| Descamps-Lequime, Sophie - Charatzopoulou, Katerina (dir.): Au royaume d’Alexandre le Grand. La Macédoine antique. Catalogue d’exposition, Paris, musée du Louvre (13 octobre 2011 - 16 janvier 2012), 728 pages, 620 illustrations, 24,6 x 30 cm, ISBN-9782757204764, 49 € (Musée du Louvre Editions / Somogy éditions d’art, Paris 2011)
| Compte rendu par Jacques des Courtils, Université Bordeaux III Nombre de mots : 1891 mots Publié en ligne le 2012-04-02 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1569
Le catalogue de l’exposition du Louvre « au royaume
d’Alexandre le Grand, la
Macédoine antique » est un ouvrage considérable d’abord
par ses dimensions (727 pages) et par le luxe de la présentation (couverture
rigide, abondance et qualité remarquable de l’illustration), à l’image de
l’exposition elle-même caractérisée par l’abondance des objets et la générosité
des prêts consentis par le gouvernement grec (y compris de « petits »
musées comme ceux de Florina ou de Dion), le tout pour un prix extrêmement
modéré. Ce luxe, presque tapageur, se manifeste dans une présentation agréable,
très aérée au point même qu’on se prend parfois à penser qu’une mise en page
plus serrée aurait permis de faire un ouvrage un peu moins volumineux (et donc
moins pesant !)…
Depuis la découverte de la tombe de Vergina par M.
Andronicos, l’attention du public s’est concentrée sur les trésors des
nécropoles macédoniennes et il est heureux que le présent catalogue, comme
l’exposition dont il est la quintessence, offre une présentation générale de la
civilisation macédonienne, comme une sorte d’encyclopédie de la Macédoine antique depuis
les origines brumeuses du royaume à l’époque protohistorique jusqu’à la fin de
la période romaine. Comme le montre la table des matières (voir ci-dessous),
tous les aspects sont envisagés, depuis la géomorphologie et l’histoire jusqu’à
la vie quotidienne, à l’artisanat et aux croyances. Le catalogue proprement dit
comporte 418 entrées (dont beaucoup incluent plusieurs objets), auxquelles
s’ajoutent de nombreuses photos d’objets, lieux ou monuments non exposés.
L’ouvrage est judicieusement complété par un index des sites archéologiques de
Macédoine et se termine par une bibliographie extrêmement abondante et très à
jour, qui à elle seule constitue un excellent outil de travail.
Le premier chapitre est consacré à la redécouverte moderne du
royaume de Macédoine, il évoque évidemment les récentes et spectaculaires
découvertes des archéologues grecs qui ont attiré les projecteurs sur cette
région et réunit les souvenirs des pionniers, presque uniquement français, qui,
dès le XVIIIe siècle, avaient commencé à alimenter les collections
et musées en objet macédoniens. On trouve ensuite une évocation documentée des
premières missions scientifiques qui s’intéressèrent à la Macédoine : celle
de L. Heuzey et H. Daumet, dont les acquis scientifiques sont sur certains
points irremplaçables, mais aussi celle de l’armée d’Orient qui fit dans des
conditions particulières un travail
remarquable. Les objets illustrés dans cette section sont des stèles funéraires
d’époque romaine, des objets métalliques et des céramiques attiques classiques,
avec d’intéressants ensembles funéraires, mais aussi les ensembles de matériel
de quelques tombes comportant des productions régionales (casques
« illyriens » en bronze).
Les deux chapitres suivants sont consacrés respectivement à la Macédoine préhistorique
jusqu’au VIe siècle d’une part, à la royauté macédonienne des Ve
et IVe s. d’autre part. Les thèmes abordés dans le premier de ces
deux chapitres sont l’introduction de la culture néolithique (une page), l’âge
du bronze, l’âge du fer et les colonies grecques. La question de la
continuité/discontinuité entre l’âge du bronze et celui du fer est illustrée
par des exemples des deux cas. Un exposé traite de la fondation des colonies
grecques avec une énergie tirée de la lecture des sources écrites antiques qui
laisse toutefois de côté la question de leur crédibilité réelle. L’essentiel
des données contenues dans la partie correspondante du catalogue provient de
fouilles de tombes qui ont apporté beaucoup de connaissances sur les
différences régionales internes à la Macédoine, mais aussi sur les circulations des
groupes humains entre le nord et le sud de la Grèce. On se réjouit de
voir décrits et illustrés un bon nombre d’objets inédits (notamment des tumuli
de la nécropole de Néa Zoé Almopias). Dans la section consacrée à la royauté
classique sont principalement mis en œuvre les sources numismatiques et
iconographiques, et, bien évidemment, les trouvailles des tombes. Les données
concernant les palais (heureuse occasion de réunir avec de très belles photos
les fragments conservés par le Louvre, dont les placages de la tholos de
Vergina, d’époque romaine) et les tombes royales sont traitées et actualisées
de façon synthétique : les problèmes de la datation, de la restitution et
de l’interprétation des palais sont au passage résumés. Parmi les découvertes
récentes qui méritaient particulièrement d’être signalées, on se réjouira de
voir traité, même succinctement, du très intéressant site d’Aineia (qui permet
d’étayer l’existence de rapports entre la Macédoine et l’Italie du sud).
Les chapitres suivants examinent les grands thèmes de la
civilisation de la Macédoine
telle qu’elle se présente dans les conditions nouvelles inaugurées par la
conquête d’Alexandre. Outre un bel échantillonnage de monnaies, la richesse de
la société macédonienne est illustrée par les découvertes de la nécropole de
Dervéni, ainsi mises à la disposition du public non-hellénophone plus
commodément que dans la publication en grec de P. Thémélis et I. Touratsoglou.
Les aspects de société sont abordés par le biais de la littérature, de la
philosophie, de la musique et de la danse, du théâtre, de la vie dans l’univers
des femmes et dans celui des hommes (dans ce dernier, la chasse est mentionnée
de façon un peu rapide eu égard à son importance symbolique dans la sphère
politique). La section consacrée à la production artistique est évidemment très
riche : y sont évoqués la statuaire (avec un échantillonnage un peu
hétéroclite, cat. 263 à 266), la coroplathie, l’ivoirerie (domaine d’exception
qui est très bien illustré), le verre (autre originalité révélée par les
fouilles des nécropoles macédoniennes), enfin les ateliers (avec mention un peu
rapide du cas de l’agora de Pella où l’on détecte la présence d’un regroupement
artisanal important). Vient enfin un chapitre très attendu sur la religion et
la mort, qui en aborde à peu près tous les aspects principaux sans omettre
évidemment les tombes, dont plusieurs aspects mal connus sont soulignés, ainsi
que des trouvailles aussi étranges qu’intéressantes comme les phiales à
omphalos rituellement écrasées. Sont aussi décrits et illustrés deux ensembles
funéraires (cat. 343 et 344) mais chaque élément fait alors l’objet d’un
traitement individuel sans que l’ensemble soit traité globalement.
Le catalogue comprend enfin une importante section consacrée
à la période romaine, avec, entre autres, quelques-uns des admirables bustes de
Thessalonique, et surtout le portique de l’Incantada dont est enfin fournie une
étude scientifique illustrée par d’admirables photographies. En épilogue se
trouve évoquée la genèse de la légende d’Alexandre.
Un tel ouvrage impressionne par la richesse et l’abondance
de la matière abordée : c’est toute l’histoire d’une région (et quelle
histoire !) qui est ici convoquée avec tous ses aspects ! L’abondance
même des objets contenus dans le catalogue, tous illustrés et commentés,
témoigne de cette richesse, reflet de la richesse de l’exposition du Louvre. On
pourra tout de même critiquer certains partis adoptés, à commencer par
l’imbrication des chapitres de synthèse à l’intérieur du catalogue :
chaque thème, chaque sous-thème fait l’objet de quelques pages d’introduction,
mais le nombre même des sujets abordés a imposé à chaque auteur de se contenir
dans des limites qui rendent la lecture de la plupart de ces textes un peu
frustrante : tant de questions sont évoquées en très peu de pages à chaque
fois (deux en général), mais pas vraiment traitées… Des chapitres plus étoffés
et moins nombreux eussent sans doute fourni un support scientifique mieux
charpenté parce que moins éclaté. De même, la multiplication des thèmes a pour
conséquence de disperser des objets de catégories identiques dans plusieurs
chapitres en fonction des angles sous lesquels leur famille est abordée :
ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le catalogue s’ouvre-t-il par les
acquisitions et découvertes françaises du XIXe siècle, qui nous
plongent pour la plupart dans la période romaine (stèles funéraires), laquelle
sera traitée en tant que telle à l’autre
extrémité du volume. À l’inverse, on ne peut évidemment pas manquer de se
réjouir de la richesse de la matière apportée par ce catalogue qui comporte pas
mal d’inédits et beaucoup de mises à jour très utiles (sauf sur le sanctuaire
de Samothrace, où la chronologie et les identifications des monuments ne
prennent pas en compte les dernières conclusions des archéologues américains).
Un dernier regret : si les photographies des objets
sont d’une qualité irréprochable et digne de tous les éloges, les vues des
sites et les plans sont généralement beaucoup trop petits ce qui en réduit
considérablement l’utilité. La même critique s’adresse à la typographie :
le texte est en caractère extrêmement petits, ce qui en rend la lecture un peu
difficile (y compris celle des appels de notes, carrément minuscules).
Venant après les catalogues d’autres expositions consacrées
à la Macédoine
dans divers pays et sous des thématiques diverses, ce magnifique catalogue ne
saurait prétendre à une grande originalité. Il a cependant le mérite de mettre
à notre disposition une somme exceptionnellement riche et actualisée sur les
recherches anciennes et récentes concernant l’archéologie de la Macédoine et les
enseignements très variés qu’on peut en tirer, ces derniers étant l’objet de
nombreux chapitres qui en résument l’intérêt et sont plutôt à considérer comme
les amorces d’études à poursuivre : la superbe bibliographie finale,
extrêmement copieuse et parfaitement à jour, fournit un excellent outil de base
pour continuer dans cette voie.
Table des
matières
I La découverte de la Macédoine antique
-
Histoire de l’archéologie grecque en
Macédoine
Fouilles grecques des XXe et XXIe siècles : les grandes découvertes
- La présence française en Macédoine
de la fin du XVIIIe au début du XXe s.
Découvertes fortuites et présence
consulaire à Thessalonique
- La mission archéologique de Léon
Heuzey et d’Honoré Daumet (1861)
Les fouilles du Service archéologique
de l’armée d’Orient (1917-1918)
II De la préhistoire à la formation du
royaume : la Macédoine
jusqu’au VIe s. avant J .-C.
- Les premières agglomérations rurales
de l’Europe
-
L’âge du bronze et l’âge du fer en
Macédoine
L’habitat dans la première phase de
l’âge du fer
- L’époque archaïque
- Colonies grecques et
échanges commerciaux
III La royauté macédonienne
d’Alexandre Ier à Alexandre le Grand (Ve-IVe s. avant
J.-C.)
- L’expansion du royaume
de Macédoine
-
La dynastie des
Téménides
- Les réformes de
Philippe II et d’Alexandre III : les armes et l’armée des Macédoniens
Capitales et cités
sacrées : les trois grands centres macédoniens
Les palais macédoniens
- L’expansion du royaume
de Philippe II : présence de l’élite macédonienne à Aineia
IV L’essor de la Macédoine à l’époque
hellénistique (fin du IVe – début du IIe s. av. J.-C.)
-
Le royaume de Macédoine
à l’époque hellénistique
- Le règne de Cassandre
et la dynastie des Antigonides
Les royaumes
hellénistiques
- L’afflux des richesses
à la suite des conquêtes d’Alexandre
V La société macédonienne aux
époques classique et hellénistique
-
L’éducation du corps
et de l’esprit.
La vie intellectuelle
Le monde des
femmes : parure, vie domestique et objets du quotidien
- L’univers masculin
- Le monde rural
VI La production artistique en
Grèce du nord aux époques classique et hellénistique
-
L’architecture
La grande peinture
- La mosaïque
La sculpture
- La coroplathie
La céramique
- La toreutique
L’orfèvrerie
Le verre
L’ivoirerie
Le travail de
l’albâtre
- Les ateliers en
Macédoine, de l’époque archaïque à l’époque hellénistique
VII La religion et la mort aux
époques classique et hellénistique
VIII Une ère nouvelle : La Macédoine antique sous
domination romaine
-
La conquête du royaume
- La Macédoine à
l’époque impériale
Villes et colonies
romaines
- Cultes et sanctuaires
LA société
gréco-romaine de Macédoine
IX Genèse antique de la
légende d’Alexandre le Grand
Annexes
Les sites archéologiques de Macédoine
La représentation en réalité virtuelle de la maison du Dionysos de
Pella par la fondation du monde hellénique
Bibliographie
Index |