Bricault, Laurent - Veymiers, Richard (dir.): Bibliotheca isiaca, Collection Bibliotheca isiaca (2), 486 p., ISBN 9782356130532, 30 €
(Ausonius, Bordeaux 2011)
 
Reviewed by Nicolas Amoroso
 
Number of words : 2493 words
Published online 2013-05-29
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1655
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          Deuxième volume de la série internationale consacrée aux « études isiaques », cet ouvrage poursuit l’objectif de rassembler toutes les nouveautés spécifiques au vaste champ d’investigation que couvre l’étude des rapports entre l’Égypte et le reste du monde gréco-romain, dans le domaine religieux. Développé dans le courant du XXe siècle, ce champ de recherche possède depuis plus de dix ans une réunion scientifique triennale inaugurée par le « premier colloque international sur les études isiaques » tenu à Poitiers en 1999. La publication de la série Bibliotheca Isiaca s’inscrit pleinement dans cette dynamique de recherche. Après un premier volume bien accueilli et paru en 2008, le présent ouvrage est à nouveau publié par les éditions Ausonius et placé sous la direction de Laurent Bricault, professeur à l’Université de Toulouse II le Mirail, auquel s’ajoute Richard Veymiers, chargé de recherche F.R.S.-FNRS à l’Université de Liège.

 

          L’agencement de ce second volume s’inscrit dans la ligne droite de son prédécesseur. Le lecteur retrouvera les trois sections spécifiques au premier volume : la première, intitulée Nova Isiaca, rassemble plusieurs études s’attachant à la publication de documents inédits ou méconnus ; la deuxième section poursuit l’actualisation des corpora isiaques ; la troisième section constitue une chronique bibliographique recensant un ensemble de 500 titres présenté en deux parties : un complément fourni à la chronique des années 2000-2004 (publiée dans le premier volume) et la chronique des années 2005-2008. Outre ces trois sections, le volume s’ouvre par la publication des actes de l’ultime séance du IVe colloque international sur les études isiaques (Liège, 29 novembre 2008), intitulée « la diffusion isiaque en Grèce, nouvelles perspectives » ; les deux premières séances de ce colloque portaient sur la présence isiaque en Égypte hellénistique et romaine et ont fait l’objet d’une publication spécifique (1).

 

          I. La première partie de l’ouvrage propose sept contributions passionnantes dans la mesure où elles actualisent nos connaissances de la diffusion des cultes isiaques en Grèce, en documentant les sanctuaires et la présence isiaque à Dion, Rhodes, Messène, Marathon et Argos. L’article de Perikles Christodoulou porte sur sept reliefs votifs qui ont été découverts au sanctuaire d’Isis à Dion. Le plus ancien date de l’époque hellénistique et l’auteur propose une étonnante traduction de la dédicace. Son analyse fournit un témoignage précieux pour indiquer l’existence d’un culte dédié à Isis antérieur à l’époque romaine. Les autres documents regroupent deux reliefs « à oreilles » et quatre reliefs à vestigia pour lesquels l’auteur passe en revue différentes hypothèses interprétatives et fournit une étude détaillée des inscriptions. Bien que peu nombreux mais espacés dans le temps, ces reliefs votifs témoignent de la longévité de fréquentation du sanctuaire d’Isis à Dion.

 

         Monument singulier érigé sous Hérode Atticus, le sanctuaire des divinités égyptiennes à Marathon est documenté par trois articles. Le premier expose les résultats des dernières campagnes de fouilles archéologiques sur le site de Mikro Elos. Ifigenia Dekoulakou décrit les différentes structures mises au jour. Celles-ci appartiennent à un important sanctuaire caractérisé par une forme architecturale singulière : un temple intégré dans un péribole à quatre ouvertures monumentales qui évoquent les pylônes égyptiens. En outre, le décor plastique fournit des informations précieuses sur la nature du culte pratiqué. La découverte de plusieurs sculptures fragmentaires de sphinx et de faucons corrobore la fonction de l’édifice. À ce sujet, l’auteur attire l’attention sur un groupe de statues féminines et masculines qui flanquaient l’entrée de chaque pylône par paires mixtes. Les statues féminines constituent de précieux témoignages car elles documentent l’iconographie de la déesse Isis et appartiennent à un type statuaire proche des exemplaires provenant de la Villa d’Hadrien à Tivoli. Les statues masculines du sanctuaire de Marathon font quant à elles l’objet d’un article spécifique rédigé par Labrini Siskou qui propose de les identifier à des représentations d’Osiris-Antinoüs. Laissant cette question ouverte, signalons que ces statues constituent des œuvres uniques en Grèce. Enfin, les témoignages lychnologiques du sanctuaire sont présentés dans l’article de Pelly Fotiadi qui se focalise sur une série de lampes en terre cuite à médaillon orné d’un buste de Sérapis au calathos en face d’une Isis coiffée d’un triple épis de blé. Au final, la nature du sanctuaire et le riche décor plastique en marbre montrent qu’Hérode Atticus a élevé cet édifice dans une volonté d’imiter l’empereur Hadrien avec lequel il essayait de rivaliser par ses actions et par son mode de vie.

 

          Attesté par plusieurs sources antiques, l’emplacement de l’Iseion de Rhodes a fait l’objet de plusieurs hypothèses fondées sur l’étude d’un matériel isiaque épars. Face à cette lacune documentaire, l’article de Charikleia Fantaoutsaki est remarquable dans la mesure où il fait état d’une découverte importante survenue lors d’une fouille de sauvetage menée à l’est de la cité, le long du littoral. Si l’intention première de la fouille était de mettre au jour l’une des tours de la fortification d’époque hellénistique, ce sont les traces d’un édifice monumental qui ont été découvertes. Plusieurs facteurs significatifs conduisent à interpréter ce site comme un sanctuaire isiaque, notamment la découverte de deux groupes statuaires parmi lesquels figurent plusieurs sculptures « égyptisantes » : deux statues acéphales représentant Isis debout et Sérapis en trône, plusieurs fragments de statues de faucons et deux statuettes masculines. La présence d’un Iseion à Rhodes est attestée par des sources d’époque romaine mais il semble, à partir des études épigraphiques, que ce soit à Sérapis que le sanctuaire ait été premièrement dédié. Ces données poussent l’auteur à voir dans l’introduction du culte de Sérapis à Rhodes le résultat d’une influence de la cour ptolémaïque. Bien que cette interprétation ne quitte pas le domaine de la spéculation, elle pourrait en partie expliquer la chronologie du site (avec l’ajout d’une crypte à l’époque romaine) et la présence des deux statuettes masculines que l’auteur intègre au dossier de la statuaire royale ptolémaïque. Au final, ces récentes découvertes définissent Rhodes comme un important centre de la diffusion des cultes isiaques en Grèce.  

 

          Dans son article intitulé « The cult of Isis at Ancient Messene », Petros Themelis propose d’identifier l’importante galerie, dégagée en 2003 au sud du théâtre de l’antique Messène, comme une structure ayant appartenu à l’Iseion mentionné par Pausanias (4.32.6). Cette hypothèse est corroborée par la décoration plastique du théâtre qui documente bien la présence d’un sanctuaire isiaque. L’auteur présente plusieurs documents liés aux cultes égyptiens, notamment deux exemplaires remarquables : une statue en marbre d’Isis lactans et une autre d’Isis Pelagia. À partir de ces découvertes, il suggère de dater l’introduction des cultes isiaques à Messène au IIe siècle av. J.-C. 

 

          Richard Veymiers clôture la première section de l’ouvrage par une enquête sur la présence isiaque à Argos. Les sources anciennes exposent de nombreux liens entre les figures mythologiques argiennes et les divinités égyptiennes (exemple du mythe d’Io et de la célèbre fresque pompéienne qui figure sa rencontre avec Isis). Si l’archéologie a livré de nombreux isiaca, un constat s’impose : nous manquons de données solides pour identifier l’emplacement d’un sanctuaire isiaque à Argos. En passant en revue l’ensemble de ces témoignages (dont certains sont inédits), l’auteur parvient à comparer la situation argienne à celle d’autres cités grecques comme Athènes, Érétrie et Délos où « le culte d’Isis s’était propagé avant celui des autres membres de son cercle, à la suite d’initiatives privées émanant d’Égyptiens ».

 

           II. La deuxième section de l’ouvrage présente onze articles réalisés par des spécialistes des études isiaques sous l’intitulé « Nova Isiaca ». Elle propose notamment la publication de plusieurs objets en bronze inédits issus du commerce des antiques. Ces études succinctes permettent de documenter l’iconographie peu connue du dieu Hermanubis (voir l’article de Laurent Bricault) et celle du fils d’Isis par le biais d’une étude de Marie-Christine Budischovsky centrée sur deux statuettes présentant Harpocrate à la cornucopia et Harpocrate sur le bélier. Le même auteur fournit une étonnante analyse d’une statuette insolite du dieu Bès. Interprété comme un minuscule porte-bonheur, cet objet composite est susceptible de plusieurs lectures dans une société égyptienne qualifiée de « multiculturelle ». Ces considérations rejoignent les clefs de lecture proposées par Michel Malaise et Richard Veymiers à propos d’une statuette en bronze d’un dieu panthée. Enfin, Laurent Bricault propose une étude de plusieurs poids en plomb de Byblos inscrits au basileion.

 

          À côté des études essentiellement centrées sur la petite plastique en bronze, l’article de Laurent Bricault et de Jean-Louis Podvin présente un dossier de 37 pièces à l’effigie du dieu Sérapis, toutes travaillées en pierre. À ce sujet, les auteurs déplorent avec raison l’absence d’un grand répertoire iconographique centré sur Sérapis. L’iconographie du parèdre d’Isis est encore à l’honneur dans un article de Richard Veymiers qui fournit ici un premier supplément au corpus des gemmes et bijoux à l’effigie ou au nom de Sérapis publié par le même auteur (2). Avec 121 documents supplémentaires, son étude porte le corpus à 1380 unités.

 

          Outre les sept études iconographiques brièvement décrites ci-dessus, quatre autres contributions abordent des thématiques diverses. L’article de Sophie Picaud et Jean-Louis Podvin propose une étude synthétique des isiaca de Tarse et de sa région. Il reprend la documentation isiaque fournie par l’Atlas de la diffusion (3) en y apportant de nouveaux jalons. L’article de Pierre P. Koemoth présente une analyse des rapports entre Isis et la rose. Selon l’auteur, cette fleur a été adoptée par Isis-Hathor suite à son rapprochement avec Aphrodite. Elle pourrait illustrer le concept d’union physique et mystique avec Osiris. L’enquête d’Ennio Sanzi présente plusieurs observations historico-religieuses sur des textes coptes relatifs aux cultes orientaux. Enfin, Michel Malaise reprend la question très débattue de l’introduction des cultes égyptiens à Rome en focalisant son enquête sur une disposition prise par Octavien en 28 avant notre ère et rapportée par Dion Cassius.

 

          III. La troisième section de l’ouvrage propose un second supplément au Recueil des inscriptions concernant les Cultes Isiaques (4). Laurent Bricault fournit 32 nouvelles inscriptions et présente une mise à jour bibliographique, iconographique et analytique d’inscriptions déjà présentées dans son recueil publié en 2005.

 

           IV. La chronique bibliographique clôture l’ouvrage et précède une bibliographie et un index général. Elle est subdivisée en deux parties : un supplément direct à la chronique du premier volume couvrant les années 2000-2004 et une chronique des années 2005-2008. Cette dernière section recense et résume le contenu d’environ 500 publications (monographies, catalogues d’exposition, actes de colloques, articles de revue, etc.). De manière générale, celles-ci couvrent l’étude des contacts culturels entre la vallée du Nil et l’ensemble du monde méditerranéen. Les textes des rédacteurs de compte rendu sont bien documentés et présentent les points essentiels de chaque titre. La section est construite en corrélation avec l’index général tant au niveau du titre que du contenu de chaque publication. Cette organisation permet au lecteur de rapidement identifier les publications susceptibles de l’intéresser. La table des matières figure au début du volume.

 

          À la croisée d’approches multiples, le domaine des études isiaques intègre l’histoire des religions, l’archéologie, la numismatique, l’épigraphie, la philologie, la gemmologie, etc. Cette multidisciplinarité s’exprime clairement par la diversité des contributions et par la richesse des publications recensées dans cet ouvrage. Les articles sont bien documentés (voir l’importante bibliographie générale) et présentent de nombreuses illustrations. En outre, ce second volume rejoint parfaitement les objectifs formulés par Laurent Bricault dans le Journal électronique des études isiaques (5). Celui-ci insiste sur la nécessité d’actualiser les corpora isiaques et de multiplier les enquêtes iconographiques, régionales et historiques. Enfin, notons que la chronique bibliographique s’inscrit directement dans le prolongement de l’Inventaire bibliographique des Isiaca (6). Au final, ce second volume constitue une base documentaire imprimée de grande qualité et une publication au contenu extrêmement riche touchant à l’actualité scientifique. Ces quelques lignes suffisent à définir cet ouvrage comme un outil incontournable pour tout enseignant, chercheur ou étudiant intéressé par les études isiaques.

 

 

Notes

(1)   Bricault L. et Versluys M.J. (ed.), 2010. Isis on the Nile. Egyptian gods in Hellenistic and Roman Egypt, Proceedings of the IVth International Conference of Isis Studies, Liège, November 27-29 2008, Leyde (RGRW, 171).

(2)   Veymiers R., 2009. Ἵλεως τῷ φοροῦντι. Sérapis sur les gemmes et les bijoux antiques, Bruxelles, Académie royale de Belgique (Classe des Lettres).

(3)   Bricault L., 2001. Atlas de la diffusion des cultes isiaques (IVe s. av. J.-C.- IVe s. apr. J.-C.), Paris (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, XXIII). 

(4)   Bricault L., 2005. Recueil des Inscriptions concernant les Cultes Isiaques (hors d’Égypte) (RICIS), 3 vol., Paris (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, XXXI).

(5)   http://w3.etudes-isiaques.univ-tlse2.fr/ 

(6)   Leclant J. et Clerc G., 1972-1991. Inventaire bibliographique des Isiaca (IBIS): Répertoire analytique des travaux relatifs à la diffusion des cultes isiaques 1940-1969, 4 vols, Leyde (EPRO, 18).  

 

 

 

Sommaire 

Avant-propos

 

I. Les cultes isiaques en Grèce. Actes du quatrième colloque international sur les études isiaques, troisième journée, Liège, 29 novembre 2008, Michel Malaise in honorem

 

Laurent Bricault et Richard Veymiers, Introduction, p. 9-10.

Perikles Christodoulou, Les reliefs votifs du sanctuaire d’Isis à Dion, p. 11-22.

Ifigenia Dekoulakou, Le sanctuaire des dieux égyptiens à Marathon, p. 23-46.

Charikleia Fantaoutsaki, Preliminary Report on the Excavation of the Sanctuary of Isis in Ancient Rhodes: Identification, Topography and Finds, p. 47-63.

Pelly Fotiadi, Ritual Terracotta Lamps with Representations of Sarapis and Isis from the Sanctuary of the Egyptian Gods at Marathon: the Variation of “Isis with Three Ears of Wheat”, p. 65-77.

Labrini Siskou, The Male Egyptianizing Statues from the Sanctuary of the Egyptian Gods at Marathon, p. 79-95.

Petros Themelis, The Cult of Isis at Ancient Messene, p. 97-109.

Richard Veymiers, Les cultes isiaques à Argos. Du mythe à l’archéologie, p. 111-129.

 

II. Nova Isiaca

 

Laurent Bricault, Une statuette d’Hermanubis pour Arès, p. 131-135.

Laurent Bricault, Poids de Byblos inscrits au basileion, p. 137-143.

Laurent Bricault & Jean-Louis Podvin, Sur une trentaine de statues en pierre de Sarapis, p. 145-158.

Marie-Christine Budischovsky, La phorie de Bès, p. 159-162.

Marie-Christine Budischovsky, Petits bronzes d’Égypte gréco-romaine : Harpocrate à la cornucopia, Harpocrate sur le bélier, p. 163-168.

Pierre P. Koemoth, Une enquête phytoreligieuse. Isis entre la rose crucifère et le grand épilobe, p. 169-183.

Michel Malaise, Octavien et les cultes isiaques à Rome en 28, p. 185-199.

Michel Malaise & Richard Veymiers, À propos d’un dieu panthée en bronze arborant le basileion d’Isis, p. 201-210.

Sophie Picaud et Jean-Louis Podvin, Les isiaca de Tarse et de sa région, p. 211-223.

Ennio Sanzi, Magia e Culti orientali X. Osservazioni storico-religiose su alcune testimonianze in lingua copta relative ad Iside, Serapide, agli dèi sunnaoi ed alla magia, p. 225-237.

Richard Veymiers, Ἵλεως τῷ φοροῦντι. Sérapis sur les gemmes et les bijoux antiques. Supplément I, p. 239-271.

 

III. RICIS – Supplément 2

Compléments aux inscriptions publiées, p. 273-298

Inscriptions nouvelles, p. 299-307

Index, p. 309-316.

 

IV. Chronique bibliographique

Supplément 2000-2004, p. 317-343.

2005-2008, p. 345-448.

 

Bibliographie générale, p. 449-473.

Index général, p. 475-486.