Bastl, Beatrix – Gassner, Verena – Muss, Ulrike (Hrsg.): Zeitreisen. Syrien – Palmyra – Rom. Festschrift für Andreas Schmidt-Colinet zum 65. Geburtstag, 234 S., zahlr. Farb- und S/W-Abb., 29,7 x 21 cm; ISBN 978-3-85161-038-3, 65 €
(Phoibos Verlag, Wien 2010)
 
Recensione di Jean-Baptiste Yon, CNRS
 
Numero di parole: 1910 parole
Pubblicato on line il 2011-05-28
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
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          Andreas Schmidt-Colinet, dont ce volume honore le 65e anniversaire, est bien connu des spécialistes du Proche-Orient romain, surtout pour ses travaux à Palmyre, site sur lequel il fouille depuis le début des années 1980. Il avait auparavant travaillé à Apamée de Syrie, ainsi que sur les tombeaux nabatéens de Pétra et Hégra. Cette carrière archéologique lui a permis de s’intéresser à l’impact de Rome sur les traditions locales du monde sémitique proche-oriental, particulièrement à travers les monuments funéraires et les tissus découverts dans ces tombes en assez grand nombre à Palmyre. Depuis les années 2000, il menait un projet nouveau sur cette même cité, en essayant d’identifier les restes d’un établissement hellénistique, situé au sud du rempart – qui est lui d’époque dioclétienne, mais dont les vestiges donnent une image trompeuse de la ville antique qui le précédait.

 

          Ces mélanges offerts par des collègues et des amis sont une occasion de revenir sur ces intérêts divers et la plus grande partie du volume concerne donc Palmyre, principalement du point de vue archéologique, soit par la publication de documents nouveaux ou réinterprétés, soit par un retour sur certains des traits caractéristiques de la civilisation de l’oasis. Un dernier tiers regroupe des études plus diverses sur l’histoire de l’art, soit de l’Orient romain, soit d’Occident, jusqu’à la réception de l’Antiquité dans la Vienne du Jugendstil. Les articles, surtout en allemand, mais également en anglais, français et italien, sont classés dans l’ordre alphabétique des auteurs et commencent par ce qui est un des points forts du volume, la publication de documents nouveaux ou réinterprétés. On ajoutera que tous les articles sont abondamment illustrés.

 

          Waleed al-As‘ad, directeur des Antiquités pour Palmyre et sa région, présente ainsi les fragments d’une plaque de terre cuite représentant les trois Grâces et illustre son article par des exemples nombreux et variés, de l’Antiquité à la Renaissance (p. 15-21). On regrettera qu’une relecture hâtive ait laissé quelques fautes de frappes malencontreuses dans cet article.

 

          Deux reliefs funéraires palmyréniens pratiquement inédits du Musée des Antiques de Toulouse sont publiés par Jean-Charles Balty. Ce buste féminin et ce prêtre au banquet, tous deux anépigraphes, s’ils ne sont pas exceptionnels, viennent donc enrichir le corpus de la sculpture palmyrénienne (p. 23-28).

 

          Une petite partie des contributions traite du monde moderne et contemporain, comme celle de l’architecte Anton Bammer, bien connu pour ses travaux à Éphèse, qui présente ici trois synagogues de Turquie du sud-est, dans une région qui dépendait d’Alep à l’époque ottomane. Si la synagogue d’Antioche (Antakya actuelle) est encore en activité, celles de Gaziantep et de Kilis sont aujourd’hui à l’état de ruines. Ces trois bâtiments de plan semblable, avec une place importante accordée à l’école (Beith Midrasch), datent de la fin du XIXe siècle (p. 29-35).

 

          Plus moderne encore est le sujet de l’article de Beatrix Bastl à propos des influences antiques et orientales sur le Jugendstil dans la Vienne du début du XXe siècle. Elle met en lumière le rôle de l’architecte Neumann Tropp et des fabriques de carreaux décorés (particulièrement la société Wienerberger) reprenant des motifs proche-orientaux, comme ceux de la porte d’Ishtar à Babylone, récemment mise au jour à son époque (p. 37-49). On signalera dans le même ordre d’idée l’exposition du Musée des Beaux-Arts de Lyon (avril – juillet 2011), Le génie de l’Orient, à propos de l’impact des arts de l’islam sur la culture occidentale du XIXe siècle à nos jours.

 

          Klaus Stephan Freyberger s’intéresse au plafond de l’adyton nord du temple de Bel à Palmyre pour mener une réflexion d’ensemble sur l’utilisation dans l’architecture de la coupole comme représentation du ciel. Il s’agit de glorifier le dieu suprême, souverain du ciel, d’où l’utilisation des signes du zodiaque. Il utilise des parallèles tirés de l’architecture sacrée comme profane, et montre en particulier la présence de ce type de décor sur des tétrapyles (Laodicée, Gérasa, Afrique du nord). Il s’interroge pour finir sur la forme que pouvait prendre l’image divine de Bel dans son temple : vraisemblablement un groupe statuaire de la triade, comme le proposait déjà R. Amy dans la publication du sanctuaire parue en 1975 (p. 51-65).

 

          Michał Gawlikowski, quant à lui, s’intéresse à deux tessères déjà publiées (nos 4 et 5 du Recueil de H. Ingholt et al.), où il reconnaît, avec de bons arguments, les portraits d’Odainat et de son fils Hérodien (p. 67-72).

 

          Autre publication d’objet, cette fois de Raphanée (entre Hama et Homs en Syrie), par Markus Gschwind et Haytham Hassan, qui présentent un fragment de table de marbre (à moulure en bec de corbin). Partant de l’histoire de Raphanée dans l’Antiquité, ils décrivent l’objet en détail, allèguent des parallèles (liste p. 91-92) et en viennent à des conclusions plus générales sur le luxe domestique dans l’Antiquité tardive et l’usage de ces tables dans les banquets (p. 73-102).

 

          La redécouverte de Palmyre depuis le XVIIe siècle s’est faite par étapes, avant qu’à la fin du XIXe siècle le voyage devienne relativement aisé et surtout sans grand danger. Antonio Invernizzi attire l’attention sur un voyageur italien qui se rendit sur le site du 16 au 19 octobre 1820, le comte Carlo Vidua, et place cette visite dans le contexte des premiers témoignages occidentaux sur Palmyre (p. 103-111).

 

          Ce n’est pas sur des documents nouveaux que s’appuie Ted Kaizer pour s’interroger sur la place des communautés monothéistes à Palmyre dans l’Antiquité tardive jusqu’à la période médiévale. Dans le contexte de la fin du paganisme traditionnel à Palmyre (et de l’arrêt de l’usage de l’araméen épigraphique), il souligne que le judaïsme, dès avant l’époque de Zénobie et jusqu’au passage de Benjamin de Tudèle, est relativement bien attesté à Palmyre, sans qu’on puisse démêler l’éventuelle part polémique ou exagérée des sources (p. 113-123).

 

          Dominik Maschek étudie une tête masculine du musée de Souweida connue depuis longtemps et qui avait été auparavant attribuée aussi bien à Vespasien qu’à Philippe l’Arabe. Il l’identifie comme un portrait de l’empereur Trajan, qui aurait été fait d’après les monnaies contemporaines (je ne sais pas s’il existe des parallèles à cette pratique ailleurs dans l’Empire). Celles-ci ayant continué de circuler bien après la mort de l’empereur, le portrait peut être plus tardif, sans doute de l’époque d’Hadrien d’après le style (p. 125-139).

 

          L’article de Fritz Mithof marque un retour aux petits objets (Kleinkunst). Il s’intéresse en effet à plusieurs sigillées en relief signées L. Cosius et qui représentent le suicide de Décébale (comme le signale la légende). Il en fait remonter l’origine aux festivités de 118 en l’honneur de Trajan, auxquelles le céramiste n’a vraisemblablement pas assisté, ce qui explique le caractère schématique de la représentation, mais qui devaient avoir une certaine célébrité (p. 141-157). Comme dans l’article précédent, on a donc affaire aux effets indirects de l’impact de Rome sur son empire.

 

          On revient à Palmyre avec Georg Plattner, collaborateur d’Andreas Schmidt-Colinet, qui présente la collection des reliefs funéraires du Kunsthistorisches Museum de Vienne. Sont ainsi répertoriées quinze pièces (bustes, têtes, fragments de reliefs) parfois inscrites (publiées dans le Corpus Inscriptionum Semiticarum, à l’exception d’un fragment), dont trois têtes inédites (p. 159-184).

 

          Un autre membre de la mission d’Andreas Schmidt-Colinet, René Ployer, publie quatre pièces d’équipement militaire romain, qui appartenaient sans doute à une épée et à un baudrier. Ce matériel découvert dans la partie sud de la ville antique (ville « hellénistique ») est datable du IIIe siècle et pourrait correspondre à l’occupation qui suivit la chute de Zénobie, d’où sa présence dans une zone un peu périphérique et considérée comme non-militaire (p. 185-196). 

 

          Les fouilles dirigées par Andreas Schmidt-Colinet ont aussi livré du matériel céramique et Christiane Römer-Strehl (dont le prénom a disparu du sommaire) publie ici deux lampes, l’une importée du Ier siècle apr. J.-C., l’autre imitation locale de la fin du même siècle, représentant le dieu Pan et montrant l’adaptation à Palmyre de l’iconographie occidentale (p. 197-200).

 

          Les fouilles japonaises à Palmyre ont elles aussi concentré leurs travaux sur les tombes et une découverte à cette occasion est le sujet de l’article de Kiyohide Saito. Des métacarpes d’ovins furent mis au jour dans deux loculi de la tombe H de la nécropole sud-ouest, accompagnant le corps de deux jeunes filles. S’interrogeant sur cette découverte, Saito allègue un intéressant parallèle ethnographique en rappelant l’usage de ces os pour les métiers à tisser, encore à l’heure actuelle en Syrie (et notamment à Palmyre) (p. 201-208).

 

          Annemarie Stauffer, spécialiste des tissus, présente un nouveau projet de recherche sur les vêtements de Palmyre (dans le cadre d’un projet européen « Clothing and Identities. New Perspectives on Textiles in the Roman Empire ») qui aboutirait à une sorte de corpus des représentations figurées de vêtements. Stauffer propose ici quelques exemples de la manière dont la documentation peut permettre de comprendre le vêtement palmyrénien sous ses différentes formes, en faisant usage de la sculpture, mais aussi de la peinture et des fragments d’étoffes découverts dans les tombeaux (p. 209-218).

 

          L’ouvrage s’achève sur une contribution qui concerne les nécropoles rupestres d’Étrurie centrale (à l’est de Viterbe), dont les modèles furent utilisés jusque dans l’époque romaine. Friedhelm Prayon et Stephan Steingräber présentent plusieurs de ces monuments spectaculaires, soit tombe, soit autel (funéraire ?) monumental, en soulignant que la différence entre les deux est souvent insaisissable (p. 219-234).

 

          Malgré une certaine hétérogénéité, inévitable pour des mélanges, le volume met l’accent sur les points forts de l’activité d’Andreas Schmidt-Colinet, Palmyre bien sûr, mais aussi le rôle des objets et de la culture matérielle dans la définition de ce qui était la marque de Rome dans les provinces, avec des exemples orientaux mais aussi occidentaux.

 

Sommaire

Préface, p. 7

 

Tabula gratulatoria, p. 9

 

Schriftenverzeichnis Andreas Schmidt-Colinet, p. 11

 

The three graces. New discovery from Palmyra,

Al-Asa‘ad Waleed (in collaboration with Delplace Christiane), p. 15

 

Deux reliefs palmyréniens du Musée Saint-Raymond, Musée des Antiques de Toulouse,

Balty Jean-Charles, p. 23

 

Synagogen im südtürkisch-nordsyrischen Raum,

Bammer Anton, p. 29

 

Wiener Jugendstilvestibüle. Ein antikes Motiv und seine Folgen,

Bastl Beatrix, p. 37

 

Der Himmelsitz des Bel in Palmyra: Semantik und Symbolgehalt der hellenistisch-römischen Sakralarchitektur in der östlichen Mittelmeerwelt,

Freyberger Klaus-Stefan, p. 51

 

The royalty from Palmyra once again,

Gawlikowski Michał, p. 67

 

Zum Ausstattungsluxus spätantiker Wohnbauten in Westsyrien. Das Fragment einer Marmortischplatte mit ,profilé en bec de corbin‘ aus Raphaneae,

Gschwind Markus & Hasan Haytham, p. 73

 

La Relazione di Palmira del conte Vidua, 1820,

Invernizzi Antonio, p. 103

 

From Zenobia to Alexander the Sleepless: paganism, judaism and christianity at Late Roman Palmyra,

Kaizer Ted, p. 113

 

Die Gegenwart des Princeps am Ende der Welt. Ein traianischer Porträtkopf aus dem Museum in Suweida (Hauran) als Zeugnis kaiserzeitlicher Akkulturationsprozesse,

Maschek Dominik, p. 125

 

Decebals Freitod als inszeniertes Spektakel? Bemerkungen zu einigen Reliefsigillaten des L. Cosius aus La Graufesenque,

Mitthof Fritz, p. 141

 

Palmyrenische Reliefs im Kunsthistorischen Museum Wien,

Plattner Georg, p. 159

 

Ein Schwertgehänge der mittleren Kaiserzeit aus Palmyra,

Ployer René, p. 185

 

Der Pan auf der Lampe. Ein importiertes Lampenmotiv und seine palmyrenischen Nachahmungen,

Römer-Strehl Christiane, p. 197

 

Sheep metacarpal bones accompanying the dead at an underground tomb in Palmyra, Syria,

Saito Kiyohide, p. 201

 

Kleidung in Palmyra: Neue Fragen an alte Funde,

Stauffer Annemarie, p. 209

 

Grab und Altar. Römische Felsdenkmäler in etruskischer Tradition,

Prayon Friedhelm & Steingräber Stephan, p. 219