Kasarska, Iliana (éd.): Mise en oeuvre des portails gothiques -Architecture et sculpture. Nb. de pages : 160 pages, Poids : 707 g, Dimensions : 22cm x 27,9cm x 1,2cm, ISBN : 978-2-7084-0891-3, 34 €
(Picard, Paris 2011)
 
Rezension von Elpida Chairi, Ecole française d’Athènes
 
Anzahl Wörter : 1509 Wörter
Online publiziert am 2013-02-26
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1441
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          L’ouvrage présente les actes du colloque tenu au musée de Picardie à Amiens le 19 janvier 2009, sur la mise en œuvre des portails gothiques. Il s’agit d’une recherche portant sur l’insertion, la construction et le décor sculpté de certains portails, choisis comme exemples significatifs, et ceci de façon diachronique. La présentation de l’ouvrage est agréable et équilibrée, les textes sont, dans la plupart des cas, subdivisés en unités permettant de mieux comprendre leur structure, les notes apparaissent en marge, ce qui rend leur lecture plus facile, et l’illustration est abondante et significative. Nous avons regretté l’absence de conclusion ainsi que d’index, outil précieux de tout chercheur. Notons que pour un public moins spécialisé, la présence d’un glossaire pourrait s’avérer extrêmement utile. Les deux ou trois fautes d’orthographe que nous avons repérées ne semblent constituer que « l’exception qui confirme la règle » d’une publication généralement soignée.

 

          Dany Sandron étudie le portail du Couronnement de la Vierge et la galerie des rois de Notre-Dame de Paris en mettant surtout l’accent sur l’état de conservation et les réfections. L’auteur est très soucieux de rendre les éléments de base, axialité et symétrie, mais surtout les détails qui distinguent la conception initiale des modifications ultérieures, permettant par des raisonnements bien fondés de mieux suivre l’évolution du chantier. Tel est le cas du gable qui semble avoir été ajouté au portail pour en augmenter les dimensions aussi bien que celui de l’adaptation de la zone consacrée à la galerie des rois à la nouvelle réalité historico-politique du début du XIIIe siècle. Ces deux hypothèses constituent l’intérêt majeur de l’article et méritent l’attention et probablement le débat.

 

          L’examen du portail de la Vierge dorée d’Amiens et de la fenêtre des Arts libéraux de la cathédrale de Laon a permis à Iliana Kasarska, au travers d’un exposé extrêmement clair, de tirer des conclusions utiles sur leur mise en œuvre. La fonction structurelle des pièces de sculpture, l’ordre suivant lequel les pièces d’architecture ont été posées constituent des termes à respecter afin de trouver la solution du puzzle à trois dimensions que représente le « montage » du portail gothique. L’auteur admet que les dimensions principales ainsi que le programme iconographique en ont été établis d’avance, le projet initial ayant été modifié ultérieurement par les sculpteurs pour des raisons diverses, principalement d’ordre architectural ou iconographique.

 

          Les fouilles récentes de l’abbatiale de Charroux, dont les résultats sont en cours d’élaboration, donnent l’occasion à Chiara Piccinini, Diane Joy et Laurent Prysmicki de présenter de façon détaillée les sources historiques et documentaires ainsi que les restes du monument. Même si, en premier lieu, la sculpture semble préoccuper les auteurs plus que la structure, ils font une série de remarques importantes qui mettent en question la fiabilité des dessins réalisés en 1822. La comparaison des parties dégagées après les fouilles avec ces mêmes documents conduit à de nouvelles restitutions plus vraisemblables. L’intérêt de l’article consiste surtout en la présentation, aussi complète que possible, des aspects qui préoccupent les différents spécialistes intervenant dans cette recherche : l’historien d’art, l’archéologue et l’architecte nous communiquent leurs dialogues à travers un texte clair et cohérent.

 

          Enrica Neri Lusanna présente sa recherche sur l’ancienne façade de Santa Maria del Fiore, cathédrale florentine où Arnolfo di Cambio, sculpteur et chef de chantier, a laissé sa marque. Le souci d’identifier le projet d’origine, qui s’écarte du « gothique européen », pousse l’auteur à concentrer ses remarques sur la structure et les sculptures provenant des portails latéraux et de la lunette du portail central. Mais plus que l’habileté du sculpteur et la reconnaissance de sa technique, ce sont les proportions de la façade et de ses éléments constituants et surtout l’insertion du monument entier dans un environnement déjà historique qui constituent, selon l’auteur, l’argument de base pour y reconnaître la trace du grand maître.

 

         La Puerta del Sarmental de la cathédrale de Burgos suscite l’intérêt de Christine Hediger, notamment pour répondre à des questions chronologiques. Se fondant sur une documentation qui fournit des dates exactes, elle commente l’hypothèse déjà publiée selon laquelle le portail en question fut construit en deux temps. Les arguments de base pour étayer ce raisonnement sont l’hétérogénéité stylistique et architecturale entre les parties hautes et basses du portail. L’auteur complète l’argumentation en ajoutant ses propres remarques, concernant les données métriques du linteau ainsi que quelques détails significatifs de sculpture. Elle conclut que les problèmes qui apparaissent sur ce portail ont été résolus sur le portail nord, exécuté ultérieurement. Ces remarques lui permettent de faire le tour complet du sujet et d’émettre ses propres hypothèses en ce qui concerne le commanditaire, les équipes qui se sont partagé les tâches ainsi que le mode de transmission de motifs et de styles d’une région à l’autre.

 

          Patrick Ponsot reconnaît un côté fortement « sédimentaire » au portail Saint-Ursin de Bourges, dont la restauration récente a donné lieu à des constatations significatives sur la chronologie et la qualité architecturale et sculpturale du monument. L’approche de l’auteur étant celle d’un architecte en chef des monuments historiques, l’intérêt de l’article tient surtout à des remarques touchant à la fois la stabilité de l’édifice et les nombreuses interventions qu’il a subies, souvent dues à des problèmes de statique. Un exposé critique de l’historique des démolitions et restaurations du monument durant le XIXe siècle permet à l’auteur de rétablir des faits et réalités laissés dans l’ombre jusqu’à nos jours et de juger de leur apport à son état de conservation actuel. Dans sa remarque de clôture il tient, à juste titre, à sensibiliser le lecteur sur la transformation apportée forcément aux monuments lors d’une opération de conservation, sans pour autant lui attribuer une valeur nécessairement positive ou négative.

 

          Les portails de la cathédrale de Gênes et de Sant’Andrea de Verceil donnent l’occasion à Clario Di Fabio de présenter ses recherches et réflexions concernant le gothique italien. Considérés comme des interprétations méridionales du gothique français, ces deux monuments, pratiquement contemporains, constituent tout de même deux exemples bien différents. L’auteur analyse l’intervention des maîtres, communs dans les deux cas, et recherche les éléments de tradition italienne pour répondre au goût, optant plutôt pour la trace d’un architecte français. Le choix des matériaux, parfois très exigeant, ainsi que la très haute qualité d’exécution des parties sculptées, dont certaines remployées, renvoient à un atelier français spécialisé. Cependant, selon l’auteur, le rôle des “outils” utilisés, telles les images sculptées et la polychromie, semble bien permettre de différencier les monuments italiens en question de leurs références situées au-delà des Alpes.

 

          L’étude du décor figuré, récemment restauré, de deux façades comparables, Wells et Salisbury, présentée par Jerry Sampson, met l’accent sur la contemporanéité entre structure et sculpture. La recherche bien détaillée tient compte de la provenance des matériaux utilisés et de leur utilisation selon les données financières allant du XIIe au XIVe siècle. L’étude de la mise en place et du système d’accrochage des sculptures ainsi que l’existence de traces de polychromie permettent à l’auteur de mieux préciser la chronologie et les conditions de la réalisation des travaux. La dernière partie de l’article, consacrée à l’importance liturgique des façades d’apparat ainsi qu’aux galeries cachées au-dessus des portails, présente un grand intérêt. On y trouve, probablement plus que partout ailleurs, la raison « scénographique » de l’existence de cet écran monumental servant, entre autres, non plus à séparer l’espace intérieur de l’espace extérieur mais à leur assurer une suite continue.

 

          La portée des communications publiées dans cet ouvrage est considérable : selon les auteurs, des hypothèses émises précédemment ont été vérifiées, la succession de programmes architecturaux et sculpturaux a pu être établie, la présence d’artistes et d’ateliers a été réétudiée en fonction des données historico-économiques de l’époque. En guise de conclusion, comme nous le suggèrent certains auteurs, il reste à réexaminer au cas par cas le poids de l’intervention humaine en vue de la conservation de ces monuments.

 

 

Sommaire

 

Préface, Philippe Sénéchal, p. 7

Introduction, Iliana Kasarska, p. 9

1.      Les rois s’invitent à Notre-Dame : la mise en place du décor sculpté de la façade de la cathédrale de Paris (portail nord et galerie des rois), Dany Sandron, p. 11

2.      Construire un décor sculpté : le portail de la Vierge dorée (Amiens) et la fenêtre des Arts libéraux (Laon), Iliana Kasarska, p. 29

3.      Le portail disparu de l’abbatiale de Charroux : état des recherches, Chiara Piccinini, Diane Joy, Laurent Prysmicki, p. 47

4.      Des vestiges au projet d’Arnolfo : réflexions autour des portails perdus de la cathédrale de Florence, Enrica Neri Lusanna, p. 65

5.      Un portail construit en deux temps : la Puerta del Sarmental de la cathédrale de Burgos, Christine Hediger, p. 79

6.      Le portail Saint-Ursin de la cathédrale de Bourges : un gothique sédimentaire? Patrick Ponsot, p. 95

7.      Gothique italien : recherches sur la forme et la structure des portails de la cathédrale de Gênes et de Sant’Andrea de Verceil, Clario Di Fabio, p. 111

8.      Wells et Salisbury : le décor figuré de la façade occidentale, Jerry Sampson, p. 129.