Ferdière, Alain (dir.): La Gaule lyonnaise. 168 p., 1,263 kg, 24,4cm x 30,5cm x 1,7cm, ISBN : 978-2-7084-0893-7, 65 €
(Picard, Paris 2011)
 
Recensione di Walter Leclercq, Université Libre de Bruxelles
 
Numero di parole: 1416 parole
Pubblicato on line il 2012-09-21
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1494
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          Après leur synthèse sur le Néolithique en France, les éditions Picard continuent sur leur lancée avec la publication de cet ouvrage sur la Gaule lyonnaise. Les mêmes ingrédients sont au rendez-vous : une alliance entre un texte scientifique, mais adapté à un large public, et une illustration foisonnante et de qualité (pas moins de 108 figures, presque toutes en couleur), sous la plume des spécialistes du genre réunis ici par Alain Ferdière.

 

          Création artificielle augustéenne regroupant une trentaine de peuples préromains, la Gaule lyonnaise s’étend de la France métropolitaine, du Lyonnais et des Dombes à l’est à la Bretagne à l’ouest. Si sa géographie présente un relief relativement faible, elle possède au contraire une façade maritime qui s’étend sur plus de 3300 kilomètres.

 

          La conquête romaine de cette région connut des fortunes diverses au cours des siècles. Dès 58-56, le nord-ouest fut conquis mais plusieurs régions se soulevèrent, notamment l’Armorique. Par la suite, les Trois Gaules furent alors subdivisées en 25 cités dont les délimitations floues proposées par les spécialistes reposent essentiellement sur celles des diocèses médiévaux. Baignant dans une paix relative, la Gaule lyonnaise connut une révolte sous Tibère en 21 ap. J-Chr. Toutefois, il fallut attendre l’avènement de Claude, né à Lyon, pour que cette province connût un véritable développement urbanistique : les édifices se multiplièrent tandis qu’on assista à une expansion régulière du réseau routier. À l’exception d’un soulèvement en 68-69 ap. J.-C., il fallut attendre la fin du IIe siècle pour voir émerger des troubles, issus tantôt du brigandage tantôt du conflit opposant Septime Sévère à Clodius Albinus.

 

          Au cours de ces nombreuses années, la province de Gaule lyonnaise a fait l’objet d’une véritable "romanisation" au travers de l’urbanisation des villes, que l’on peut ressentir dès le Ier siècle av. J-C. Un des aspects est l’établissement de nouvelles villes augustéennes, ainsi qu’en atteste une dédicace à Caius César ; la présence d’un centre civique (forum, curie et basilique), toutefois rare dans la province, en est un autre. Parmi les constructions que l’archéologie met au jour, les thermes sont relativement fréquents. Toutefois, à Lyon, ville à laquelle l’ouvrage consacre une large part, signalons la découverte d’édifices remarquables, symboles de la romanisation, tels les aqueducs, le théâtre, l’amphithéâtre et même l’odéon. La romanisation se traduisit également par l’adoption de pratiques alimentaires (boulangerie, boucherie en ville et ses dérivés) mais aussi, d’un point de vue culturel, par la langue latine, du moins pour l’écrit, qui remplaça progressivement la langue gauloise.

 

          Après la conquête, les légions se concentrèrent uniquement en des lieux stratégiques sur les grands axes ou sur les frontières de la Gaule le long du Rhin ; une d’elles fut réellement assise à Lyon même. C’est en effet dans cette ville notamment que furent relogés les colons chassés de Vienne par les Allobroges à la mort de César. De terre et de bois, elle connut un développement urbanistique dès son accession au rang de capitale de la Gaule lyonnaise entre 16 et 13 av. J.-C. De ce fait, elle accueillit plusieurs services administratifs ainsi qu’un atelier monétaire (le système monétaire romain devint dominant, peu de pièces gauloises restèrent encore en circulation) gérant non pas la Lyonnaise uniquement mais bien les Trois Gaules. Elle abrita, à l’instar de Rome et Carthage, une cohorte urbaine.

 

           Outre les villes principales, un habitat rural était bien attesté en Lyonnaise où se côtoyaient des villages agricoles, des fermes traditionnelles qui persistent après la conquête et la villa romaine classique. Malgré la mise en évidence de l’existence de ce tissu rural, la base documentaire sur l’agriculture reste relativement faible. On sait qu’elle reposait en grande partie sur la céréaliculture, avec l’araire comme principal outil. Dès le Ier siècle ap. J.-C., la viticulture s’installa clairement au sein de la province : production d’amphores à vin, mise au jour de vignobles et de serpettes de vignerons en sont les meilleurs témoins archéologiques. Au bout du circuit de production, la présence de négociants en vin à Lyon est attestée à travers l’épigraphie. Bœufs, porcs et moutons font évidemment l’objet d’élevage et les ressources maritimes sont largement exploitées le longs des côtes, notamment dans des villae maritimae (sel, pêche, pisciculture,...).

 

          Les marchandises étaient acheminées par eau, tant par mer que par fleuve. De moindre coût, ce transport put bénéficier d’un large réseau de voies navigables à l’intérieur des terres et le long de la façade maritime. L’usage abondant de ce réseau est bien mis en évidence par la découverte de nombreuses installations portuaires. Ce transport par eau était néanmoins complémentaire du réseau terrestre qui se superposa aux voies gauloises existantes. Simplement empierré, parfois pavé, il reste encore mal documenté faute d’étude à large échelle. La connaissance des tracés des voies est due la plupart du temps à leur remploi par les voies médiévales et modernes.

 

          Ce développement des transports peut être mis en parallèle avec une activité commerciale probablement assez intense. Des corps de transporteurs assuraient le déplacement des marchandises. Néanmoins, très peu de ces dernières peuvent être tracées de leur lieu de production à celui de leur consommation. Les matériaux lithiques, entre autres, ont une distribution généralement locale (dans de rares cas des provenances plus lointaines, notamment méditerranéennes). L’approvisionnement en sigillées, d’origines lyonnaises et italiques au début, se fit par la suite par des ateliers de Gaule (Lezoux par exemple). Les vins exclusivement en provenance de l’Italie font place à ceux d’origine espagnole dans un premier temps, à ceux produits par les Gaulois dans un second temps.

 

          Un artisanat d’art se développa en Gaule Lyonnaise comme en témoignent les multiples découvertes effectuées dans les villae. Toutefois, il trouve sa plus belle expression dans l’art religieux. La romanisation des divinités locales permit d’implanter des divinités telles que Jupiter, Mars (photo de couverture) et Mercure parmi les plus connues. Toutefois, ce phénomène d’assimilation n’était pas systématique : certaines divinités conservèrent leur nom soit en raison de l’absence d’équivalent romain (Cernunnos), soit en raison de leur importance locale (les dieux accroupis). On rencontre également des dieux locaux affublés des expressions divinisées du pouvoir impérial afin d’illustrer le rôle majeur que joue l’empereur dans le maintien de la paix dans la cité. Des cultes plus orientaux s’insinuèrent également dans la vie religieuse de la province, notamment celui de Mithra. Ces divinités pouvaient résider dans des temples définis par l’homme (aedes) et dans des sanctuaires fruits des mains divines, qui prenaient la forme de grottes, d’étangs ou de sources comme sur le site de Saint-Père-sous-Vézelay.

 

          Du monde des dieux à celui des morts, la frontière entre les deux reste mince. Installée à l’extérieur de l’habitat, la pratique funéraire majeure est l’incinération du corps. À partir du IIIe siècle, cette dernière s’effaça progressivement au profit de l’inhumation. Accompagnée de mobilier, la tombe du défunt était surmontée d’une stèle pouvant représenter le métier de la personne enterrée. Parfois, un dépôt animal (des chevaux à Meuilly) pouvait être ajouté à la sépulture.

 

          Enfin, à la fin du IIIe siècle, la Gaule Lyonnaise connaît une vague de migrations avec des incursions franques, saxonnes et frisonnes, ce qui entraîna un renforcement militaire au sein de la province, perturbations qui marquèrent l’entrée de cette dernière dans le Bas-Empire. Ces infiltrations s’achevèrent au Ve siècle par l’installation des "royaumes barbares".  Ce ne furent pas les seules perturbations que connut cette province : elle subit également des pillages pratiqués par les "Bagaudes", pillards composés des couches démunies de la société. La Gaule Lyonnaise connaît de profonds changements administratifs  à la suite de plusieurs réformes ; sa division en plusieurs unités enleva à Lyon son statut privilégié au sein des Trois Gaules. Elle sera réduite à la Presqu’Île et aux berges de la Saône. Cette baisse démographique affecta, à quelques exceptions près, la plupart des secteurs économiques : la culture (la viticulture étant moins touchée), le système monétaire avec de nombreuses réformes, des changements dans les sources d’approvisionnement. Certains sanctuaires furent désertés ou leur usage fut transformé et les premières traces de christianisation firent leur apparition dès le IIe siècle à Lyon.

 

          Nous ne pouvons qu’adresser des louanges à l’auteur de cet ouvrage qui livre de manière magistrale un texte scientifique accessible à tous. En effet, grâce à une définition courte et claire des termes utilisés, le lecteur peut aisément parcourir le livre sans être noyé dans les méandres de l’administration romaine.