|
||
Recensione di Marie-Claude Genet-Delacroix, Université de Reims Champagne-Ardennes Numero di parole: 1872 parole Pubblicato on line il 2013-12-18 Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700). Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1628 Link per ordinare il libro
Cet ouvrage, consacré à Augustin Girard (1926-2009), agrégé de l’Université et directeur du « Département des études, de la prospective et des statistiques » du ministère de la Culture et de la Communication, se présente comme une biographie professionnelle qui décrit son parcours institutionnel et analyse sa démarche intellectuelle dans une double perspective. La première est tracée par Augustin Girard lui-même de 1963 à 2003 dans son action administrative au Ministère de la Culture : elle est illustrée par des extraits de ses discours de président ou de conseiller, de ses rapports de commissions et de nombreux articles parus dans des revues de sciences humaines que récapitule une bibliographie analytique et que nous donne à entendre pour les plus importants, un compact-disc sonore de 79 minutes placé en annexe (p. 291-321) en fin de volume. La seconde est retracée par certains responsables politiques (en l’occurrence les ministres Catherine Tasca et Jacques Toubon), certains collaborateurs et chercheurs associés aux travaux et à l’action d’Augustin Girard dans des entretiens et des études qui ponctuent et commentent ses textes et sa pensée. Sont précisées en annexe les notices des vingt auteurs, dont trois femmes, qui ont participé à l’ouvrage (p. 322-325).
Ces commentaires apportent un point de vue rétrospectif général qui relativise la problématique socio-institutionnelle choisie et inscrivent ces textes dans le champ de recherche universitaire de l’histoire culturelle qui se développe depuis les années 1980. Ils apportent un substrat anecdotique qui éclaire d’un point de vue rétrospectif son efficacité dans l’action administrative. Sa personnalité et sa perspicacité, de même que sa générosité et son sens de l’amitié, semblent avoir été déterminants dans son habileté négociatrice conciliant les divergences idéologiques dans les moments stratégiques de décisions politiques. Les souvenirs de ces témoins sont recueillis dans des entretiens récents qui leur confèrent un caractère historique que complètent des analyses critiques d’universitaires spécialistes de l’histoire, des sciences politiques et de la sociologie des politiques culturelles.
Cette confrontation permet de comprendre le sens et la finalité des recherches menées au Ministère des Affaires culturelles depuis 1963 au sein d’une cellule d’études et de recherche créée en 1963 dans le cadre d’une collaboration avec le Commissariat général au Plan qui deviendra en 1968 le « service des études et recherches » puis, en 1986, le « Département des études et de la prospective » et enfin, en 2002, le « Département des études, de la prospective et des statistiques ».
La confrontation de ces deux corpus de textes qui conjugue les points de vue prospectifs des textes d’Augustin Girard écrits au présent de l’action et les points de vue rétrospectifs des témoins, acteurs, collaborateurs et chercheurs écrivant en 2010-2011 est très éclairante pour toute interprétation historique des politiques culturelles sous la Cinquième République .
L’ensemble de ces contributions est rassemblé en sept chapitres thématiques qui témoignent de la diversité des recherches et de la continuité de la réflexion et de l’action tant au plan national que régional et international menées par Augustin Girard et ses collaborateurs. Après l’avant-propos de Maryvonne de Saint Pulgent , Présidente du Comité d’histoire du Ministère de la Culture et de la Communication, Guy Saez fait une présentation de l’ouvrage dont il définit l’objectif historique consistant à rendre hommage à celui qui « a manifesté toute sa vie ce qu’est, selon le mot de Paul Valéry, la ’puissance de transformation’ de l’esprit » (p. 13) et qui « est dans nos mémoires, le père de la politique culturelle », qui « a élevé la recherche sur ces politiques au rang de ’science de gouvernement’ ; rien de plus légitime qu’il devienne, à son tour, un sujet de l’histoire » (p. 19).
Au premier chapitre est retracé, à partir d’un entretien, le parcours et la pensée d’Augustin Girard. Sa position d’« intermédiaire entre recherche et administration » est soulignée par Vincent Dubois (p. 24-29). Sylvie Pflieger évoque ensuite la carrière d’Augustin Girard (1926-2009) qui « sera pendant près de cinquante ans le patron, l’initiateur, le coordonnateur de la recherche, des études et des statistiques dans le domaine culturel, et le passeur entre le milieu des études et les décideurs culturels » (p. 31). Philippe Urfalino avait qualifié Augustin Girard de « marginal sécant », expression qui désigne, en sociologie des organisations, les personnes qui interviennent dans plusieurs systèmes d’action et peuvent de ce fait jouer un rôle de passeur ou d’intermédiaire entre des logiques d’action différentes voire contradictoires, comme le rappelle Olivier Donnat dans sa propre étude : « Pratiques culturelles des Français »: une enquête de marginal sécant, au croisement de la sociologie de la culture, des médias et des loisirs ; (p. 93-111), au troisième chapitre consacré à l’élaboration de l’ outil conceptuel statistique qui devait permettre de chiffrer les moyens de la culture pour concrétiser la politique de « développement culturel » mise en œuvre par Jacques Duhamel en 1973. Empruntée à Joffre Dumazetier, cette notion que fait sienne Augustin Girard peu après Mai 68 permet d’élargir le concept d’action culturelle défini par André Malraux au développement culturel « comme on parle de développement social et de développement économique » (p. 36-42). Guy Saez retrace l’historique de cette première conversion de la politique culturelle classique « fondée sur la démocratisation de la haute culture » (p. 67) d’ après Claude Fabrizio vers le développement culturel qui mêle « les moyens d’accès de tous à la culture » et « l’expression de tous les vécus culturels » (p. 67) grâce à la décentralisation et à l’aménagement du territoire et aux industries culturelles qui font l’objet des deux chapitres suivants, quatre et cinq. Guy Saez commente les textes et l’action de « Augustin Girard, prophète et acteur de la décentralisation cultuelle » (p. 135-148) et Catherine Tasca, qui a œuvré à l’exécution de cette politique, en rappelle les finalités qui sont celles d’« articuler une grande politique nationale avec la capacité d’initiative des collectivités » (p. 149-162). Pour sa part, Pierre-Michel Menger analyse les rapports entre: « Action publique et production industrielle de culture. Un coup d’audace d’Augustin Girard » (p. 175-191). La coopération internationale est traitée au chapitre six et plaide « Pour une nouvelle stratégie de la culture » que définit Augustin Girard (p. 207-209) et que commente Laurent Martin dans son texte (p. 215–228).
Le dernier chapitre aborde la dimension politique de la « Mémoire et Histoire », dans « la prise de décision politique qui pour Augustin Girard « se comprend finalement mieux à travers l’histoire qu’à travers les données socio-économiques » (p. 254). Philippe Poirier rappelle l’historique de la création du Comité d’Histoire du Ministère de la Culture et de la Communication par décision de Jack Lang que présida Augustin Girard de 1993 à 2007. Il en précise l’œuvre en examinant le va-et-vient : « De la prospective à l’histoire … et retour » (p. 261-270), tandis que Florence Descamps souligne l’importance de la mémoire et de l’histoire dans toute action prospective politique.
Pour qui s’intéresse à cette histoire et à ses conditions socio-institutionnelles, l’utilité scientifique et politique de cet ouvrage est indéniable. Tel qu’il est composé et annoté, il permet d’approfondir d’une manière critique et objective des notions théoriques et factuelles qui reposent très souvent sur un ensemble d’idées toutes faites, et de préjugés fonctionnant comme des fausses évidences que sa lecture contribue à dissiper. L’ouvrage permet en particulier de comprendre l’évolution raisonnée des « moments » Malraux, Duhamel et Lang dans leur continuité et leurs différences qui dépassent l’obstacle apparent de la complexité du système administratif et les divergences idéologiques. Au service des douze ministres de la culture qui se sont succédés au cours de sa longue carrière, Augustin Girard a fondé et mis en œuvre un département de recherche, d’expertise et de statistiques culturelles utile à la décision ministérielle « qui n’enlève rien à la responsabilité politique » (p. 113) comme l’analyse Jacques Toubon dans son entretien du 4 Mai 2011 avec Michel Kneubühler (p. 113-127).
Table des matières
Avant-propos Maryvonne de Saint Pulgent, présidente du Comité d’histoire du ministère de la Culture et de la Communication, p. 11
Présentation Guy Saez, directeur de recherche au CNRS, p. 13
Chapitre 1 – Augustin Girard, un parcours, une pensée, p. 20-35 Vincent Dubois et Didier Georgakakis : Sciences sociales et politiques culturelles. Entretien avec […] Augustin Girard [in: Politix, 1993 – extraits, p. 23 Vincent Dubois : Augustin Girard, un intermédiaire entre recherche et administration, p. 29 Sylvie Pflieger : Augustin Girard (1926-2009) : les études au service de la décision politique [in: Hermès, 2010], p. 31
Chapitre 2 – Développement culturel, p. 36-79 Augustin Girard : Développement culturel et politique culturelle [in: Éducation et Culture, 1968], p. 39 Guy Saez : Augustin Girard, l’homme du «développement culturel », p. 43 Jean-Louis Crémieux-Brilhac : Politique culturelle et recherche, p. 69 Jacques Rigaud : Le «moment Duhamel », p. 76
Chapitre 3 – Pratiques culturelles et statistique culturelle, p. 80-127 Augustin Girard : Les enquêtes sur les pratiques culturelles [in: Pour une histoire culturelle, 1997], p. 83 Olivier Donnat : «Pratiques culturelles des Français » : une enquête de marginal-sécant, au croisement de la sociologie de la culture, des médias et des loisirs, p. 93 Entretien avec Jacques Toubon: « Il existe un bon usage de l’expertise qui n’enlève rien à la responsabilité politique », p. 113
Chapitre 4 – Décentralisation et aménagement culturel du territoire, p. 128-163 Augustin Girard : De l’analyse des dépenses culturelles à l’Observatoire des politiques culturelles : le sens d’une démarche [in: Coopération des collectivités publiques et action culturelle, 1989 – extraits], p. 131 Jean-Pierre Saez : Augustin Girard, prophète et acteur de la décentralisation culturelle, p. 135 Entretien avec Catherine Tasca : «Articuler une grande politique nationale avec la capacité d’initiative des collectivités », p. 149
Chapitre 5 – Industries culturelles et économie de la culture, p. 164-203 Augustin Girard : Industries culturelles [in: Futuribles, 1978 – extraits] p.167 Augustin Girard : Pour une économie de la culture [in: Quaestio. Culture et recherche, 1985] p. 173 Pierre-Michel Menger : Action publique et production industrielle de culture. Un coup d’audace d’Augustin Girard, p.175 Entretien avec Emmanuel Hoog : «Civiliser l’internet est un enjeu de politique culturelle », p. 192
Chapitre 6 – Coopération internationale, p. 204-253 Augustin Girard : Pour une nouvelle stratégie de la culture [in: Éducation et Culture, 1973] p. 207 Augustin Girard : Avertissement à l’ouvrage Le Projet suédois de démocratie culturelle [Claude Fabrizio, 1975], p. 213 Laurent Martin: Augustin Girard, une vision tournée vers l’international , p. 215 Gérald Grandmont : Un privilège, p. 229 Entretien avec Carl-Johan Kleberg : «De l’UNESCO au Conseil de l’Europe, le rôle central d’Augustin Girard», p. 235 Christopher Gordon: Augustin Girard (1926-2009) : un hommage personnel [in: International Journal of Cultural Policy, 2009], p.245 Geir Vestheim, Ingmar Meland, Helge Petersen: Vu de Norvège : «Augustin Girard et la politique culturelle française » [in: Nordisk Kulturpolitisk Tidskrift, 2010], p. 249
Chapitre 7 – Mémoire et histoire, p. 254-275 Augustin Girard : Les politiques culturelles d’André Malraux à Jack Lang :ruptures et continuités, histoire d’une modernisation [in: Hermès, 1996 – extraits], p. 257 Philippe Poirrier : De la prospective à l’histoire… et retour, p. 261 Florence Descamps : Étude du passé, compréhension du présent et prospective, p. 271 Augustin Girard : «Voici donc créé et installé ce Comité d’histoire…» [1993 – extraits], p.275
Envoi, p. 276-287 Augustin Girard «L’enjeu culturel », [in: Les Enjeux de la fin du siècle, 1986], p. 279
Annexes Jacqueline Boucherat, Geneviève Gentil et Michel Kneubühler Augustin Girard – Bibliographie analytique (sélection), p. 291 Les auteurs, p. 322 Tables des matières du compact-disc «Entendre Augustin Girard», p. 326 Index patronymique, p .328
|
||
Editori: Lorenz E. Baumer, Université de Genève ; Jan Blanc, Université de Genève ; Christian Heck, Université Lille III ; François Queyrel, École pratique des Hautes Études, Paris |