Nitti, Patrizia (dir.): Pompéi, un art de vivre. Catalogue de l’exposition du musée Maillol du 21 Septembre 2011 au 12 Février 2012. 225 pages, Dimensions 210 x 260 mm, 200 illustrations, N°ISBN 978-2-07-013522-6, 39 €
(Gallimard/Musée Maillol. Paris 2011)
 
Reviewed by Alix Barbet, CNRS
 
Number of words : 1704 words
Published online 2012-02-17
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1570
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          Ce catalogue, en format à l’italienne, à tranches rouge vif, présente 209 objets, tous décrits et tous illustrés, précédés de brefs exposés thématiques. Après une courte préface de Patrizia Nitti, et une introduction de l’actuelle surintendante de Naples et de Pompéi, Teresa E. Cinquantaquattro, Stefano De Caro questionne la maison pompéienne et l’antiquité face à son mythe, Valeria Sampaolo l’aménagement intérieur. Un point particulier sur l’eau et son usage dans la maison est développé par Hélène Dessales qui note clairement un réseau de distribution hiérarchisé, et comment ladite eau est mise en scène [1]. Un bref aperçu de la matrone romaine en sa demeure par Marine Bretin-Chabrol, est suivi d’une note sur les jardins par la spécialiste du sujet Annamaria Ciarallo. Antonio Varone nous donne deux textes, le premier sur les inscriptions pariétales dont la lecture révèle un niveau de culture appréciable des habitants et parfois même des événements locaux ; puis, un thème qui focalise souvent l’attention des visiteurs de Pompéi, celui de l’amour qui s’exprime sur les murs. Cesare de Seta revient sur un aspect important qui est la découverte de Pompéi et de ses effets sur la culture européenne, d’autant plus que, dans l’exposition, les grandes aquarelles des dessinateurs français qui se sont rendus sur les lieux expriment bien cette fascination. Irene Bragantini se penche sur le décor intérieur dont elle note qu’il est un véritable miroir des modes et des mentalités durant les trois siècles où l’on a pu l’observer, notamment à travers la peinture murale.

 

          Le catalogue est organisé en huit thèmes, sans renvoi aux pages qui les concernent et qui ne suivent pas vraiment la présentation d’une maison romaine et de ses différentes pièces. Tout d’abord, les habitants, l’atrium, la religion, la culina, le triclinium, les thèmes érotiques du banquet, le péristyle et le jardin, le balneum. Une grande partie de ces objets ne provient pas de Pompéi et le titre de l’exposition, comme cela est souvent le cas, se focalise sur un seul site emblématique. En réalité, elle provient d’une dizaine de sites tout autour de la baie de Naples, depuis Herculanum jusqu’à Stabies.

 

          En ce qui concerne le thème 1, les habitants, s’il montre des statues de très belle facture, il présente en outre la maquette d’une maison, le sceau d’un habitant, une clef, une peinture représentant une villa à Stabies, un moulage de corps humain, mais aussi celui du célèbre chien, à côté d’une tire-lire, d’un encrier, d’une lanterne, et de peintures, dont on ne voit pas la raison de leur présence ni celle d’Amours musiciens dans ce thème précis.

 

          Le thème 2, l’atrium, présente effectivement un certain nombre d’objets exposés dans la vaste salle d’entrée du musée, pour évoquer à la fois le mobilier comme le coffre-fort clouté, le cartibulum, table en marbre luxueuse, un puits, et bien entendu des peintures murales.

 

          Le thème 3 est celui de la religion, avec le superbe laraire de Terzigno, les statuettes en bronze des différentes divinités, autel et brûle-parfums.

 

          Le thème 4 est la culina, c’est-à-dire la cuisine, et défile toute une série d’ustensiles, depuis l’entonnoir jusqu’aux amphores, en passant par les louches, poëles, pots de formes singulières, à tête de chien, en forme de coq sans qu’aucune explication ne soit donnée sur les raisons de telles formes, de même pour le pot à tête humaine. La présence d’une amphore à garum, avec inscription, et d’une des mosaïques représentant la même amphore et le nom du propriétaire, le célèbre fabriquant Scaurus, apportent une note exotique à cette gastronomie dont on sait qu’elle fut renommée.

 

          Le thème 5, consacré au triclinium expose en premier lieu le décor du triclinium d’une villa à Stabies, à Carmiano, dont l’un des tableaux figurés pose un problème de lecture car il est présenté comme étant le couple de Bacchus et de Cérès sur un cheval marin, face à Neptune enlevant Amymoné, ce qui semble étrange étant donné que Bacchus figure déjà en triomphateur sur le tableau du mur du fond (p. 112-113). Ce couple amoureux – un petit Amour nage au-dessous – montre un jeune homme couronné tenant deux lances pointées vers le bas. On pense à Méléagre, le chasseur renommé et à sa compagne Atalante qui donna le premier coup au sanglier de Calydon que tua le héros.

 

          Les deux tableaux suivants proviennent de l’exèdre 35 de la maison du Cithariste et n’appartiennent pas, stricto sensu, à un triclinium. Parmi les tableaux suivants des environs de Torre Annunziata, un Narcisse étrange montre une poitrine de femme (p. 118) - on y verrait volontiers une contamination avec le thème d’Hermaphrodite - ou encore ces médaillons d’Herculanum, de provenance précise inconnue. Pour ces derniers, une erreur s’est glissée : le premier personnage à droite est bien un satyre jeune tenant une patère et le dernier à droite est Silène reconnaissable à sa barbe et à son crâne dégarni et non l’inverse comme proposé sur le cartel et dans le catalogue. (p. 119).

 

          Différentes natures mortes évoquent le banquet, et des gouaches de J.-L. Chiflot et d’autres architectes donnent à voir des restitutions de différentes maisons et édifices très détaillées, trop détaillées sans que le catalogue nous livre un décryptage critique. Ainsi pour la maison du Centenaire, on y voit les statues en bronze empruntées à la villa des Papyrus à Herculanum et il aurait été intéressant de le signaler. Après les peintures, viennent une mosaïque de Boscoreale, puis l’argenterie, les lampes, le mobilier, les sculptures, la vaisselle en terre cuite, en bronze, et enfin en verre. Les éléments d’un lit sont donnés en photo sans croquis explicatif pour faire comprendre la place exacte de ces appliques en bronze sur des lits en bois (p. 150-151), car le catalogue reste davantage destiné aux spécialistes qu’au grand public. Même absence de dessins pour le réchaud, dont on se demande si la partie cylindrique contenait vraiment des braises alors qu’on les verrait plutôt au dessous, entre les pieds surélevés reliés par des barres, même si la partie supérieure formait le récipient (p. 164). Une coupe de l’objet aurait été la bienvenue, ce qui est désormais possible avec les nouvelles technologies. De même, le récipient qualifié de « samovar », aurait mérité lui aussi un relevé en coupe pour en faire comprendre le fonctionnement, d’autant plus que le tube recouvert de feuille d’acanthe en guise de cheminée et qui sert de trou d’évent à la vapeur d’eau est qualifié de valve, ce qui est un terme inapproprié (p. 165). C’est dans cette section qu’est présentée l’oenochoé à tête de femme qui sert de frontispice au catalogue, un objet d’une rare beauté, à incrustations de cuivre rouge et d’argent, mais dont la fonction est aussitôt démentie car, est-il écrit, comme ce vase n’a pas de fond, il s’agirait d’un élément de meuble, ce que contredit formellement la présence d’une anse (p. 167). Nous y verrions plutôt un vase à parfum, de petite taille, comme il en existe quelques exemples depuis l’époque grecque jusqu’à l’époque romaine [2].

 

          Le thème 6 concerne les thèmes érotiques du banquet. Parmi les objets qui viennent du cabinet secret de Naples, on remarque un tableau dont le titre est erroné, énonçant satyre et ménade, décrit comme un satyre dénudant le corps d’une nymphe endormie, alors qu’on reconnaît parfaitement le dieu Pan à ses cornes et à ses jambes velues d’animal (p. 180). Quant à la nymphe, que le dieu dévoile, elle est étendue de dos et à voir la main droite ouverte en signe de surprise de Pan, on jurerait plutôt qu’il est en train de découvrir Hermaphrodite, comme on en connaît déjà un exemple, plus explicite il est vrai car Hermaphrodite est présenté de face, et Pan fait le même geste main ouverte, par exemple dans la maison des Dioscures à Pompéi (musée archéologique national de Naples inv. 27700).

 

          La section 7 concerne le péristyle et le jardin et nous présente de superbes objets, dont le nymphée à mosaïque de la maison du Bracelet d’Or, accompagné de gouaches de jardin qui en explicitent la situation. Des peintures, des sculptures de fontaines et d’autres objets permettent de se représenter la richesse et le luxe de ces lieux, cet art de vivre que cherche à illustrer l’exposition en question.

 

          Enfin, le dernier thème a trait au balneum, encore un élément de raffinement, avec sa baignoire en bronze, auquel ont été joints des objets de toilette, fioles à parfum et à huile, strigile, sans oublier les bijoux dont se paraient les femmes fortunées.

 

          Dans la présentation matérielle du catalogue, on regrettera que les caractères soient très petits, ce qui nuit à la consultation. L’appellation des maisons n’est pas homogénéisée, elle est parfois en français mais très souvent en italien. Enfin, le format à l’italienne n’est pas pratique pour une consultation sur place, car le volume déployé est encombrant. Toutefois, malgré les critiques de détail, la plupart des notices soigneusement renseignées font de l’ouvrage un instrument qui restera utile.

 


[1] H. Dessales, Le partage de l’eau. Fontaines et distribution hydraulique dans l’architecture domestique de l’Occident romain, Bibliothèque de l’Ecole française de Rome, 351, sous presse.

 

[2] Cf. A. Verbanck-Pierard, N. Massar, D. Frère (dir.), Parfums de l’Antiquité. La rose et l’encens en Méditerranée, catalogue d’exposition, Musée Royal de Mariemont 2008, p. 277, p. 398 (destiné au banquet), p. 442-443.

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

 

Préface

Patrizia Nitti, p. 11

 

Introduction

Teresa E. Cinquantaquattro, p. 13

 

 

Essais

 

La maison pompéienne : l’Antiquité face à son mythe

Stefano de Caro, p. 16

 

L’aménagement intérieur

Valeria Sampaolo, p. 23

 

L’eau et ses usages dans la maison

Hélène Dessales, p. 27

 

La matrone en sa maison

Marine Bretin-Chabrol, p. 30

 

Les jardins pompéiens

Annamaris Ciarallo, p. 33

 

Les inscriptions pariétales

Antonio Varonne, p. 37

 

L’amour sur les murs

Antonio Varonne, p. 41

 

La découverte de Pompéi et ses effets sur la culture européenne

Cesare de Seta, p. 44

 

La décoration intérieure

Irène Bragantini, p. 49

 

 

Catalogue des œuvres exposées

 

Habitants, p. 54

Atrium, p. 67

Religion, p. 75

Culina, p.87

Triclinium, p. 112

Thèmes érotiques du banquet, p. 178

Péristyle et jardin, p. 185

Balneum, p. 205

 

 

Bibliographie, p. 217

Crédits photographiques, p. 223