Radici Colace, Paola (a cura di): Dizionario delle scienze e delle tecniche di Grecia e Roma. volumi I-II, cm 17,5 x 24,7,
pp. 1356 complessive con figure in bianco/nero n.t.,
ISBN: 978-88-6227-203-2 , Euro 445.00,(rilegato) ;
ISBN: 978-88-6227-184-4, Euro 295.00 (brossura/e-book).
(Fabrizio Serra editore, Pisa · Roma 2010)
 
Compte rendu par Michel Feugère, CNRS
 
Nombre de mots : 1051 mots
Publié en ligne le 2020-12-17
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1294
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          Cet ouvrage constitué de deux importants volumes, au format in-4° propre aux dictionnaires, entend combler une lacune en regroupant dans une même entreprise les auteurs, les concepts et les realia concernant les sciences et techniques du monde classique. Pas moins de cinquante-trois auteurs ont été sollicités pour la rédaction des quelque quatre-cents entrées couvrant les thèmes choisis pour répondre à cette vaste ambition. Il s’agit, pour les organisateurs, d’une mise à plat des savoirs antiques qui forment, encore aujourd’hui, les « racines de la culture européenne ». Trois essais, placés à la fin du volume 2 mais qui auraient pu tout aussi bien en former l’avant-propos, éclairent le projet des éditeurs : « Aux origines de l’idée occidentale de science et de technique » (L. Rossetti) ; « Métaphore de la science et de la technique : contribution à la langue et à l’imaginaire » (P. Radici Colace) ; « Fortune et évaluation de la science et de la technique anciennes dans la pensée médiévale, moderne et contemporaine »  (V. Tavernese). Ces essais sont précédés d’une bibliographie de taille respectable (p. 1039-1185), d’un glossaire détaillé, bien utile (p. 1187-1274) et de brèves notices qui permettent d’apprécier le recrutement des auteurs : spécialistes de la littérature, linguistes, philologues, historiens, historiens des sciences, à l’exclusion, sauf erreur, de tout archéologue.

 

         Compte tenu de l’ampleur du projet, il n’est évidemment pas question ici d’entrer dans le détail des contributions ; je me bornerai à tenter de rendre compte du projet que constitue ce dictionnaire et de la manière dont les choix éditoriaux ont contribué, plus ou moins efficacement, selon moi, à concrétiser sa réalisation.

 

         Les entrées du dictionnaire, comme l’indique le titre, couvrent un champ immense et sont de nature relativement variée. On y trouve en effet, en grand nombre, des disciplines comme l’aquaculture, la botanique, la physique ou encore l’astrologie. Sur tous ces thèmes, les notices sont remarquablement synthétiques, à la fois brèves et générales, tout en essayant de couvrir les principaux aspects de la question : théorie générale et histoire des idées, principales contributions savantes de l’Antiquité, vocabulaire et sources littéraires. Même si certaines notices apparaissent d’une brièveté toute lapidaire, la somme de connaissances académiques accumulées dans ces notices est tout simplement impressionnante. Elle est surtout étayée par le dépouillement systématique de la volumineuse bibliographie, bien que certaines notices puissent, le cas échéant, se contenter de renvoyer à des ouvrages très généraux, dont elles dépendent donc entièrement.

 

         Pour les personnalités scientifiques de l’Antiquité, les notices sont, là aussi, nombreuses, synthétiques et relativement équilibrées : une demi-page pour Ctésibius, une pour Héron d’Alexandrie, deux pour Démocrite, sept pour Aristote. Cette catégorie se recoupe naturellement avec la précédente, et la notice sur Celse, sa biographie et son œuvre, comporte des points communs avec la partie de l’entrée « chirurgie » qui est consacrée à la ‘chirurgia celsiana’. Cette façon d’aborder les connaissances, soit par l’auteur soit par la synthèse épistémologique, facilite d’autant plus l’accès aux données que, dans le cas présent, par exemple, il n’existe pas d’entrée ‘ophtalmologie’. 

 

         Si les deux choix précédents ne prêtent le flanc à aucune critique, on peut se demander pourquoi, et dans quelles limites, certains aspects des realia ont trouvé leur place dans le projet. Bien sûr, il est difficile de parler de sciences et de techniques sans s’intéresser à leurs applications pratiques mais il me paraît clair qu’en ouvrant cette boîte de Pandore les auteurs sont sortis du domaine qui leur est familier pour s’aventurer en terrain largement inconnu. L’archéologie et son stock de données en accroissement quasi-permanent, les études techniques qui se multiplient depuis quelques décennies, construisent un espace de réflexion qui, il est vrai, a parfois du mal à répondre aux demandes des historiens. Il arrive que des découvertes mettent à mal ce qu’on croyait savoir d’une discipline ; parvenir à replacer ces modifications dans l’histoire communément admise, de la part d’archéologues pas toujours formés à ce processus, peut parfois prendre de longues années. De ce fait, la ‘mise à jour’ des acquis historiques suit un parcours long et délicat, qui impose à ceux qui s’y aventurent une lourde tâche, sur les plans à la fois documentaire et théorique.

 

         Prenons quelques exemples. Dans le domaine militaire, l’armement est bien traité avec de nombreuses entrées : balliste et catapultes (sujets éminemment techniques), balles de fronde mais aussi glaive, pilum et même poignard ; rien cependant sur les arcs, les casques ou les cuirasses, sans qu’on comprenne vraiment pour quelles raisons ils ont été écartés. D’autres absences, dans des domaines pourtant associés par l’historiographie aux sciences et techniques, sont plus déroutants : rien sur les meules et moulins, alors que Vitruve lui-même, par exemple, s’y est intéressé en son temps. Il en va de même pour les questions liées à la traction animale, le joug et l’attelage, l’araire et la charrue, malgré les travaux de Haudricourt, et de bien d’autres, qui ont pourtant montré l’importance fondamentale de ces techniques dans le développement des agricultures.

 

         Il est vain, bien sûr, de faire la liste de ce qu’un tel ouvrage, encyclopédique par essence, aurait pu embrasser en plus de la liste, déjà confondante d’ambition et de synthèse, qu’il présente au lecteur. Derrière les choix opérés, cependant, c’est une certaine idée de l’érudition qui se dessine, qui privilégie les concepts et les disciplines, c’est-à-dire l’approche abstraite, aux choses techniques, forcément concrètes. Or la science et la technique évoluent de pair et de très petites choses, comme la roue ou la vis, pour ne citer que deux autres absents, peuvent changer le monde une fois qu’elles sont adoptées. Certaines de ces inventions sont peu visibles, comme l’acier que l’œil ne sait pas distinguer du fer, mais leur invention fait passer une civilisation technique dans une autre dimension.

 

         Si l’extension du projet aux réalisations pratiques me semble quelque peu hasardeuse, puisqu’elle aurait dû nécessiter un dossier archéologique bien plus fourni, le succès d’une entreprise aussi ambitieuse ne me paraît nullement affecté. Ce dictionnaire est appelé à rendre de multiples services à ceux qui l’utiliseront pour ce qu’il est : offrir sous une forme remarquablement synthétique des exposés érudits et parfaitement documentés sur les personnalités, les disciplines et les concepts qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire des sciences et des techniques. Compte tenu des difficultés inhérentes un tel projet, la publication de ces deux volumes me semble exemplaire.