| Héricher, Laurent - Langlois, Michael - Villeneuve, Estelle (dir.): Qumrân. Le secret des manuscrits de la mer Morte, 26,5 x 22,5 cm, à l’italienne broché avec rabats, 176 pages, 177 illustrations, ISBN 978-2-7177-2452-3, 29 € (Bibliothèque nationale de France, Paris 2010)
| Compte rendu par Amélie Le Bihan Nombre de mots : 1153 mots Publié en ligne le 2011-02-28 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1164
Ce magnifique
catalogue de 172 pages a été édité à l’occasion de l’exposition Qumrân : Le secret des manuscrits de la
mer Morte présentée à la
Bibliothèque nationale de France à Paris, sur le site François Mitterrand du 13 avril au
11 juillet 2010. Cette exposition a connu un énorme succès : 30 000
visiteurs, presse unanime sur la qualité de l’exposition, succès en librairie
du catalogue d’exposition. Sous la direction de Laurent Héricher, Michaël
Langlois et Estelle Villeneuve, une équipe internationale d’auteurs réunissant
les meilleurs spécialistes, biblistes, archéologues et historiens du livre, expose
dans cet ouvrage le bilan de soixante années de recherches et permet
d’illustrer l’intérêt et la richesse de l’exposition présentée par la BnF.
Les manuscrits de la
mer Morte font partie des découvertes archéologiques retentissantes qui ont
révolutionné notre approche du passé. Ils ont bouleversé et bouleversent encore
les idées reçues sur l’origine de la Bible. La BnF réalise une grande première en leur
consacrant une exposition. En effet, quelques expositions ont certes eu lieu
ces deux dernières années à San Diego, Houston, Toronto et Milwaukee et
quelques fragments avaient été exposés à Paris lors de l’exposition « Livres
de Parole : Torah, Bible, Coran » en 2005 mais c’est la première fois
qu’une exposition est consacrée dans son intégralité à ces manuscrits en Europe.
Il s’agissait d’une occasion unique pour la BnF de faire découvrir au public les 377
fragments de manuscrits dont elle avait fait l’acquisition en 1953 et de faire
un bilan sur ce que ces manuscrits ont apporté à l’étude du judaïsme et du
début du christianisme.
Des dizaines de
milliers de fragments provenant de quelque 900 manuscrits différents ont été extraits
de 11 grottes sur le site de Qumrân. En raison du nombre élevé de documents,
certains chercheurs ont pensé que ces manuscrits constituaient une
« bibliothèque ». Pour expliquer cette « bibliothèque », la BnF a puisé dans ses
collections très diversifiées : cartes, photographies, monnaies et
antiques qui reconstituent l’histoire de la Judée tandis que les manuscrits les plus précieux
témoignent de la longue élaboration et de la fixation du texte biblique. Elle a
aussi bénéficié de prêts exceptionnels. Plus de 130 pièces étaient présentées,
pour la plupart issues des collections de la BnF, mais également un fragment majeur du Rouleau
du Temple montré pour la première fois en France, conservé au Musée d’Israël,
des objets archéologiques provenant des fouilles de Qumrân conservés au Louvre
et au musée de la Bible
et de la Terre Sainte
à Paris. Les objets de l’exposition sont répertoriés dans les annexes du
catalogue (p. 158-163).
L’ouvrage est divisé
en cinq grandes thématiques : Le mythe antique de la mer Morte (p. 16-21) ;
La découverte (p. 23-39) ; la « bibliothèque » de Qumrân (p. 41-81) ;
Déchiffrer les manuscrits de la mer Morte (p. 83-113) ; Au temps de la Judée antique (p. 115-127) ;
Les habitants de Qumrân (p. 129-151). Ces différentes thématiques
permettent d’aborder tous les aspects liés aux manuscrits de la mer Morte.
Le catalogue fait ainsi le point sur les
connaissances acquises sur les rouleaux, leur histoire, les légendes qui ont
circulé à leur sujet. On peut en effet souligner le caractère complet de
l’ouvrage qui veut traiter tous les aspects : leur découverte, le contexte
de création des manuscrits, leur contenu, leur signification etc.
Après une rapide
présentation du mythe de la mer Morte (p. 16-21), les auteurs
s’intéressent à l’histoire mouvementée des circonstances de la découverte,
la concurrence entre Bédouins et archéologues (p. 31-37), les péripéties
de la traduction et de la publication des textes (p. 82-93)... Le tout
replacé dans le contexte très particulier de la naissance de l’État d’Israël et du conflit armé qui a
suivi (p. 38-39).
Une partie importante
de l’ouvrage est consacrée aux manuscrits, à leur classification et à leur
contenu (p. 41-81). Ils sont presque tous en hébreu ou en araméen,
rarement en grec. Parmi ces manuscrits, on trouve des textes bibliques (p.
51-64), des textes apocryphes (p. 65-72) et des écrits
communautaires (p. 73-77) provenant d’un groupe religieux. Ces écrits
communautaires délivrent le message spirituel d’une ou de communautés dont
l’identité divise encore le monde scientifique (p. 129-139). Ils reflètent
le bouillonnement intellectuel et spirituel de la société judéenne, juste avant
la destruction du Temple par les Romains en 70 de notre ère. Ils témoignent
aussi de la longue et complexe élaboration et fixation du texte biblique.
Dans ce catalogue,
les auteurs se questionnent sur ce que l’on sait et que l’on ne sait pas :
les manuscrits ont-ils effectivement été rédigés par une secte juive, les
Esséniens, comme on l’a longtemps prétendu (p. 129-139) ? On peut
découvrir également des éléments sur des polémiques qui ont encore parfois
cours : pourquoi a-t-on mis autant de temps à divulguer le contenu des
rouleaux (p. 153) ? Ceux-ci dévoilent-ils des contenus censés
remettre en cause certains dogmes religieux (comme des épisodes inconnus de la
vie de Jésus, de Jean-Baptiste...) ? Ainsi, les auteurs mettent clairement
en évidence l’intérêt de l’étude de ces manuscrits qui en font une des
découvertes les plus importantes du XXe siècle.
Ce livre comporte une
riche documentation avec de nombreuses figures de très bonne qualité. Une
grande partie de ces illustrations proviennent de la photothèque et des
archives de l’EBAF (École biblique et archéologique de Jérusalem) :
photographies, plans, notes, relevés de fouilles. L’EBAF et ses archives ont
joué un rôle primordial dans la diffusion des connaissances sur les manuscrits
de la mer Morte et leur utilisation dans le cadre de l’exposition, puis du catalogue d’exposition permet de comprendre et
d’illustrer le contexte de découverte des manuscrits et de leur étude. Ces
illustrations sont complétées par des annexes : la liste des pièces
présentées lors de l’exposition à la
BnF, un index général (noms propres, lieux, noms communs), un
glossaire et une bibliographie sélective.
En conclusion, ce
catalogue présente de nombreux intérêts. Il s’agit en effet d’une synthèse complète
sur l’histoire des manuscrits, de leur découverte et de leur contenu mais aussi
leur remise en contexte dans la
Judée antique (p. 115-127 et p. 141-151) : époque,
culture, vie quotidienne. Il a aussi l’intérêt de confronter « différentes
thèses et interprétations » sur ces manuscrits et la communauté les ayant
produits. Il fait ainsi le bilan de plus de 60 ans de recherches sur ces
manuscrits de la mer Morte et permet encore de renouveler notre connaissance des
habitants juifs de Qumrân, de la naissance de la Bible, du judaïsme ancien et
des premiers temps du christianisme. Ce livre est indispensable à toute
personne s’intéressant à ces questions.
TABLE
DES MATIÈRES
Préface, p. 7
Introduction à l’histoire de Qumrân, p. 11
Le
mythe antique de la mer Morte
Qumrân/ Gomorrhe, p. 16
Lieu aride et maudit ou terre
d’espérance ?, p. 18
Les sources de l’Antiquité et du Moyen
Âge, p. 20
La
découverte
Le Proche-Orient, terre promise des
archéologues, p. 24
La saga de la découverte, p. 31
Les fouilles postérieures à 1949, p. 35
La
« bibliothèque » de Qumrân
Soixante ans de travaux et d’études, p. 43
Que sait-on des origines de la Bible avant Qumrân ?, p. 48
Identifier et classer les manuscrits de
Qumrân, p. 48
Les manuscrits bibliques, p. 51
Au-delà de la Bible : les manuscrits
apocryphes de Qumrân, p. 65
Les « écrits communautaires »,
p. 73
À propos du Rouleau du Temple, p. 78
Déchiffrer
les manuscrits de la mer Morte
Quelles langues parlait-on à
Qumrân ?, p. 84
Scribes, écoles de scribes, p. 87
Le témoignage des épigraphistes, p. 88
L’épigraphiste à l’œuvre aujourd’hui, p. 92
Les fragments conservés par la Bibliothèque
nationale de France, p. 95
Au
temps de la Judée
antique
D’une révolte à l’autre, p. 117
Les
habitants de Qumrân
Les Esséniens, entre mythe et réalité, p. 130
Esséniens et interprétations, p. 135
L’archéologie de Khirbet Qumrân, p. 141
Conclusion : nouvelles perspectives,
p. 152
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