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Compte rendu par Eve Gran-Aymerich, Académie des inscriptions et belles-lettres Nombre de mots : 772 mots Publié en ligne le 2013-08-27 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1508 Lien pour commander ce livre
B. Savoy, professeur d’histoire de l’art à la Technische Universität de Berlin et spécialiste des transferts culturels franco-allemands, a été conduite à s’intéresser à l’« affaire Néfertiti » par la découverte d’un dossier d’archives inédites conservé dans le fonds Pierre Lacau (1873-1963) du Centre Wladimir Golenischeff de l’EPHE. Ces 29 documents regroupés sous le titre « Tête de Néfertiti » sont des doubles remis par le bureau des archives du Service des Antiquités d’Égypte à P. Lacau qui le dirigea de 1914 à 1936. Ce dossier réunit les éléments d’une chronique de cette affaire qui opposa P. Lacau et son service à son collègue Ludwig Borchardt (1863-1938), directeur de l’Institut allemand d’archéologie du Caire et chargé depuis 1911 de l’exploration de la cité de Tell el-Amarna : en effet, de 1925 à 1931, le buste de Néfertiti, découvert en 1912 et attribué au Musée de Berlin après partage de l’ensemble des découvertes avec le musée du Caire, fait l’objet d’une demande de restitution de la part de Lacau qui l’impose comme une condition sine qua non pour accorder l’autorisation de reprendre les fouilles à Tell el-Amarna. Ce dossier, publié ici dans son intégralité en français et en traduction allemande, constitue un complément indispensable à la documentation jusque-là utilisée pour éclairer cette affaire dont le volet français pâtissait d’un manque d’éléments d’information. Ainsi qu’elle l’indique dans son introduction, B. Savoy modifie la perspective des études consacrées à cette affaire et fondées essentiellement sur des sources allemandes : elle met en pleine lumière la part décisive prise par P. Lacau dans le déclenchement du conflit avec ses collègues de l’Institut allemand d’archéologie égyptienne, à un moment marqué par l’ostracisme exercé par la communauté scientifique européenne à l’égard de l’Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale. De fait, l’initiative tardive de P. Lacau s’explique par son histoire personnelle et l’expérience décisive de la guerre qui le portent à s’opposer au retour des archéologues allemands en Égypte. En faisant remonter à 1912 – date de la découverte du buste – le début de l’Affaire Néfertiti, B. Savoy en restitue le contexte scientifique, historique et politique. Le premier chapitre inscrit le partage de 1913 dans la perspective de la « stratégie » libérale adoptée jusqu’en 1914 par Gaston Maspero (1846-1916) à la tête du Service des Antiquités : en effet, il accorde aux égyptologues étrangers de nombreux chantiers pour activer la recherche et contribuer ainsi à la sauvegarde du patrimoine égyptien. Jusqu’à la fin de son mandat, l’égyptologie reste la plus « transnationale » des disciplines archéologiques, dans un contexte de rivalité franco-britannique attisée par les dispositions prises par Lord Kirchener à l’égard du Service des Antiquités, en particulier l’obligation de procéder au partage « à moitié exacte » qui, appliqué en 1913 aux découvertes de Tell el-Amarna, est la source du conflit franco-allemand déclenché en 1925. L’égyptologie qui, jusqu’en 1914, avait donné une remarquable illustration de collaboration et de transferts culturels internationaux exercés dans un milieu colonial complexe, voit ses fondements mêmes ébranlés du fait de la situation politique internationale et de l’hostilité qu’elle engendre dans la communauté scientifique. C’est le grand mérite de cette étude scrupuleuse d’élucider le processus de mise en échec des pratiques d’échanges et de collaboration par irruption du politique dans le champ scientifique, en l’occurrence à l’occasion de la Première Guerre mondiale (chap.II « Grabenkämpfe der Ägyptologen. Die Protagonisten der Nofretete-Affäre im Ersten Weltkrieg »). L’introduction du buste de Néfertiti sur l’avant-scène esthétique et médiatique (chap. III « Von Gipskopf zur Ikone. Nofretetes Sichtbarwerden 1913-1923 ») nourrit la discorde en faisant intervenir des facteurs qui tiennent à l’exacerbation du sentiment national aussi bien entre l’Allemagne et la France que de la part de l’Égypte même. L’analyse de cette situation met en évidence les enjeux de politique internationale et le rôle important de la presse et de l’opinion publique. Cet essai de décryptage d’une affaire qui n’a pas encore trouvé son dénouement, vaut comme démonstration exemplaire du fonctionnement des transferts scientifiques internationaux dans un contexte historique exposé aux rivalités nationales et aux ambitions coloniales. B. Savoy pose ainsi la question toujours actuelle de la légitime propriété des collections archéologiques constituées sur les territoires extra-européens et souligne la nécessité pour les musées d’encourager une recherche plus active sur leurs fonds d’archives.
Inhalt
7 Vorwort 9 Einleitung 15 I »…und sie ging nach Berlin« Freigiebigkeit als Strategie: Die Fundteilung von 1913 35 II Grabenkämpfe der Ägyptologen Die Protagonisten der nofretete-affäre im Ersten Weltkrieg 54 III Vom Gipskopf zur Ikone n ofretetes internationales Sichtbarwerden 1913–1923 73 Anmerkungen 86 Dokumentation Die akte »tête de nefertiti« im nachlass von Pierre lacau 216 Quellenverzeichnis und Bibliographie 222 Abkürzungen 223 Bildnachweis 226 Dank 227 Register
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Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |