AA.VV.: Amphores d’Égypte de la Basse Époque à l’époque arabe, Cahiers de la céramique égyptienne 8 (deux volumes), 807 p. ISBN : 978-2-7247-0457-0
Prix de vente (pour les deux volumes) :108 Euros
(Institut français d’archéologie orientale du Caire [IFAO] 2007)
 
Compte rendu par Emmanuel BOTTE, Université Lumière Lyon 2
 
Nombre de mots : 1302 mots
Publié en ligne le 2008-07-12
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=166
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L’ouvrage intitulé Amphores d’Égypte, de la Basse Epoque à l’époque arabe, récemment édité par Sylvie Marchand et Antigone Marangou comme huitième volume de la collection "Cahiers de la céramique égyptienne", répond aux attentes des chercheurs travaillant sur les amphores dans le bassin méditerranéen. La publication est le résultat de cinq journées d’études consacrées aux amphores en Égypte et organisées à l’Institut Français d’Archéologie Orientale du Caire (IFAO) en janvier et avril 2002.

 

La grande nouveauté de cette étude est que les contributions sont regroupées selon trois axes de recherche : les amphores en Egypte, la diffusion des amphores égyptiennes et une dernière partie dénommée "Autour des amphores". Ainsi, le panorama offert est élargi par rapport à celui qu’avait proposé Pascale Ballet en 1992, dans une table ronde novatrice mais qui ne concernait que les productions amphoriques égyptiennes, du Néolithique à l’époque byzantine : P. Ballet (éd.), Ateliers et productions céramiques en Égypte, Actes de la table ronde, Ifao, Le Caire, 26-29 novembre 1990, Cahiers de la Céramique égyptienne, 3, 1992. Concernant le cadre chronologique offert, la répartition est la suivante : dix sites de la Basse Époque, dix-sept de l’époque ptolémaïque, vingt-trois de l’époque romaine, seize de l’époque byzantine, et enfin neuf de l’époque proto-islamique et arabe.

 

I. Les amphores d’Égypte

Dans cette première partie sont regroupées trente-cinq contributions présentant le mobilier amphorique découvert sur des sites couvrant l’ensemble du territoire égyptien. Ainsi, les études de ce chapitre sont regroupées par section géographique, débutant depuis le littoral méditerranéen (El-Alamein, Alexandrie), le Wadi Natrun, le Delta (Bouto, Naucratis, Kôm Abou Billou), le Caire et la région memphite (le Vieux Caire, Abou Roach, Abousir, Saqqâra), le Fayoum (Tebtynis), la Moyenne-Égypte (Oxyrhynchos, Baouît), la région thébaine (Karnak, Dendera, la Vallée des Reines, Deir er-Roumi, le Ramesseum et Hiérakonpolis), la région d’Assouan (Eléphantine, Assouan/Syène), en passant par les oasis (Bahariya, Dakhla et Kharga), le désert Oriental (routes de Myos Hormos et Berenike, Mons Claudianus, Mons Porphyrites) et s’achevant avec le Sinaï (Tell-el-Makhzan, Tell-el-Herr, Uyûn Mûsâ et Qal’at al-Guindî). Le mobilier présenté est issu de sites fouillés anciennement ou récemment, voire pour certains encore en cours d’exploration.

 

Si le contenu des contributions est assez variable en ce qui concerne la partie recherche, car de nombreux sites sont encore en cours de fouilles et d’études, tous présentent le mobilier de façon claire, en mettant en avant les productions égyptiennes, qu’il s’agisse de répertoires propres ou d’imitations d’amphores grecques (du bassin égéen notamment) ou phéniciennes. On remarque immédiatement que les importations ne représentent à chaque fois qu’une faible part du mobilier amphorique. Dans la majorité des cas, la Méditerranée orientale est l’origine principale de ces conteneurs importés, qu’il s’agisse des productions du bassin égéen, de Crète, de Chypre ou encore de la côte syro-palestinienne. Les conteneurs de Méditerranée occidentale (Italie, Gaule, péninsule Ibérique et Afrique du Nord) ne sont représentés que par quelques individus, qui attestent cependant, même si c’est de manière occasionnelle, des relations commerciales.

 

II. Diffusion des amphores égyptiennes

Ce chapitre rassemble huit contributions où sont analysées les amphores égyptiennes découvertes hors d’Égypte, en l’occurrence en Grande-Bretagne, en Gaule, en Italie (Rome et Ostie), dans le bassin égéen, à Chypre (Kition, Amathonte, Potamia-Agios Sozomenos et Paphos) et au Proche-Orient.

 

Comme l’a très clairement fait remarquer Antigone Marangou dans sa contribution sur les amphores égyptiennes dans le bassin égéen (p. 669) : "Méconnaissance du matériel d’une part et rareté des objets d’autre part font que la circulation des amphores d’Égypte est difficile à suivre."

Cette citation est confirmée par les comptages présentés où les conteneurs égyptiens, quelle que soit la période chronologique prise en compte, n’excèdent pas, ou de peu, 1% du mobilier amphorique mis au jour. Hormis en Crète où plusieurs types amphoriques sont recensés, il n’y a que deux types qui sont les plus fréquents: les Amphores Égyptiennes bitronconiques du type 3 (AE3), selon la typologie établie par Jean-Yves Empereur et Maurice Picon (Les ateliers d’amphores du lac Mariout, dans J.-Y. Empereur [éd.], Commerce et artisanat dans l’Alexandrie hellénistique et romaine, BCH suppl. 33, Paris, 1998, p. 75-91), et les amphores Late Roman 7 (LR7) (d’après la typologie de S. J. Keay, Late Roman Amphorae in the Western Mediterranean. A typology and economic study : the Catalan evidence, BAR int. series, 196, Oxford, 1984). Il est admis que ces amphores ont très certainement transporté du vin égyptien. On notera également que les attestations d’amphores égyptiennes à l’époque impériale ne se font que dans des contextes des Ier et IIe siècle de notre ère (avec les AE3) et des Ve au VIIe siècle (avec les LR7). Il est intéressant de noter l’absence de témoignages datables des IIIe et IVe siècle, qui reste à expliquer.
 

III. Autour des amphores

Les quatre contributions qui constituent ce dernier chapitre touchent à plusieurs domaines concernant les amphores, ainsi présentés : le vin et les potiers dans les textes (d’après les ostraca grecs et coptes découverts à Edfou), le remploi des amphores, les amphores en contexte funéraire (à Antinoé) et l’image des amphores. Le premier article tente de replacer la place des potiers d’Edfou à l’époque tardive (VIe-VIIIe siècles) et livre un ostracon inédit ou un potier s’engage à livrer 2700 jarres neuves à un vigneron ou gérant de vignoble. La seconde contribution présente un remploi d’amphores du type Late Roman 7 (LR7) dans plusieurs cours internes de maisons situées à Fostat (Le Caire) et datées des VIIe et VIIIe siècles de notre ère. Dans les cours en question, des séparations sont faites à l’aide de murets constitués d’amphores remplies de boue plantées dans le sol ou disposées tête-bêche pour diminuer l’écart entre les panses. La fonction de ces subdivisions internes reste à déterminer (activité particulière, dépôt de marchandises ou isolement d’animaux domestiques). Le troisième article présente les amphores découvertes en contexte funéraire au début du XXe siècle par Albert Gayet sur le site d’Antinoé. Malheureusement, l’importance accordée aux « jarres » au moment des dégagements rend peu aisée leur étude, dont une seule a une origine assurée (tombe de Thaïas, datée des VIe-VIIe siècles). Enfin, le dernier article présente l’étude d’un groupe de figurines en terre cuite, vraisemblablement liées au culte isiaque, où apparaît une amphore renvoyant peut-être aux libations de vin.

 

À la fin du second volume, les éditrices offrent une grande synthèse découpée par grandes périodes chronologiques (Basse Époque et seconde domination perse ; époque grecque: dynasties macédonienne et ptolémaïque ; époque romaine ; époque byzantine ; époque arabe). Ainsi, les productions amphoriques sur l’ensemble du territoire égyptien sont revues et présentées dans un cadre clair, auquel ont été intégrées les importations.

 

En conclusion, les chercheurs (archéologues et céramologues), qu’ils travaillent en Égypte ou dans le reste du bassin méditerranéen, trouveront forcément des points de comparaison avec l’abondant mobilier présenté dans ces deux forts volumes. Cela permet au moins de reconnaître la présence de types amphoriques sur des sites, complétant la carte de distribution lorsque l’on travaille sur des types précis. Comme nous l’avons évoqué plus haut, certaines études très détaillées (Alexandrie, Tebtynis, oasis, désert Oriental, Sinaï) côtoient des contributions très brèves où le manque de données chiffrées se fait sérieusement sentir. Mais pour la majorité de ces dernières, cela s’explique car les études de mobilier, voire les fouilles, sont encore en cours. On ne peut donc qu’espérer, comme les éditrices de ces volumes, que voient prochainement le jour des analyses plus poussées de ce qui est encore des mises en bouche. Il faut en tout cas saluer l’initiative de Sylvie Marchand et d’Antigone Marangou d’avoir réuni en un seul ouvrage des contributions dédiées à une seule catégorie de mobilier, et sur l’ensemble d’un territoire aussi vaste et d’une chronologie si étendue. Désormais quiconque travaillera sur le mobilier amphorique en Égypte ou sur le mobilier égyptien hors de son territoire de production, aura entre les mains une importante masse de documentation qui lui servira à coup sûr dans ses recherches.