Balmelle, Catherine - Eristov, Hélène - Monier, Florence (ed.): Décor et architecture en Gaule entre l’Antiquité et le haut Moyen Age. Mosaïque, peinture, stuc, Aquitania Suppl.20, 780 pages, 622 ill.couleur, ISBN 2-910763-22-6, 50€
(Aquitania, Pessac 2011)
 
Recensione di Xavier Lafon, Université de Provence
 
Numero di parole: 2494 parole
Pubblicato on line il 2012-03-26
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1440
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          Ce gros volume réunit 51 communications présentées par plus de 75 auteurs. Au-delà de ces chiffres bruts, c’est bien la majorité des chercheurs concernés par l’étude des décors qui se trouve réunie dans ce volume et on  comprendra l’impossibilité pour le recenseur  de tous les citer… Les trois éditrices ont choisi une présentation en cinq parties qui rendent compte de la diversité des approches et des thématiques retenues. Comme il est d’usage aujourd’hui, ce colloque s’inscrit dans un programme de recherche interdisciplinaire ; il a été vraisemblablement préparé par des rencontres ou du moins des échanges qui ont conduit dans quelques cas au moins à des « commandes » de bilans ou de synthèses régionales ou thématiques qui cohabitent ainsi avec la présentation de découvertes récentes pouvant aller d’un document unique (mosaïque isolée) à un ensemble complet (balneum, centre monumental et, plus souvent encore, villas ou domus).   Ces découvertes renouvellent quelque peu les perspectives avec en particulier une importance accrue portée aux réalisations pré-augustéennes : la localisation du colloque à Toulouse et donc sur le territoire de ce qui fut la Narbonnaise n’est certainement pas étrangère à ce choix mais le phénomène concerne de fait toutes les Gaules.

 

          Un des objectifs essentiels de cette rencontre, qui apparaît dès le titre, était de faire se confronter des études où le décor entendu dans sa totalité (murs, sols, plafonds) permettait de mieux comprendre l’architecture. Les articulations du décor avec les éléments « naturels », à commencer par l’eau dont l’importance comme élément essentiel du décor est plusieurs fois soulignée, ont également été prises en compte. En revanche, le décor architectural, s’il n’est pas totalement absent, occupe une place finalement secondaire. On pourrait également regretter que la sculpture en ronde bosse ou en relief n’ait pas retenu l’attention : outre la difficulté technique de réunir les spécialistes de toutes les disciplines, on peut également admettre qu’il s’agit plus de mobilier que « d’immobilier », objets qu’il faut étudier pour eux-mêmes : on retrouve certainement là le clivage qui est apparu de façon symétrique dans le choix du périmètre retenu pour les premiers volumes du Nouvel Espérandieu. Si l’on prend en compte la hiérarchie des éléments qui participent ensemble à l’élaboration du décor telle que l’on peut l’établir de différentes manières, les « objets sculptés » occupaient une des premières places dans l’esprit des Anciens. Les collections de Chiragan, conservées précisément à Toulouse, auxquelles il est fait plusieurs fois allusion, notamment dans la conclusion de J.-P. Darmon et par une analyse des crustae de marbre laissées sur place, suffisent à le rappeler. 

 

          Comme le souligne l’introduction, le décor formait un ensemble cohérent, appréhendé en un seul regard et il convenait de dépasser les approches matériau par matériau, technique par technique, dans lesquelles s’était lancée la recherche française mais aussi étrangère depuis les années 1960. On mettra également au crédit des organisateurs d’avoir fait appel à des spécialistes des textes capables de montrer l’écart qui peut exister entre la réalité « archéologique » (les œuvres réellement réalisées ou conservées aux IVe – VIe siècles) et leur « traduction » littéraire. Celle-ci renvoie à une culture encore très classique de l’aristocratie, culture qui n’interdit pas pour autant une relecture chrétienne de cette panoplie d’images à l’origine tout à fait païennes. Si cette culture littéraire ne nous permet que très imparfaitement de connaître l’état et la configuration des bâtiments et des œuvres décrites par ces auteurs « tardifs », elle est absolument nécessaire pour comprendre les attentes de ces commanditaires.

 

          Une autre ambition de ce colloque était d’affronter la longue durée, du IIIe siècle avant J.-C. aux XIe s. ap. J.-C. dans un espace lui-même considérable puisque les limites de « la Gaule » sont franchies au moins deux fois avec une communication qui concerne la péninsule ibérique, plus précisément la Catalogne, et une autre, l’Italie tardo-antique. Le noyau dur concerne cependant principalement les productions des provinces romaines de Narbonnaise et d’Aquitaine même si la Lyonnaise, en plus de Lyon, n’est pas totalement occultée, pas plus que la Gaule Belgique avec la Lorraine et Paris. La Germanie Supérieure fait l’objet de deux communications sur Strasbourg et Besançon mais on regrettera l’absence quasi totale de présentation des découvertes opérées sur le territoire allemand, notamment la région de Trèves pourtant, un temps au moins, capitale des Gaules...

 

          Le souci de montrer les continuités comme les éventuelles ruptures entre Antiquité et Moyen Âge concerne tout aussi bien les techniques proprement dites comme la nature des mortiers et enduits que les thèmes et sujets traités par les artisans peintres, stucateurs et mosaïstes. Les réponses sont bien évidemment nuancées. Cette approche recouvre très largement la question toujours d’actualité de la création puis de la transmission des techniques et des thèmes de l’iconographie, figurative ou non. Cette problématique peut être abordée de différentes façons mais elle implique dans tous les cas de dépasser le strict cadre « gaulois », particulièrement pour l’Antiquité. Quand il s’agit de produits destinés à une aristocratie intégrée à un empire qui se veut universel, cela paraît évident et à propos des enduits peints comme des mosaïques, les comparaisons avec les autres régions de l’Empire romain, à commencer par Rome et la Campanie, sont régulièrement faites. L’analyse est plus complexe pour des décors plus « ordinaires », réalisés dans des édifices moins clairement définis et l’on a parfois tendance en particulier à confondre origine du motif  (parfois très ancienne) et mode de transmission. Il en est ainsi pour la notion « d’hellénistique » utilisée à propos des pavements de Narbonnaise du IIIe siècle av. J.-C. au Ier siècle apr. J.-C.  Même si Marseille a pu, un temps encore, jouer un rôle de relais avec le monde grec, la situation est totalement bouleversée par l’arrivée des « Italiens », eux-mêmes plus ou moins romanisés, et cela avant même la conquête militaire : tous les « commerçants » puis tous les colons ne sont pas nécessairement passés par Rome ou la Campanie. De ce point de vue l’Italie du Nord, à la suite des travaux initiés en ce sens par Mario Denti, a retrouvé une place non négligeable comme plaque tournante entre Orient et Occident méditerranéens. Mais comme le montre l’examen d’une mosaïque découverte près d’Alès (Site de l’Ermitage), les ateliers itinérants qui façonnaient ces sols de mosaïques sont multiples : on peut distinguer à la même époque dans cette seule région au moins deux routes différentes suivies à quelques dizaines de kilomètres près (vallée du Rhône et voie interne aux Cévennes) par des artisans itinérants que l’on peut clairement distinguer par les techniques utilisées et surtout les motifs réalisés : ce sont eux les véritables initiateurs de pratiques nouvelles et il est quasiment impossible de démontrer à leur propos le souci de vouloir « faire grec » en copiant des motifs en vogue en Grèce deux ou trois siècles plus tôt mais bien présents à leur époque en Italie. Le respect d’une échelle chronologique précise est fondamental dans ces domaines, même s’il nous est aujourd’hui impossible, sauf cas exceptionnel, de dater ces œuvres à moins d’un demi-siècle sur des critères purement stylistiques.

 

          Matériellement, cet ouvrage se caractérise par son excellente présentation, avec une illustration souvent en couleur de très bonne qualité, une bibliographie commune facile à consulter (on relève un seul « doublet » à propos d’Yvon Thébert, 1982 et 1985, le bon étant 1985, p. 301-397) et des indices géographiques mais également iconographiques indispensables en raison de la taille du volume. Au total, par sa manière d’aborder de façon conjointe tous les types de décor avec des approches complémentaires, ce colloque marque une étape importante dans l’histoire de la recherche en France au moment où la relève des générations de chercheurs impliqués dans ce domaine demeure un challenge important pour toute la communauté archéologique : ce qu’il faut bien appeler « l’histoire de l’art » doit continuer  de bénéficier des moyens indispensables, au moment où ces disciplines font preuve d’un nouveau dynamisme.

 

 

Sommaire

Auteurs, p. 9

Avant-propos, p.13

 

1. Articulation des décors dans les espaces architecturaux

  • P. Thollard, O. Vauxion, G. Vincent, A.-G. Magdinier, Le décor du centre monumental de l’agglomération du Castellas à Murviel-lès-Montpellier (Hérault), p. 17-31
  • J. Boislève, J.-Y. Breuil, B. Houix, O. Vauxion, Mosaïques et peintures d’un quartier de Nemausus. La fouille du parking Jean-Jaurès à Nîmes (Gard), p.  33-48
  • J. Boislève, J.-Y. Breuil, Ph. Cayn, B. Houix, O. Vauxion, Architecture et décor d’une domus dans le quartier sud-ouest de Nîmes durant le Haut-Empire. La fouille du parking Jean-Jaurès, îlot G, p. 49-66
  • J. Hénique, La fouille de la maison au Griffon à Nîmes (Gard), p. 67-79
  • R. Sabrié, Maisons du Clos de la Lombarde à Narbonne  : architecture et décoration, p. 81-92
  • J.-P. Loustaud, A.A. Malek, Décors et expériences spatiales dans les domus de l’élite d’Augustoritum, p.  93-109
  • D. Tardy, S. Bujard, É. Pénisson, Architecture publique et domus : un langage ornemental commun ? L’exemple de Vesunna, p. 111-124
  • J. Hénique, Aperçu sur un îlot antique de Bordeaux. Le décor d’une domus de la première moitié du Ier siècle p.C. : étude préliminaire, p. 125-129
  • H. Eristov, S. Robin, Les décors peints d’un quartier de Lutèce : bilan des découvertes, p. 131-149
  • H. Eristov, S. Robin, Les décors peints de la fouille du Collège Sainte-Barbe (Paris 5e), p. 151-159
  • Fr. Mallet, Cl. Besson, Cl. Allonsius, avec la collaboration de J.-Fr. Lefèvre, Fl. Monier, Les enduits peints de deux villas en Île-de-France, p. 161-170
  • Chr. Gaston, Cl. Munier, La domus au Neptune à Besançon : les sols au sein d’un programme architectural ostentatoire, p. 171-183
  • S. Delbarre-Bärtschi, M.E. Fuchs, Architecture d’intérieur en Suisse romaine, p. 185-198
  • Cl. Vibert-Guigue, Cartographie de décors peints et stuqués découverts in situ sur du bâti antique en Gaule, p. 199-211

 

2. Formes architecturales et spatialité

  • C. Balmelle, Décors du frigidarium dans les thermes publics et privés d’Aquitaine, p. 215-229
  • Fr. Veyssière, C. Viers, L’opus punicum d’un balnéaire tardo-républicain dans le Toulousain, p. 231-240
  • H. Dessales, Décor et fontaines domestiques dans les Gaules : une adaptation des modèles italiques ? p. 241-255
  • É. Morvillez, L’apparition et le développement des absides dans l’architecture domestique gallo-romaine, p. 257-278
  • Fr. Dumasy, Décors de la scène et lieux du décor dans les édifices de spectacle gallo-romains, p. 279-298
  • D. Fellague, Le décor de l’aditus nord du théâtre antique de Lyon, p. 299-309
  • S. Groetembril, La question des pièces souterraines peintes en Gaule, p. 311-320
  • V. Brunet-Gaston, avec la collaboration de Fl. Monier, Une pièce semi-enterrée à Eckbolsheim (Bas-Rhin) et sa décoration peinte, p. 321-328
  • Cl. Vibert-Guigue, Le décor des cryptoportiques en Gaule à travers l’exemple de Bavay (Nord), p. 329-342

 

3. Espace de la culture : la construction d’un imaginaire romain

  • Dardenay, Circulation des images : place, fonction et interprétation des thèmes iconographiques dans la peinture en Gaule, p. 345-357
  • J.-P. Darmon, Les images en mosaïque du décor domestique gallo-romain du Ier au IIIe siècle : nature et fonctions, p. 359-375
  • R. Robert, La description poétique du décor des villas de Gaule : entre réalité et objet de mémoire littéraire, p. 377-390
  • G. Herbert de La Portbarré-Viard, Venance Fortunat et la représentation littéraire du décor des villas après Sidoine Apollinaire, p. 391-401

 

4. Les matériaux et la délimitation de l’espace

  • V. Brouquier-Reddé, S. Cormier, Le chantier de décoration et les déchets de pierre du sanctuaire de Mars Mullo d’Allonnes (Sarthe), p. 405-419
  • D. Foy, Décor architectural en verre à la fin de l’Antiquité en Gaule méridionale. Quelques indices de mise en œuvre, p. 421-433
  • Fr. Labaune-Jean, G. Le Cloirec, L’environnement décoratif de la Bretagne romaine, p. 435-449
  • K. Jardel, Gr. Tendron, J.-Y. Lelièvre, Les décors d’applique de la curie du forum d’Aregenua, Vieux (Calvados), p. 451-461
  • E. Boube, Éléments inédits de décoration pariétale, crustae figurées et tesselles de mosaïque de la villa de Chiragan (Martres-Tolosan, Haute-Garonne), p. 463-483
  • M. Thorel, Le rôle des imitations d’opus sectile dans la peinture murale gallo-romaine (deuxième moitié du Ier siècle - fin du IIIe siècle p.C.), p. 485-497
  • E. Dubois-Pelerin, Décors luxueux de schistes incrustés en Gaule, p. 499-508
  • Cl. Allag, N. Blanc, B. Palazzo-Bertholon, Le décor de stuc en Gaule (Ier-VIIIe siècle), p. 509-523
  • J. Boislève, en hommage à P. Chardron-Picault (†), Un important décor architectural en stuc à Autun, p. 525-538
  • J. Boislève, A. Provost, Les stucs de la villa maritima de Mané-Véchen, anciennes découvertes et nouveaux décors, p. 539-552
  • D. Heckenbenner, M. Mondy, M. Frenzel, K. Boulanger, Enduits peints et espaces architecturaux en milieu urbain et rural chez les Médiomatriques, p. 553-565
  • Cl. Allag, Ouvertures, embrasures, p. 567-577
  • É. Broillet-Ramjoué, S. Bujard, Fenêtre ou la quatrième dimension de la paroi, p. 579-593

 

5. Pérennité et renouvellement du décor et de son espace

  • C. Guiral Pelegrín, A. Mostalac Carrillo, Programas decorativos de época republicana en el valle medio del Ebro conservadurismo y progresismo, p. 597-609
  • A.-M. Guimier-Sorbets, Décors de sols en Gaule, à l’époque grecque et au début de l’époque impériale, p. 611-624
  • F. Olmer, V. Blanc-Bijon, Architecture et pavements de l’oppidum de l’Ermitage à Alès : nouvelle découverte et réexamen, p. 625-633
  • J.-D. Laffite, La mosaïque géométrique du porche de la villa de Larry à Liéhon (Moselle), p. 635-646
  • R. Rogliano, Tracés préparatoires sur les mosaïques de Nîmes et de Villevieille, p. 647-654
  • O. Leblanc, Des stucs du Bas-Empire à Saint-Romain-en-Gal (Rhône), p. 655-661
  • St. Büttner, A. Coutelas, Mortiers de chaux et décors architecturaux en Gaule de l’Antiquité au haut Moyen Âge, p. 663-673
  • B. Mérel-Brandenburg, Ph. Blanc, A. Blanc, Espace architectural, décor sculpté et matériaux en Languedoc méditerranéen au cours de l’Antiquité tardive, p. 675-688
  • Cl. Coupry, B. Palazzo-Bertholon, Les pigments verts, rouges et bleus dans les décors peints de la fin de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, p. 689-698
  • G. Trovabene, Persistenze tardoantiche nelle stesure musive pavimentali del Medioevo, p. 699-708
  • V. Czerniak, Les décors picturaux des premiers siècles du Moyen Âge : une tradition antique pérennisée et renouvelée.
  • L’exemple de l’autel préroman de Saint-Pierre de Moissac, p. 709-714

 

Synthèses conclusives, par Jean-Pierre Darmon, p. 715-719

Références bibliographiques, p. 721-754

Résumés, p. 755-762

Indices, p. 763

 

Discussions accessibles en ligne sur le site http://aquitania.u-bordeaux3.fr