AA.VV.: La porte et le passage. Portes et portails (Cahiers de Rencontre avec le Patrimoine Religieux, n°28, coll. Art Sacré), Actes du colloque organisé par l’Association Rencontre avec le Patrimoine religieux à l’Abbaye Saint-Germain d’Auxerre en octobre 2008, sur le thème de la porte et du passage, du Moyen Âge à l’époque contemporaine, 248 p., 21 x 29,7cm, ISBN : 2-911948-33-5, 30€
(Association Rencontre avec le Patrimoine religieux, Châtillon sur- Indre 2010)
 
Rezension von Paulina Spiechowicz
 
Anzahl Wörter : 1350 Wörter
Online publiziert am 2011-08-22
Zitat: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1486
 
 


          Le numéro 28 de la revue Art sacré nous propose une publication qui rassemble les actes du colloque qui s’est tenu à Auxerre entre le 2 et le 4 octobre 2008, ayant pour thème la porte. Celle-ci est analysée à la fois d’un point de vue symbolique et dans une perspective formelle, en tant qu’objet polymorphe et profondément complexe dans ses significations énigmatiques. La porte, élément autant signifiant que matériel, se prête en effet à de nombreuses analyses : objet  de délimitation, de mise en scène et de passage, la porte nécessite d’être étudiée sous un éventail d’optiques très large. C’est ainsi que les actes de ce colloque couvrent une période très vaste, qui va du XIIe au XXe siècle français.

 

          D’abord considérée comme objet faisant partie des symboles archaïques de la pensée humaine, la porte est présentée comme élément ad limina (Pierre-Gilles Girault), de franchissement et d’écartement de deux lieux qui incarnent, dans l’esprit commun, deux mondes différents. La porte constitue ainsi la frontière, l’élément emblématique d’un passage entre ces deux univers : l’espace sacré et l’espace profane. Dans les Saintes écritures, la porte devient une thématique récurrente, ayant un caractère métaphorique qui fait en sorte qu’elle puisse signifier à la fois Jésus (la porte ouverte) et la Vierge (la porte fermée). Chez Grégoire le Grand, en particulier, une attention spécifique est accordée à cet élément architectural, considéré sous ces différents aspects symboliques (Michel Maupoix).

 

          La porte sculptée, en outre, donne la possibilité à l’édifice de devenir le lieu d’une histoire racontée, et donc d’acquérir plusieurs fonctions au sein du même bâtiment. Elle désigne le passage vers le salut, comme « lieu d’images » et de structuration de l’espace par rapport au sacré (Franck Thénard-Duvivier). Elle est ainsi l’élément de mise en abyme, objet qui résume en lui-même ce qui le précède et ce qui le suit, jusqu’à se présenter comme le résumé d’un pèlerinage vers la Terre Sainte, dont les Sacri Monti représentent le parcours dévotionnel (Anne Lepoittevin).

 

          Le Moyen Âge, par exemple, a développé une longue tradition de récits sculptés sur les portails. Ces narrations ne se limitent pas aux sujets religieux, mais abordent aussi le domaine épique et chevaleresque, le domaine agricole ou de la chasse (Nathalie Le Luel). Ces portails, encore une fois, témoignent du passage entre le dehors (le profane) et le dedans (le sacré), et présentent maints problèmes d’interprétation, attendu qu’ils s’appuient plutôt sur une tradition orale qu’écrite.

 

          Les portails peuvent aussi devenir des éléments qui participent d’une pensée psychologique, pour incarner des lieux des peurs liées à la vie et à la mort. La topographie de certaines portes en Bretagne témoigne en effet de la peur ancestrale de l’homme par rapport à la mort. Le portail assume, dans ce contexte, le lieu du passage vers l’au-delà allégorique, sorte d’images parlantes de l’Enfer lui-même (Sophie Duhem). Outre la liaison avec la liturgie, la porte assume aussi des fonctions liées à la réalité de son époque, en devenant un élément de communication du pouvoir temporel. C’est le cas, par exemple, du portail de Saint-Jacques de Dieppe (Claude Depuis), ou des relations entre le château et la collégiale, quand de grands personnages décident de se faire enterrer au plus près de l’autel afin de symboliser  leur pouvoir (Julien Noblet).

 

          D’un point de vue purement formel, la construction de la porte doit aussi être recontextualisée et analysée par rapport à l’environnement architectural, surtout en relation avec la façade. C’est l’exemple de la cathédrale de Saint-Trophime d’Arles, dont la façade montre les influences profondes des modèles de l’arc de triomphe (Andras Hartmann-Virnich). En particulier, beaucoup d’importance est attribuée au modèle antique de Rome, qui devient un élément récurrent dans de nombreux portails (Pierre-Gilles Girault). La question des sources visuelles et des emprunts formels dans l’architecture sacrée se pose aussi par rapport aux portes de la cathédrale de Laon, dont une lecture a été menée à partir du programme iconographique et de son rôle liturgique (Iliana Kasarska). L’univers urbain qui entoure une façade doit aussi être pris en compte dans le dialogue entre l’église et son environnement. À Nantes, ce problème a été sujet à débat lors de la construction de la cathédrale, dont la façade a été commencée à partir de 1434, pour être intégrée dans un espace fondamentalement médiéval (Jean-Marie Guillouët). Les portails de l’abbatiale d’Ambronay (Ain) nous montrent une autre façade qui a subi l’influence du temps, dans un mélange architectural qui voit des éléments du XIIIe siècle combinés à la vision édilitaire du Haut Moyen Âge (Laurence Hamonière).

 

          L’analyse de l’édifice, en partant de l’objet de la porte, interroge les transformations du bâtiment aux cours du temps, et leurs restructurations. Dans cette perspective, de nombreux chercheurs se sont penchés récemment sur ce point, en étudiant la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre (Christian Sapin), restaurée en 2000. Le portail de cette cathédrale présente un discours théologique sur l’histoire du Salut (Patrice Wahlen), dont le programme de restauration est analysé en détail (Agata Dmochwska-Brasseur).

 

 

          La réflexion sur la restauration se pose, d’ailleurs, particulièrement à partir du XIXe siècle, réflexion qui se trouve accompagnée d’un profond « revival architectural » du style gothique (Raphaële Delas). La restitution de l’aspect primitif des composants architecturaux mérite une étude approfondie, à l’instar de celle menée sur la priorale de Saint-Leu-d’Esserent (Oise), surtout par rapport aux implications liturgiques (Delphine Hanquiez). Il y a ainsi un fort dialogue qui s’instaure entre le passé et la nécessité du renouvellement, qui souligne aussi une vision de l’espace architectural différente (Grégoire Franconie). La même nécessité de renouvellement est présente dans le discours autour  du jubé des cathédrales, élément qui persiste dans les églises jusqu’au XVIIIe siècle (Mathieu Lours). Enfin, la porte est le lieu de la vie quotidienne. C’est un endroit de syncrétismes, de mouvement, de passage dans le sens concret, physique du terme, et pas seulement le lieu d’une contemplation et d’un regard (Vincent Flauraud). En conclusion, encore aujourd’hui la porte demeure, tant dans le domaine architectural que strictement littéraire, un élément sujet à un riche questionnement, eu égard à sa signification sémiotique contemporaine et à son interprétation actuelle (Gérard Monnier).

 

 

Table des matières

 

Françoise Michaud-Fréjaville

Avant-propos, p. 3

 

Pierre-Gilles Girault

Introduction, p. 5

 

Michel Maupoix

Ouverture du colloque, p. 9

 

 

Des temps romans à l’âge gothique

 

Nathalie Le Luel

Des images « parlantes » pour les laics : l’utilisation du quotidien et la culture      populaire sur les portails des églises romanes, p. 19

 

Laurence Hamonière

Les portails de l’abbatiale d’ambronay (Ain) – De l’incidence du massif occidental du Haut Moyen Âge sur la façade du XIIIe siècle, p. 33

 

Delphine Hanquiez

L’avant-nef de la priorale de Saint-Leu-d’Esserent (Oise) et les galilées clunisiennes : l’espace architectural du porche à la lumière de son implication liturgique, p. 53

 

Franck Thénard-Duvivier

Au seuil des cathédrales : le portail comme « lieu d’images » et de passage, p. 67

 

Iliana Kasarska

Les porches de la cathédrale de Laon (fin du XIIe siècle) : Programme iconographique marial et rôle liturgique, p. 83

 

Claude Dupuis

Et si l’on passait par le côté ? Le portail du transept nord de Saint-Jacques de Dieppe, p. 93

 

Pierre-Gilles Girault

Tous les portails mènent à Rome : La façade et les portes de l’abbatiale de Saint-Gilles, p. 101

 

Andreas Hartmann-Virnich

Une Antiquité instrumentalisée : le portail de Saint-Trophime d’Arles

Et l’art monumental roman du Midi rhodanien, p. 115

 

Christian Sapin

Nouveaux regards sur le portail occidental. De la cathédrale Saint-Étienne d’Auxerre, p. 125

 

Patrice Wahlen

Les portails de Saint-Étienne d’Auxerre : une lecture théologique et pastorale, p. 129

 

Agata Dmochowska-Brasseur

La restauration des portails de la cathédrale d’Auxerre, p. 133

 

 

De la fin du Moyen Âge aux Temps Modernes

 

Jean-Marie Guillouët

Façade et circulations urbaines : enjeux architecturaux et figuratifs. Les cas de Nantes, p. 137

 

Julien Noblet

Portails seigneuriaux et façade occidentale : l’exemple des collégiales castrales à vocation funéraire, p. 149

 

Mathieu Lours

Porte ou barricade ? Le jubé des cathédrales à l’épreuve de la modernité (XVIe-XVIIIe siècles), p. 161

 

Sophie Duhem

Quand les Enfers habitent le ciel et que les maux menacent « d’en haut ». La topographie des portes infernales dans les églises bretonnes (XVIe et XVIIe siècles), p. 179

 

Anne Lepoittevin

Portes sculptées, portes feintes. La symbolique du passage dans le parcours dévotionnel des Sacri Monti, p. 187

 

 

Les XIXe et XXe siècles

 

Raphaële Delas

La (re)naissance du décor des portails gothiques en Frances au XIXe siècle, p. 203

 

Grégoire Franconie

Au seuil d’un portail royal – Le portail néogothique de Dreux, p. 213

 

Vincent Flauraud

La porta fracturée – De l’expulsion de religieux en 1880 à l’évacuation de l’église Saint-Bernard à Paris en 1996, p. 223

 

Gérard Monnier

Portes et vantaux dans l’architecture sacrée : Sur quelques interprétations contemporaines, p. 233