Bohne, Anke: Bilder vom Sport. Untersuchungen zur Ikonographie römischer Athleten-Darstellungen. XIV/798 S. mit 87 Abb. Gebunden. (NIKEPHOROS-BEIHEFTE Band 19). ISBN 978-3-615-00392-5, € 98,00
(Weidmann Verlag, Hildesheim 2011)
 
Reviewed by Martin Szewczyk, EPHE et Centre de recherche et de restauration des musées de France
 
Number of words : 913 words
Published online 2014-06-10
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1635
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          La monographie d’Anke Bohne, publiée dans les Beihefte de la revue Nikephoros, connue de tous ceux qui se sont intéressés à l’histoire de l’athlétisme dans l’Antiquité, constitue une somme considérable sur les représentations athlétiques dans la peinture murale, les décors de stucs et la mosaïque à l’époque romaine. En témoigne en premier lieu le catalogue, d’une ampleur de 452 pages (p. 253-705), suivant un classement géographique (Italie, Grèce, Turquie, Libye, Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne, Portugal, France, Suisse, Autriche, Hongrie, Allemagne, Grande-Bretagne), organisé de manière très rigoureuse (description de la mosaïque et discussion des interprétations ; présentation du contexte ; datation ; bibliographie exhaustive). Ce catalogue forme un outil précieux pour qui s’intéresse à des ensembles particuliers. Le texte de synthèse, pour sa part, permettra à celui qu’intéresse une iconographie ou un contexte, d’obtenir les informations essentielles.

    

           On cherchera en vain une problématique, une idée forte. On trouvera, en revanche, une excellente synthèse sur les représentations athlétiques dans la mosaïque, le relief en stuc et la peinture murale d’époque romaine (i.e. Ier siècle av. J.-C. – Ve siècle apr. J.-C.). Les informations y sont ordonnées et interprétées avec un soin notable, tout d’abord pour étudier la place des images athlétiques dans les décors romains : quelle partie du mur était décorée avec de telles images, quelle place leur était réservée dans les mosaïques, dans les décors à reliefs en stuc ? La mise en ordre statistique (géographique, chronologique) des données se fait avec une rigueur qui pourra certainement paraître un peu aride mais qui sera certainement utile à celui qu’intéressent les tendances régionales ou l’évolution sur le long terme d’une iconographie, d’un type de décor, etc. On aurait aimé un développement plus important sur l’absence quasi-totale de représentations athlétiques dans les décors dans les grands sanctuaires accueillant les jeux. Cela permettrait, en négatif, de faire apparaître la spécificité de contextes a priori totalement déconnectés de la pratique athlétiques (à l’exception de la palestre de la Via delle Scuole à Pompéi, de la Palestre de granit à Délos et du gymnase d’Acmonia).

 

          Ensuite, l’A. étudie son corpus en abordant un à un les thèmes iconographiques : les conventions de représentation de l’athlète (nudité, barbe et chevelure, protections…), les disciplines, les activités non agonistiques (soins du corps, entraînement, repos…), les figures non athlétiques (athlètes, musiciens, spectateurs…), l’athlète et la victoire (prix, athlète vainqueur, honneurs aux athlètes), enfin le cadre de représentation (en particulier le contexte de gymnase signifié par la présence de piliers hermaïques). Les caractéristiques iconographiques de la représentation des athlètes ou des disciplines athlétiques sont décortiquées avec soin. On notera quelques approximations, concernant en particulier les règles de certaines disciplines (en particulier l’orthèpalè) et, partant, les conventions de représentation qui leur étaient associées. Un regard sur la recherche récente, en particulier expérimentale, aurait permis de clarifier certains points (e.g. les recherches menées par Brice Lopez, Les jeux olympiques antiques, 2010). Les disciplines du pentathle sont traitées séparément, on ne constate qu’à la fin qu’elles ne font que rarement l’objet d’une présentation d’ensemble ; peut-être aurait-il fallu l’indiquer dès le départ. Autrement, la recherche est parfaitement documentée, les renvois aux sources littéraires sont nombreux, et la synthèse permet de constater la puissance des canons de représentation athlétiques, probablement des modèles dont disposaient les artisans. Le motif du discobole de Naukydès a ainsi, par exemple, beaucoup plus de succès que celui de Myron. Certaines techniques de combat ou moment d’une épreuve sont ainsi représentés préférentiellement à d’autres. L’iconographie des concours constitue  une thématique intéressante au sein de cet ensemble. Si les personnages non athlétiques sont nombreux au sein des décors agonistiques (entraîneurs, juges, agonothètes, musiciens), et que l’on peut ainsi identifier certains décors comme représentant des évènements, on ne peut guère citer qu’un seul cas représentant un évènement déterminé (c’est celui de la mosaïque du gymnase d’Acmonia, découverte en 2000). Certains décors, quand à eux, livrent des inscriptions qui peuvent être mises en regard avec des athlètes célèbres de leur temps, connus par les sources littéraires ou épigraphiques.

 

          La troisième partie s’intéresse au contexte des représentations athlétiques et notamment à la place qu’elles occupent dans l’édifice qu’elles décorent ainsi qu’au sein du décor. La question de la relation des images à la fonctionnalité des édifices ou des parties d’édifices y est abordée avec pertinence. Les différents thèmes disponibles ont ainsi tendance à se répartir de manière assez claire en fonction des contextes. La représentation d’athlètes ou d’épreuves mythiques trouve par exemple préférentiellement  sa place en contexte domestique ou funéraire. L’angle d’attaque de l’étude, de manière tout à fait cohérente avec le corpus envisagé (les décors), insiste sur le rôle joué par l’image en contexte : au sein d’un même genre voire d’une même typologie, comment contexte et fonction peuvent s’articuler afin de produire un éventail de sens possibles ? Le cas des mosaïques représentant des athlètes dans le décor des thermes romains (62% des cas), dès le début de l’époque considérée, en particulier à Pompéi, est en cohérence avec l’atmosphère de pratique sportive, d’exercice et d’entretien du corps qui imprégnait ces lieux, mais également avec la vision d’un idéal grec de la pratique athlétique, caractéristique d’une culture imprégnée d’hellénisme. Cela va également de pair avec le goût prononcé, tant en Italie, où ils n’étaient pas traditionnels, qu’en Grèce et en Asie Mineure, où leur histoire était déjà longue, pour les concours helléniques. La domination, au sein des représentations considérées, des disciplines de combat (« Schwerathleten »), est en cohérence avec l’importance considérable qu’ont pu prendre pugilistes, lutteurs et pancratiastes à l’époque impériale.