Diot, Martine: Les escaliers. Etude de structures du XII au XVIIIe siècle. 31 x 22 cm - 288 p., ISBN 978-2-7577-0157-7, 35 €
(Éditions du Patrimoine Centre des Monuments nationaux, Paris 2011)
 
Recensione di Sophie Fradier
 
Numero di parole: 1274 parole
Pubblicato on line il 2012-05-30
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1566
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          Ce nouveau volume de la collection des Albums du C.R.M.H - Centre de recherches sur les monuments historiques - est consacré à l’escalier. Il s’agit d’une étude de typologie structurelle aux limites chronologiques très larges. L’imposante introduction, près d’un tiers de l’ouvrage, est complétée par un catalogue de trente-huit notices, trente-huit sites étudiés dont les escaliers sont répertoriés selon leur typologie. Tous les exemples retenus sont accompagnés d’un important dossier iconographique composé de relevés, plans au sol, élévations, coupes longitudinales et transversales, et de photographies anciennes. Un glossaire et une bibliographie sont placés en fin d’ouvrage. Le Centre de recherche sur les monuments historiques est un service de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine. Créé à la fin des années 1930, il a aujourd’hui pour mission de « collecter des données sur les matériaux et les mises en œuvre anciennes, découverts à l’occasion de chantiers de restauration » (1). L’étude des éléments d’architecture du second œuvre, comme les escaliers, constitue une priorité pour le C.R.M.H car ces parties sont souvent les plus menacées. Les données sont recueillies sur le terrain. À l’intérieur des bâtiments anciens, le C.R.M.H effectue des relevés systématiques : des plans de localisation dans l’édifice ; des plans généraux de l’élément ; des élévations, extérieure et intérieure ; des coupes horizontales et verticales, etc. À cette documentation dessinée s’ajoutent des rapports techniques et des clichés photographiques. Les Albums du C.R.M.H sont donc le résultat d’une collecte réalisée in situ. Ils mettent à disposition une documentation normalisée autour d’une thématique. Plus de cent cinquante ouvrages ont été publiés dans cette collection aux Éditions du Patrimoine. Depuis 1995, le C.R.M.H propose la réédition d’anciens albums (2). Le livre de Martine Diot participe de cette ligne éditoriale. L’auteur, chargée d’études documentaires au C.R.M.H, propose une compilation en un seul volume de huit études parues dans les années 1980 (3).

 

          Martine Diot évoque dans la première partie la conception des escaliers. Son propos est fondé sur l’étude des livres d’architecture. Par une lecture croisée des publications d’Andrea Palladio (1570), Louis Savot (1624), Pierre Le Muet (1681), ou encore Augustin-Charles d’Aviler (1691) et Jacques-François Blondel (1771-1777), elle met en évidence les quatre principes généraux qui régissent la conception des escaliers : leur disposition, leur taille, la lumière à leur donner et l’influence de leur cage sur la façade. Elle décrit comment les architectes perçurent et résolurent ces problèmes. Le discours est plus descriptif qu’analytique. Ce parti pris est intéressant. L’historien de l’architecture trouve ainsi énumérés les noms d’un grand nombre des architectes-théoriciens ayant abordé ces questions de conception. Martine Diot relève par exemple qu’« Alberti apprécie que les escaliers soient bien éclairés et que leurs dimensions et leur ampleur soient conformes à l’importance du lieu » (4) ; elle précise que « Palladio estime dans Les Quatre Livres de l’architecture, que les escaliers ont toutes les qualités requises à leur perfection s’ils sont clairs, spacieux, faciles à monter » (5). Quand l’auteur traite de la réalisation des escaliers, elle procède selon une méthodologie similaire, à savoir une description dont la base reste un examen des livres d’architecture : « Philibert Delorme, dans son Traité d’architecture, n’envisage que l’édification des escaliers en vis qui sont les plus usités de son temps. Il insiste sur la nécessité de monter l’escalier en même temps que les maçonneries et non après » (6) ; « Pour Alberti, les bons architectes ne réalis[ent] presque jamais plus de sept ou neuf marches d’affilée sans ménager un palier, pour que les personnes fatiguées ou faibles puissent interrompre l’effort » (7).

 

          Le point consacré à l’évolution typologique de l’escalier est entièrement dépendant du catalogue ; comme lui il s’articule en quatre sous-parties qui correspondent à quatre types d’escaliers : les escaliers de forme simple ; les escaliers en vis ; les escaliers à retour et les escaliers à jour. Chaque type est clairement défini et contextualisé. En somme, Martine Diot propose un dictionnaire amplifié. Néanmoins, l’historien de l’architecture préférera sans doute se reporter à Architecture et vocabulaire méthodiques de Jean-Marie Pérouse de Montclos, récemment réédité et augmenté (8), un dictionnaire traditionnel dont l’emploi est plus aisé pour des définitions équivalentes. En ce qui concerne les éléments de contextualisation, ils s’inscrivent dans une histoire de l’architecture déjà établie depuis les années 1980 (9). Rien de rédhibitoire, cependant. Car il ne faut pas perdre de vue que les albums du C.R.M.H s’adressent en priorité aux architectes et autres corps de métiers participant à la restauration du patrimoine (10).

 

          L’apport du livre de Martine Diot est donc à rechercher du côté de son catalogue de relevés. Or ces derniers, qui renseignent l’architecte ou le professionnel du bâtiment sur une histoire des mises en œuvre anciennes, mettent l’historien de l’architecture face aux limites de son champ d’étude, face aux limites de sa formation ! C’est donc du côté de Jean-Daniel Pariset, Directeur de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, que nous nous sommes tournés pour comprendre les raisons d’être de ce livre, et plus largement des dernières rééditions des Albums du C.R.M.H. Ce dernier nous a indiqué que le précédent ouvrage de Martine Diot, Les cheminées : étude de structures du Moyen-âge au XVIIIe siècle, avait été écoulé en seulement une année (11). Autre fait significatif, plusieurs projets sont en cours de publication (12). Le succès des Albums de C.R.M.H, témoigne sans aucun doute du grand intérêt de ces publications pour un public spécialisé. Peut-être ne tient-il donc qu’aux historiens de l’architecture, ou apprentis historiens de l’architecture de s’ouvrir à une histoire de l’art plus technique !

 

Notes :

 

[1] Site de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine : http://www.mediatheque-patrimoine.culture.gouv.fr/

 

[2] Informations recueillies auprès de M. Jean-Daniel Pariset, Conservateur général du patrimoine, Directeur de la Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, le 4 avril 2012.

 

[3] Escaliers divers en pierre, du XVIe au XVIIIe siècle - régions diverses, Paris, s.d ; Escaliers en bois. Études de structures XVe et XVIe siècles, Paris, 1983 ; Escaliers en bois. Études de structures XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1983 ; Escaliers en pierre à deux noyaux. XVIIe siècle et XVIIIe siècles - régions diverses, Paris, s.d ; Escaliers en pierre à quatre noyaux suspendus - régions diverses, Paris, s.d ; Escaliers en pierre en vis, à noyau, du XIIe au XVIIe siècle - régions diverses, Paris, s.d ; Escaliers en pierre en vis, suspendus, du XVIe au XVIIe siècle - régions diverses, Paris, s.d.

 

[4] DIOT Martine, Escaliers : étude de structures du XIIe au XVIIIe siècle, Paris, éd. du Patrimoine, 2011, p. 13.

 

[5] Ibidem.

 

[6] Op. cit. note 4.

 

[7] Op. cit. note 4.

 

[8] PÉOUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Architecture : description et vocabulaire méthodiques, Paris, éd. du Patrimoine, 2011.

 

[9] PÉROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, L’architecture à la française du milieu du XVe siècle à la fin du XVIIIe siècle, Paris, éd. Picard, 1982 (1ère édition), réédition 2000 ; GUILLAUME Jean, « Genèse de l’escalier moderne », L’escalier dans l’architecture de la Renaissance, Paris, éd. Picard, 1985, p. 9-14.

 

[10] « Le présent album est un outil de travail pour les architectes et les compagnons participant à la restauration du patrimoine, mais aussi pour tous ceux qui souhaitent connaître les savoir-faire anciens », PARISET Jean-Daniel, « Avant-propos », Escaliers : étude de structures  du XIIe au XVIIIe siècle, Paris, éd. du Patrimoine, 2011, p. 7.

 

[11] Informations recueillies auprès de M. Jean-Daniel Pariset, Conservateur général du patrimoine, Directeur de la Médiathèque de l’architecture et du Patrimoine, le 4 avril 2012.

 

[12] Les charpentes du XIe au XIXe siècle : typologie et évolution dans le grand sud-ouest, Paris, éd. du Patrimoine (à paraître) ; Planches et parquets du XVIe au XIXe siècle, Paris, éd. du Patrimoine (à paraître).