa Maria dei Miracoli publié sous la direction de W. Wolters et M. Piana (2003). C’est dans cet esprit que s’inscrit le présent ouvrage.

L’essai de Cristiano Tessari nous introduit à la culture visuelle et architecturale des Lombardo, en nous montrant à travers l’analyse de plusieurs exemples – tels que plusieurs tombeaux des Doges réalisés par les Lombardo dans l’église de SS. Giovanni e Paolo – comment, à côté des sources classiques, ils ont réussi à s’approprier l’héritage médiéval, retenant ses solutions formelles tout en les réinterprétant selon le nouveau langage en gestation à la fin du XVe siècle en Italie.

Alison Luchs décrit les relations étroites que les Lombardo entretenaient avec les réseaux artistiques vénitiens, notamment avec le milieu des éditeurs et miniaturistes de livres. Elle présente ainsi quelques exemples de miniatures dont les reliefs sculpturaux à l’intérieur de Santa Maria dei Miracoli sont inspirés et explicite les liens entre les sculptures de Tullio et les xylographies de Hypnerotomachia Poliphili, suggérant une relation d’inspiration mutuelle avec l’auteur hypothétique de cette œuvre, le moine dominicain Francesco Colonna.

En analysant le tombeau du doge Francesco Foscari dans l’église vénitienne de Santa Maria dei Frari, ainsi que le tombeau du condottiere Vittore Cappello à Sant’Elena, le premier des deux essais de Richard Schofield nous propose une étude philologique méticuleuse des détails permettant d’identifier différentes contributions et conduisant à rejeter l’hypothèse selon laquelle un seul et même artiste aurait réalisé les deux œuvres, à savoir Nicolo’ di Giovanni Fiorentino. Afin de déterminer l’identité d’un certain « Antonio Dentone » (« Antoine à la grosse dent ») qui aurait participé selon une source (Francesco Sansovino, 1581) à la réalisation de l’un des deux tombeaux, Richard Schofield imagine – hypothèse quelque peu rocambolesque mais non moins amusante – que ce « Dentone » se réfère en réalité… à l’arrière-grand-père de Giovanni Rubino da Padova, mieux connu et surnommé, précisément, « Dentone ».

L’analyse précise des détails de la composition de la façade de la Scuola di San Marco commencée par Pietro Lombardo et la relecture attentive des documents concernant l’incendie ayant détruit l’ancienne Scuola constituent le point de départ du second essai de Richard Schofield. Il y développe de façon très documentée l’hypothèse selon laquelle certains des éléments de la façade, ainsi que les incohérences qu’elle recèle, restées largement inexpliquées jusqu’à présent, ne sont finalement que le résultat d’une ingénieuse réutilisation des matériaux lapidaires du bâtiment précédent. Pour ce faire, l’auteur s’en remet à une série de thèmes plus vastes, comme la réutilisation des colonnes monolithiques antiques dans le monde moderne et plus spécifiquement à Venise ou encore la connaissance par les Lombardo des monuments anciens situés entre Vérone et l’Istrie et de l’œuvre de Bramante à San Satiro (qui lui paraît toutefois invraisemblable). Son analyse le conduit à espérer que les résultats de la restauration en cours puissent aider à résoudre les incohérences laissées sans solution plausible ou, à tout le moins, qu’elles puissent susciter un débat productif.

Les deux hauts-reliefs illustrant deux épisodes de la vie de Saint Marc, s’inscrivant dans le schéma architectural complexe de la façade analysée par Richard Schofield, sont étudiés par Laura Corti, qui nous montre en particulier comment, au lieu de se représenter eux-mêmes agenouillés devant le Saint, les membres de la Scuola choisissent à travers Saint Marc une façon alternative de célébrer leur œuvre caritative. Elle nous livre également de façon très détaillée les raffinements de leur code formel et iconographique, identifiant les traits hérités de la sculpture romaine ou de la peinture et de la miniature médiévales.

L’essai de Debra Pincus se concentre pour sa part sur l’iconographie du tombeau de Dante à Ravenne – où le poète est représenté en bas-relief en pleine lecture et entouré de nombreux livres, et non gisant – et sur ses inscriptions originales – par la suite plusieurs fois déplacées et restaurées – qui se caractérisent par l’apposition de la signature de Pietro Lombardo. Ces réalisations répondaient à la commande de Bernardo Bembo, podestat et capitaine de la ville de Ravenne dans les années 1480, sous la domination vénitienne.

Sarah Blake McHam a déjà consacré un livre à la sculpture de l’église de Saint Antoine à Padoue (1994), dans lequel elle analysait les liens entre la chapelle de Saint Antoine à l’intérieur de l’église et, plus globalement, la sculpture de la Renaissance en Italie. Elle approfondit ici les relations entre les œuvres des Lombardo et l’ouvrage fondamental de Pomponio Gaurico, De Scultura. A l’appui des pages de ce traité, écrit au moment même où les Lombardo travaillaient à la chapelle de Saint Antoine, puis complété en 1503, Sarah Blake McHam identifie les correspondances entre éléments littéraires et éléments sculpturaux et montre, d’une part, comment les innovations présentes dans les reliefs résonnent avec le texte et, d’autre part, comment à son tour le texte s’inspire et cite en exemple les sculptures.

Dans son essai sur la cathédrale de Belluno, Andrea Guerra, au-delà de sa reconstitution précise et très étayée de l’histoire du chantier et des relations avec le commanditaire Pietro Valeriano, met en lumière une série d’œuvres qui ont pu former la culture visuelle de Tullio, puis l’inspirer. Il cite notamment les reliefs de Donatello dans l’église de Saint Antoine à Padoue et les églises de Leon Battista Alberti à Mantoue, mais aussi la peinture de Vittore Carpaccio et les différentes représentations de la culture de la cour des Montefeltro à Urbino, en particulier celle de Francesco di Giorgio, qu’il aurait d’ailleurs pu connaître à travers le code Zichy (aujourd’hui à Budapest), ou encore les dernières idées de Raphaël pour l’église de Saint Pierre à Rome, bien connues de Pietro Valeriano.

A cet essai d’Andrea Guerra, on peut associer les essais de Charles Hope et de Manuela Morresi. Charles Hope tente pour sa part de démêler les enchevêtrements complexes de l’histoire du palais ducal. En relisant une requête de paiement de Tullio et Antonio datant de 1505, déjà connue, et en la croisant avec sa connaissance précise des fonctions politiques attachées à chacune des différentes salles du palais, il parvient à démontrer de façon très crédible la présence de deux cheminées à l’étage des salles officielles (sale del collegio et dell’anticollegio), avant qu’elles ne disparaissent dans l’incendie de 1574. Il fait ainsi tomber l’hypothèse jusqu’ici retenue selon laquelle le document se réfère aux cheminées de l’appartement privé du doge. Ces dernières restent l’œuvre des Lombardo, mais les emblèmes du doge Agostino Barbarigo (mort en 1501) qu’elles portent suggèrent une datation antérieure.

Manuela Morresi, dans le sillage des études de Manfredo Tafuri dans Venezia e il Rinascimento, se demande : « De quelle façon la novitas s’insinue-t-elle à Venise ? Quelles concessions accorde-t-elle à la tradition ? ». Elle répond à ces questions en essayant de préciser ce qui caractérise l’architecture de Tullio – une tâche qui s’avère particulièrement complexe, la plupart des œuvres de Tullio ayant été commencée par d’autres architectes. Elle parvient cependant à nous présenter à travers plusieurs exemples la capacité de Tullio à maîtriser deux langages en même temps : le latin de l’architecture classique et le dialecte de la tradition vénéto-byzantine. Mais c’est à travers deux œuvres particulières, la chapelle Zen de Saint Marc et la façade de l’église de Sant Antonio di Castello, qu’elle identifie plus précisément la maturité architecturale de Tullio. Cette dernière œuvre, réalisée par Tullio avant sa mort en 1532, est au cœur de son essai. L’analyse de Manuela Morresi la conduit à considérer le jeune Lombardo comme un précurseur de Jacopo Sansovino, l’architecte qui instaura le vrai langage « à l’antique » à Venise dans les années 1530 ; c’est en effet dans cette façade que Tullio introduit pour la première fois à l’échelle architecturale l’ordre double des arches triomphales romaines.

Figurent par ailleurs trois essais plus techniques, l’un de Camillo Trevisan concernant le dessin et le relief précis de la façade de la Scuola di San Marco, l’autre de Lorenzo Lazzarini présentant une classification des différents marbres utilisés alors par les artistes, et le troisième de Silvia Foschi proposant une véritable base de données regroupant l’ensemble des documents d’archives connus sur les Lombardo.

Cet ouvrage constitue une contribution centrale à la définition de l’œuvre et des personnalités multiples de cette famille d’architectes-sculpteurs, ainsi que de sa place dans le contexte vénitien et, plus largement, italien de l’époque, et permet de jeter les bases de la recherche future dans ce domaine.

Sommaire

p.VII- Préface.

p.3 - Richard SCHOFIELD, Architettura e scultura veneziana nel secondo Quattrocento : due problemi aperti e un fantasma.

p.35 - Cristiano TESSARI, Radici medioevali della maniera all'antica : l'architettura dei Lombardo a Venezia.

p.59 - Manuela M. MORRESI, Una trionfale "porta da mar" per l'ingresso dell'Antico in Laguna : la facciata di Sant Antonio di Castello a Venezia, opera "ultima" di Tullio Lombardo.

p.85 - Andrea GUERRA, Architettura della sintesi : Tullio Lombardo, Piero Valeriano e la cattedrale di Belluno.

p.121 – Debra PINCUS, La Tomba di Dante a Ravenna.

p.137 - Alison LUCHS, Lo scalpello e la pagina. I Lombardo e l'illustrazione del libro a Venezia.

p.161 - Richard SCHOFIELD, La facciata della Scuola Grande di San Marco : osservazioni preliminari.

p.195 - Laura CORTI, I Lombardo e un episodio di iconografia marciana.

p.217 - Camillo TREVISAN, I rilievi prospettici di Sant'Aniano nella facciata della Scuola grande di San Marco a Venezia. Studio prospettico e proporzionale.

p.225 - Sarah BLAKE McHAM, La bottega dei Lombardo alla cappella di Sant'Antonio e la teoria di Pomponio Gaurico.

p.241 - Charles HOPE, I Lombardo a Palazzo Ducale.

p.255 - Lorenzo LAZZARINI, Primo studio sulle pietre e i marmi dei Lombardo a Venezia.

p.265 - Silvia FOSCHI, www.anagrafe delle maestranze in Venezia. Un archivio in rete di notizie provenienti da documenti d'archivio provenienti da documenti d'archivio e da pubblicazioni.

p.285 - Index des noms et des lieux.