Borlenghi, Aldo: Il Campus. Organizzazione e funzione di uno spazio pubblico in età romana. Le testimonianze in Italia e nelle Province occidentali. Prefazione di P. Gros. f.to 21 x 29,7; brossura; pp. 384; 152 ill. in b/n; ISBN 978-88-7140-454-7; € 50,00
(Edizioni Quasar, Roma 2011)
 
Recensione di Laurent Lamoine, Université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand
 
Numero di parole: 1227 parole
Pubblicato on line il 2014-12-17
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1463
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          Le livre d’Aldo Borlenghi, consacré au campus, espace central de la ville romaine, est à n’en pas douter un jalon important dans la connaissance des espaces urbains et de leurs usages en Italie et dans l’Occident romain de l’époque médio-républicaine au Haut-Empire, et une référence essentielle grâce au catalogue des soixante et un témoignages épigraphiques et archéologiques commentés que l’auteur fournit à partir de la page 183 (jusqu’à la page 334). Deux tableaux récapitulatifs (p. 335-338), deux cartes de localisation des cités concernées (p. 339-340) – l’une de l’Italie et la seconde du monde romain –, une bibliographie abondante (p. 341-372), un index des noms – uniquement des personnages cités dans les inscriptions qui évoquent le campus – (p. 373), un index des lieux (p. 375-378) permettent au mieux d’utiliser l’ouvrage et son catalogue. Les 152 illustrations, distribuées entre la synthèse et le catalogue, constituent par elles-mêmes un corpus. La préface de Pierre Gros (p. 11-13), qui fut son directeur de thèse, permet au lecteur non italianisant de se rendre compte de l’importance du travail d’Aldo Borlenghi tant sur le plan de la synthèse et de la réflexion conceptuelle que sur celui des études de cas. Une « introduction à la collection » « Thiasos » due à Enzo Lippolis (p. 9-10) donne en outre au livre d’Aldo Borlenghi une dimension de pionnier et d’éclaireur dans le cadre des publications archéologiques que l’auteur a su transformer depuis en point de départ d’un programme de recherches sur les espaces du vote dans le monde romain et en Gaule en particulier, scandé par des journées d’étude organisées en 2013-2014 à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée de Lyon.

 

         On peut considérer que le livre d’Aldo Borlenghi est subdivisé en deux parties, la seconde étant le catalogue. La première, qui comporte huit chapitres, est consacrée à la synthèse (p.19-179). Après un rapide panorama historiographique (chapitre 1, p. 19-22) qui rend hommage aux travaux pionniers de Della Corte (1947) puis de Devijver-Van Wonterghem (1981), l’auteur s’attèle à son tour à la définition de campus. La difficulté est grande car cet espace plan et ouvert reçoit sa caractérisation à la fois de la nature des activités qui s’y déroulent (les plus anciennes : de jeunesse, militaires) (chapitre 2, p. 23-40) et de l’environnement architectural (monuments, thermes, temples) (chapitre 3, p. 41-74). C’est tout le problème du Champ de Mars de Rome (chapitre 4, p. 75-110). En outre, le Champ de Mars introduit dans le faisceau des caractères génétiques du campus la dimension politique avec l’élection des magistrats cum imperio et l’aménagement des Saepta. De manière très convaincante, Aldo Borlenghi se livre à une comparaison avec le gymnase qui se développe dans le monde grec depuis l’archaïsme et que le campus ne va pas faire disparaître (chapitre 5, p.111-124). Il souligne avec force d’une part les points de convergence entre l’espace grec, avec le rôle de la palestre, et le campus, et d’autre part les efforts des Romains pour rapprocher les deux phénomènes, en livrant en particulier une analyse du témoignage de Vitruve (V, 11).

 

         Le chapitre 6 (p. 125-163) est le morceau de bravoure de l’ouvrage car Aldo Borlenghi propose une chronologie de la diffusion du campus en Italie et dans les provinces occidentales de l’empire. L’auteur réussit à faire appréhender toute la complexité de la chronologie qui est tributaire non seulement du degré de relation avec Rome mais aussi des interactions et des remplacements de fonctions et qui explique donc la grande diversité apparente des réalisations. Il insiste sur les témoignages les plus anciens qui sont antérieurs à la Guerre sociale comme l’inscription bilingue (gallo-latine) de Verceil [Recueil des Inscriptions Gauloises, II, 1, *E-2] à laquelle Aldo Borlenghi a consacré d’ailleurs une étude particulière dans le colloque Finem dare. Il confine tra sacro, profano e immaginario. A margine della stele bilingue del Museo Leone di Vercelli (Verceil, 2011, p. 125-143). La Guerre sociale d’ailleurs, l’instauration du Principat et l’essor du culte impérial tout au long du Ier siècle constituent les moments qui scandent cette chronologie. La fin du IIe siècle av. J.-C. correspond pour les élites locales d’Italie à des promotions dans la cité romaine et à une ouverture plus grande, économique et culturelle, à l’Orient grec. À son tour, l’auteur exploite avec bonheur l’inscription en l’honneur de L. Betilienus Vaarus (CIL, I², 1529), surnommé Censorinus tant les travaux publics (ou les évergésies ?), dont l’aménagement d’un campus à Aletrium, ont été importants et ont transformé la ville et son acropole. Dans la fiche qu’il consacre à ce témoignage (n° 1, p. 183-184), Aldo Borlenghi défend l’interprétation de campum ubei ludunt (lignes 6-7) comme celle d’un espace assigné à l’enrôlement militaire et ne croit pas à l’hypothèse d’un proto-amphithéâtre que Mireille Cébeillac-Gervasoni avait pu proposer en l991 (référence citée) – elle était plus circonspecte dans ses Magistrats des cités italiennes de 1998 (p. 113). En Italie, les exemples de Pompéi et sa Grande Palestre, Saepinum, Tegianum, Forum Popili, Forum Novum Sabinorum, Albingaunum, Cales – pour l’époque augustéenne -, Corfinium, Aufidena, Forum Vibii Caburrum, Trebiae, Verona, Praeneste et Côme – pour le Ier siècle – sont examinés. Il n’y a pas de retard de la province par rapport à l’Italie, lorsqu’on se fonde sur les exemples coloniaux (Narbonne, Ampurias), même si la documentation devient plus abondante avec l’Empire. L’auteur insiste sur la complexité de nombreux dossiers qui ne présentent pas toujours les connexions épigraphiques et archéologiques qui faciliteraient l’identification, mais propose malgré tout des hypothèses qui vont dans le sens de la reconnaissance d’un campus (Herculanum, et en se limitant à la Narbonnaise : Orange, Vienne, Vaison, etc.). Dans les chapitres 7 (p. 165-173) et 8 (p. 175-179), Aldo Borlenghi se livre à une analyse en termes d’histoire sociale, politique et culturelle de son corpus. Il s’intéresse à l’initiative publique et à l’évergétisme individuel ou associatif, qui peuvent être mis en relation dans certains cas avec le développement de certains cultes ou du culte impérial. Plus globalement, le phénomène du campus est replacé dans le cadre de l’urbanisation de l’empire.

 

         Le chapitre 9 (p. 181-334) correspond au catalogue. Cette seconde partie n’est pas la partie la moins précieuse de l’ouvrage car Aldo Borlenghi livre là des fiches épigraphiques et/ou archéologiques très complètes qui réussissent à tenir l’équilibre entre la fiche technique et le commentaire. Elles sont dans la mesure du possible bien documentées (photographies, relevés et/ou plans). D’un point de vue géographique, l’état de la documentation fourni est équilibré également : Italie, 36 fiches, provinces, 25 ; pour la péninsule italienne : Latium-Campanie, 10, Italie du sud, 12, Italie centrale, 7 et Italie du nord, 7. Le travail d’Aldo Borlenghi donne une répartition provinciale qui ne manque pas d’être suggestive. Alors que la Sardaigne, les Alpes Maritimes, l’Illyricum, la Dacie et l’Afrique Proconsulaire (Carthage) ne sont représentées que par une seule fiche, les Espagnes, avec quatre, et surtout l’ensemble gallo-germanique, avec seize fiches, se démarquent. On comprend pourquoi l’auteur s’est intéressé, après ce travail pionnier, aux « pratiques, lieux et finalités du vote en Gaule » (journée d’étude du 4 avril 2014 à la Maison de l’Orient). Enfin, si les situations italiennes allient souvent les témoignages épigraphiques et archéologiques, les situations provinciales sont plus contrastées et donnent toute leur importance aux seules données archéologiques. Pour finir, on doit savoir que les commentaires incorporés aux fiches sont très souvent des aggiornamenti très précis de l’état des connaissances des sites et des documents.