|
||
Compte rendu par Ricardo Gonzalez Villaescusa, Université Nice Sophia Antipolis Nombre de mots : 2550 mots Publié en ligne le 2015-03-31 Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1573 Lien pour commander ce livre
Voici la publication des actes d’une grande réunion et l’une des dernières tenues sur la centuriation, objet de la recherche qui provoque des controverses et non moins de scepticisme. Ce sujet soulève peu de consensus quant à son traitement en soi. Des régions identiques peuvent être abordées par des chercheurs différents qui font état réciproquement de leur scepticisme sur la « réalité » des hypothèses, sans entrer forcément dans le détail des démonstrations. Certes, il ne s’agit pas d’un objet scientifique et archéologique habituel. Nous savons, depuis les années 90, que certaines des grandes opérations d’arpentage sont « virtuelles », ou en d’autres mots, qu’elles auraient pu ne jamais être construites au sol ; nous sommes conscients que les morphogènes ont continué à exercer jusqu’à nos jours une tâche de construction paysagère et, par conséquent, n’appartiennent plus dans leur évolution à l’histoire romaine, selon l’expression de P. Leveau dans sa contribution au volume. Il s’agit aussi d’un objet polysémique, objet de recensions cadastrales, outil de gestion agricole, régime juridique, le tout en même temps…
Le colloque voulait présenter une dernière synthèse sur le sujet et il y a réussi. Mais il est devenu aussi le colloque de la postmodernité et du post-processualisme appliqué à la centuriation, et du doute systématique sur l’objet de réflexion, qui est établi dans sa cinquantaine de contributions. En revanche, le doute persiste sur la possibilité de transmission (pas sur son existence) et, par conséquent, sur la possibilité de l’étudier. G. Rosada affirme que la centuriation « a été transmise sans savoir ce qu’elle était » ; M.-T. Lachin estime qu’on ne saura jamais ce qu’elle était vraiment mais ce que la centuriation est devenue ; enfin, J. Peterson se demande quelle est la centuriation typique, celle qui est perceptible, ou celle qui a peu ou pas de manifestations physiques.
Les deux volumes se présentent comme une édition bien soignée dans une revue qui ouvre la porte aux jeunes chercheurs et qui dynamise la recherche dans ce domaine. Mais malheureusement, l’anglais des non-anglophones reste rudimentaire, contribuant à une mauvaise compréhension. Les contributions ont été classées en quatre blocs thématiques : 1.- Les méthodes et outils de reconstruction des grilles centuriales ; 2.- les questions juridiques et textuelles ; 3.- les centuriations et les transformations environnementales ; et 4.- les évolutions et transformations des structures agraires. Avec ces grands volets, la réunion donnait les tendances actuelles de cet objet insaisissable qu'est la centuriation.
Le premier grand volet d’articles traite des principales méthodes de ces dernières années, qui se sont concentrées surtout sur l’utilisation du puissant outil que sont les Systèmes d’Information Géographique, devenu le grand fétiche de la recherche, comme le filtrage optique l’était dans les années 80 ou le filtrage numérique dans les années 90. Qui peut aujourd’hui douter de l’intérêt de cet outil pour toute approche à caractère spatial ? Mais la vulgate dit que l’outil ne remplace pas le critère. À titre d’exemple, celui qui signe ces lignes utilise le SIG depuis les années 90 pour l’analyse et l’étude des paysages mais n’a jamais consacré une seule ligne à expliquer son utilisation ou sa pratique. Une fois admis son intérêt et son usage, on ne peut plus guère en parler sans tomber dans le fétichisme.
Parmi les différentes contributions, un exemple typique de bonne utilisation du SIG est celui de Robin Brigand qui, plus tard, a présenté sa thèse sur le même terrain d’étude. Mis à part l’outil SIG, les approches n’ont pas trop changé : les grilles à échelle, les orientations dominantes, les positions des sites par rapport à la grille théorique ou réelle de la centuriation, l’analyse de la cartographie moderne et historique ou l’analyse de la photographie aérienne verticale ou oblique. D’autres approches sont plus novatrices, comme les logiciels de traitement statistique des équidistances ; mais ce qui a contribué à révolutionner la discipline fut la fouille des structures agraires comme appui aux propositions théoriques alliées à la géoarchéologie pour mieux comprendre les fonctions et la chronologie des structures qui font partie de la grille centuriale. À signaler l’article d’Antonio Marchiori, sur l’Istrie, qui aborde une analyse morphologique tout en faisant partie de l ‘école italienne. Une autre contribution méthodologique intéressante est celle d’Alain Chartrain qui caractérise les différents lieux fouillés en fonction des diverses orientations des structures agraires fossiles trouvées, fouillées et datées aux environs du site.
Les huit articles dédiés aux questions juridiques et textuelles mettent en évidence que l’objectif principal de la division agraire n’est autre que la relation intime entre le régime juridique et cadastral avec les formes de division, comme c’est le cas de l’article de L. Maganzani. La majorité des spécialistes s’accordent sur le fait que le régime juridique enrobé du précepte religieux, comme c’est habituel dans les sociétés traditionnelles, n’est autre chose que la force qui permet de garantir la validité des confins et les structures économiques et sociales existantes (Calboli et Alexandrotis), à l’exception de ceux qui veulent (Palet et alii) que la centuriation soit un « paysage transporté » (construction sémantique difficile à comprendre qu’il leur faut déchiffrer dans la dérive post-processuelle de l’archéologie), ce qui mettrait en évidence que la centuriation serait une imitation sans but d’exploitation et sans conséquences cadastrales. À voir, a contrario, la proposition de Maganzani et de Capogrossi-Colognesi, pour lesquels la limitatio va de pair avec l’imposition fiscale et l’intégration/romanisation des structures territoriales, avec la propriété de la terre, la multiplicité de droits locaux au sein de l’appareil juridique et l’appropriation des territoires conquis (U. Vicenti). Pour ce dernier auteur, la centuriation est l’addition de trois processus : conquête, division et production.
La section comprenant le plus grand nombre de contributions (11 articles) est consacrée aux transformations environnementales qu'impliquent les centuriations. Quelques contributions essayent de mettre en rapport les données de l’archéobotanique avec les transformations agraires. Celle de M. Marchesini et de S. Marvelli sur la région de l’Emilie montre une évolution des taxons typique : paysage ouvert, augmentation des cultures intensives à haute valeur marchande avec la romanisation (céréales, plantes textiles…), mais il est légitime de se demander si ces transformations peuvent être en rapport avec la centuriation ou bien si n’importe quel autre type de division agraire aurait pu produire la même composition d’espèces. Il en est de même pour les résultats obtenus concernant la spatialisation des espèces cultivées dans les structures agraires.
Le colloque a permis de mettre en évidence l’avancée la plus importante des dernières années en rapport avec l’étude de la centuriation, à savoir l’interrelation entre les bonifications des terres, et la régulation fluviale avec la centuriation. Beaucoup d’études démontrent que la centuriatio a été un outil de maîtrise des eaux superficielles, des cours fluviaux et des eaux excédentaires, ce qui a permis à Rome d’exploiter les espaces marginaux. Pour P.-L. Dall’Aglio, l’alluvionnement et les grands recouvrements sédimentaires de 5 à 6 m d’épaisseur qui se trouvent par-dessus des niveaux d’époque romaine pourraient expliquer une des questions qui ont divisé les acteurs de la recherche des dernières années : la superposition dans une même région de plusieurs grilles centuriales. Pour sa part, F. Bertoncello montre que quelques trames parcellaires identifiées pendant les années 90 par Gérard Chouquer dans la région de Fréjus se trouvent dans des zones submergées par la mer et, par conséquent, sont postérieures à l’époque romaine, ou bien sont probablement reconstruites à partir des morphogènes de l’Antiquité. En revanche, quelques trames identifiées sont confirmées par cette recherche.
Les posters mis à part, la dernière section, consacrée aux transformations et évolutions diachroniques des structures agraires, montre la dynamique des planifications agraires historiques. C’est là que se manifeste de la manière la plus flagrante la différence entre les études de cas qui offrent des vérifications archéologiques par le biais des données provenant de l’archéologie préventive de manière générale, et les autres qui se basent exclusivement sur l’analyse morphologique. Cependant, il ne faut pas oublier que la façon dont est menée actuellement l’archéologie des structures agraires est une conséquence directe des hypothèses morphologiques. Les vérifications, contrôles et connaissances réelles qui sont invoqués dans ces volumes sont le fruit des propositions faites par le passé par l’analyse morphologique. Au contraire, si aujourd’hui, dans le cadre d’un chantier d’archéologie préventive, on trouve des structures agraires sans attribution, elles doivent être étudiées dans le cadre d’une interprétation territoriale, qu’il s’agisse de centuriations ou bien de planifications d’autres époques. De toute façon, il convient de noter l’absence, dans la plus grande partie des études de cas présentées, d'études diachroniques d’archéologie des paysages. La grande révolution des années 90 autour des postulats de G. Chouquer a été d’arrêter de produire des études dédiées exclusivement à l’analyse de la grille centuriale, pour incorporer le reste du paysage, parfois majoritaire, et des structures agraires dans la compréhension du territoire. Cette approche a donné des résultats excellents car elle a permis d'identifier les interactions entre les différentes structures agraires qui mettent en évidence les sujets des dynamiques sociales inhérentes aux interventions et appropriations du territoire. Autrement dit, ce n’est qu’avec la compréhension des formes médiévales, modernes ou contemporaines, voire antérieures à l’Antiquité ou postérieures à la centuriation, que nous pouvons apprécier à sa juste mesure la disparition ou bien la persistance de la centuriation. C’est seulement en évaluant l’extension relative de chaque intervention dans un même paysage qu’on pourra savoir quelle société (ou organisation sociale quelconque) est derrière les différentes interventions sur le paysage.
À l’exception de certains travaux qui évacuent toutes les problématiques des vingt dernières années, comme c’est le cas de l’article consacré aux centuriations africaines et à la plus que douteuse centuriation suisse, les deux volumes donnent une idée des succès atteints ces dernières années : l’intégration de l’archéologie des formes parcellaires, la compréhension des processus taphonomiques pour pouvoir lire la morphologie agraire, la difficulté de tirer des conclusions définitives de l'étude de la centuriation, l’indissociabilité de l’objet de la recherche des processus de conquête des sols, de division de la terre et de production agraire… Toutefois, le recueil n'aborde pas toutes les dimensions de la recherche souffrant d’un manque d’approche critique et épistémologique, par ailleurs dominante dans cette ligne de recherche. Comme il a été dit[1], le doute légitime et le scepticisme accusé de certaines contributions doit être combattu avec davantage de réflexion épistémologique. Il est fort probable que cela explique l’absence, parmi les participants de ce colloque, de quelques noms forts qui ont dominé la recherche sur la centuriation et qui sont fréquemment cités par les contributions écrites.
[1] R. González Villaescusa, Face à la crise épistémologique, davantage d’épistémologie, Etudes Rurales nº 118, 2011, Archéogéographie et disciplines voisines, pp. 9-18
Table des matières
Volume I
Guido Rosada, Pier Luigi Dall'Aglio, Sistemi centuriali e opere di assetto agrario tra età romana e primo Medioevo … 11 Guido Rosada, Eius regiones, limites, confinia/determinabo: ei rei ego sum factus finitor (Plaut., Poen., 48 sg.) … 21 Maria Teresa Lachin, Una storia della terra: leggere il paesaggio agrario a nord-est di Padova … 39 Robin Brigand, Une lecture sous SIG des formes parcellaires rurales et urbaines de la plaine centrale de Venise … 53 Antonio Marchiori, Centuriazioni d'Istria: studio evolutivo delle disuguaglianze … 71 Simonetta Menchelli, Per la centuriazione dell'ager Firmanus: analisi integrata di fonti tipologicamente diverse … 99 Cristina Mengotti, Una nuova proposta per l'interpretazione delle divisioni interne della centuriazione di Florentia … 115 Giuseppe Ceraudo, Veronica Ferrari, Fonti tradizionali e nuove metodologie d'indagine per la ricostruzione della centuriazione attribuita all'ager Aecanus nel Tavoliere di Puglia … 125 Alain Chartrain, Da Lattara a Montpellier: una prima archeologia del territorio centuriato. Età romana, età del Ferro … 143 John Peterson, Development of calculations and concepts in the context of South Norfolk A over 20 years … 159 Hèctor Aleix Orengo, Josep Maria Palet Martínez, Methodological insights into the study of centuriated field systems: a landscape archaeology perspective … 171 Brian Campbell, River definitions in Roman technical literature … 189 Gualtiero Calboli, Libera Alexandratos, I confini nei testi degli agrimensori. Considerazioni generali … 195 Mauro De Nardis, L'ager quaestorius di Cures Sabini e lo sviluppo della centuriazione … 207 Elena Tassi Scandone, Loca communalia e terrae ius Etruriae. Strutture agrarie etrusche e centuriazione romana … 217 Lauretta Maganzani, Agri publici vectigalibus subiecti: organizzazione territoriale, regime giuridico … 227 Luigi Capogrossi Colognesi, Il diritto delle XII Tavole e l'inizio della centuriation …241 Umberto Vincenti, Esclusione o inclusione? Riflessioni a partire dagli agri divisi vel adsignati … 253 Massimiliano Vinci, La responsabilità dell'agrimensore tra fonti giuridiche e testimonianze gromatiche … 257 Pier Luigi Dall'Aglio, Centuriazione e geografia fisica … 279 Paolo Campagnoli, Enrico Giorgi, Centuriazione ed assetti agrari nelle valli marchigiane. Il rapporto tra persistenza e idrografia … 299 Marco Marchesini, Silvia Marvelli, Ricostruzione del paesaggio vegetale e antropico nelle aree centuriate dell'Emilia Romagna attraverso le indagini archeobotaniche … 313 Paolo Camerieri, Andrea De Santis, Tommaso Mattioli, La limitatio dell' ager Reatinus. Paradigma del rapporto tra agrimensura e pastorizia, viabilità e assetto idrogeologico del territorio … 325
Volume II
Maria Luisa Marchi, Modificazioni del paesaggio antico: il territorio di Venusia e Luceria. Indagini e metodi per lo studio di due comprensori coloniali … 13 Arbia Hilali, Centuriations et aménagements de l'espace en Afrique Proconsulaire … 33 Caty Schucany, Faut-il envisager une centuriation dans la vallée moyenne de l'Aar (CH) au 1er siècle après J.-C.? Un cas prometteur … 45 Philippe Leveau, Centuriations et territoire en Basse Provence (cités d'Arles et d'Aix). Une contribution critique … 55 Frédérique Bertoncello, Dynamique du paysage et centuriation dans le territoire de Forum Iulii, Fréjus (Var, France) …75 Eric Dellong, Appréhender la cadastration antique à partir de la cartographie des structures archéologiques: l'exemple de la cité de Narbonne … 93 Josep Maria Palet Martínez, Hèctor Aleix Orengo Romeu, Santiago Riera mora Centuriación del territorio y modelación del paisaje en los llanos litorales de Barcino (Barcelona) y Tarraco (Tarragona) … 113 Elisabeth Zadora-Rio, Planifications agraires et dynamiques spatio-temporelles … 133 Helena Paula Carvalho, Francisco Azevedo Mendes, Centuriazione ed evoluzione degli assetti agrari intorno alla città di Bracara Augusta (Hispania Citerior Tarraconensis) … 155 Ricardo González-Villaescusa Philippe Boisinot, Jonathan Castro Orellana, Arco Iris Eiriz Vidal, Didier Marcotte, Joan Roig Ribas, Ex libris Magonis et Vegoiae auctorum… Estructuras agrarias antiguas en Ebusus … 167 Carlotta Franceschelli, Fréderic Trément, Gestione delle acque e organizzazione dello spazio agrario nel Grand Marais de Limagne in età romana … 189 Ilaria Di Cocco, L'evoluzione ambientale della pianura bolognese: il contributo dello studio della carta di Andrea Chiesa (1740-1742) … 209 Cristina Corsi, Frank Vermeulen, Il contributo della cartografia storica per lo studio delle divisioni agrarie nella bassa valle del Potenza nel Piceno … 227 Matteo Frassine, Sandra Primon, La centuriazione di Altino: nitidezza di segno e labilità di significato … 249 Marta Flórez i Santasusana, Josep Maria Palet Martínez, La Layetania interior: estudio arqueomorfológico en un área urbana (Vallès, Barcelona). Aspectos metodológicos … 257 Paolo Camerieri, Dorica Manconi, La pertica della colonia latina di Spoletium nel quadro dei nuovi studi sulle centuriazioni della valle umbra … 263 Michele Silani, Tommaso Casci Ceccacci, Lettura integrata del paesaggio per la ricostruzione della centuriazione nelle valli dei fiumi Cesano e Misa (Marche, Italia) … 275 Denis Francisci, Le sepolture come indicatori di centuriazione. Due casi di studio del Trentino-Alto Adige / Südtirol (Italia) … 283 Paul Blockley, Stefania Jorio, Gianluca Mete, Nuove acquisizioni sull'ager Laudensis … 289 Pier Luigi Dall'Aglio, Giusseppe Marchetti, Kevin Ferrari, Marco Daguatti, Tra Adda e Serio Morto: modifiche ambientali e centuriazione al confine tra ager Bergomensis e ager Cremonensis … 295 Serena Solano, Modifiche e trasformazioni del paesaggio nella Valcamonica romana … 305 Paola Ventura, Problemi di tutela del paesaggio antico: il caso del Friuli Venezia Giulia … 313 Francesco Tarlano, Ipotesi sulle suddivisioni agrarie nell'agro grumentino in età romana … 323 Françoise Sudi-Guiral, Les servi publici mensores de Sipontum et Luceria (CIL, IX, 699, 821) … 329
|
||
Éditeurs : Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |