Molinié, Anne-Sophie: Filippo Lippi, la peinture pour vocation, 43 illustrations, ISBN : 9782915398038, 12,5 €
(Editions A PROPOS, Garches 2009)
 
Compte rendu par Armelle Fémelat
 
Nombre de mots : 1482 mots
Publié en ligne le 2013-07-19
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Lien: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1676
Lien pour commander ce livre
 
 

 

          En 2009, année de l’exposition Filippo et Filippino Lippi, la Renaissance à Prato au Musée du Luxembourg (25 mars-2 août 2009, commissaires : Paria Pia Mannini et Cristina Gnoni Mavarelli), Anne-Sophie Molinié publiait aux éditions À Propos Filippo Lippi, la peinture pour vocation. Un petit opuscule articulé en fonction de quatre grandes périodes de la vie et de la carrière de Lippi (1406-1469). L’ouvrage s’ouvre sur un double sommaire énonçant simultanément cinq parties (quatres parties chronologiques et une cinquième intitulée « approfondir ») et sept « à propos » dans un encart coloré - code de mise en page repris pour chaque « à propos » ponctuant le texte. Chacune des quatre parties chronologiques est introduite par une citation et par un tableau chronologique à trois entrées, qui met en parallèle des éléments de la vie de l’artiste avec des évènements culturels et des données politiques, économiques et sociales de l’époque. Enfin, le livre se termine par quelques références bibliographiques et l’énoncé des principaux sites où sont conservés les œuvres du peintre.

 

          Dans la première page introductive, Anne-Sophie Molinié insiste sur le double paradoxe selon lequel la postérité a davantage retenu le peintre pour ses frasques que pour son œuvre alors qu’il a pourtant connu un immense succès de son vivant et mis au point un style personnel et expressif. Autre paradoxe qu’alimente le propos de l’ouvrage, la très grande inventivité iconographique et ferveur religieuse des tableaux d’un peintre moine dont la vie a pourtant été émaillée de malhonnêtetés et de déboires judiciaires. Lippi tient en effet une place de choix dans le panthéon des artistes florentins de la Renaissance qui ont contribué à l’avènement de la manière moderne. En particulier, ce « peintre de la couleur et du naturel, toujours en quête de solutions originales » s’est distingué par une approche vivante, naturelle et très humaine, mettant en scène des personnages expressifs dans des espaces illusionnistes cohérents.

 

          La première partie intitulée « 1406-1438, Moine et peintre » se concentre sur le début de la vie et de la carrière de Filippo Lippi, jeune florentin de condition modeste confié aux moines de Santa Maria del Carmine à l’âge de huit ans. Cette communauté monastique de Carmes qui lui a permis d’acquérir une solide culture théologique, le voit prononcer ses vœux dans sa quinzième année. Le récit progresse chronologiquement, articulé par des titres en majuscules qui sont autant de sous-parties : « Moine à quinze ans », « Un environnement artistique exceptionnel », « Premières œuvres », « Un moine singulier », « Un étonnant portrait » (Portrait d’une femme et d’un homme à une fenêtre, vers 1435, New York, The Metropolitan Museum of Art) et « Raconter l’histoire sainte ». Cette première partie est ponctuée de deux encarts « à propos » relatifs à « Florence au début du Quattrocento » et à « L’art et la commande » et d’un « arrêt sur image » sur la Vierge à l’Enfant dite Madonna Tarquinia (1437, Rome, Palais Barberini). Le texte débute donc légitimement par un rappel du contexte culturel et social de la Florence du Quattrocento naissant, avec un résumé de l’émulation artistique spécifique qui s’y joue, ses protagonistes et leurs recherches centrées sur le traitement de la figure humaine et de l’espace. C’est dans ce contexte particulier qu’évolue le jeune Fra Filippo dont la formation, le début de carrière et les premières œuvres demeurent relativement obscurs, mais néanmoins documentés par quelques évènements, œuvres et épisodes, tel son séjour à Padoue en 1434 et sa collaboration dans l’atelier de Francesco Squarcione. Documenté comme peintre à partir de 1431, son « statut de moine peintre est délicat à cerner » comme l’explique l’auteur, qui rappelle qu’à partir de 1432 il évolue dans l’univers séculier avec une certaine propension à déjouer les règles comme l’illustrent ses multiples démêlés avec la justice, civile et ecclésiastique, maintes fois glosés depuis Vasari. Il n’empêche, dans la seconde moitié des années 1430, Fra Filippo est un artiste reconnu qui a su renouveler le traitement de la Sainte Conversation et de la Vierge à l’enfant, notamment en proposant un traitement unifié et illusionniste de l’espace, tout en incarnant et en animant les figures.

 

          La deuxième partie s’intitule « 1438-1452, Une renommée tapageuse ». Outre deux « à propos » sur « L’Annonciation au Quattrocento » et sur « Cosme de Médicis » et un « Arrêt sur image » consacré au Couronnement de la Vierge ou Couronnement Maringhi (1439-1447, Florence, Galerie des Offices), cette partie retrace l’ascension du peintre et les grandes dates de sa carrière mouvementée. Là encore, le texte est structuré autour de chapôs en majuscules qui sont autant de thématiques et d’étapes de la vie et de la carrière de l’artiste : « Entre tradition et modernité », « Adapter la peinture aux goûts du commanditaires », « Bouleverser l’art du retable », « Le protégé des Médicis », « Un maître rare », « Des difficultés avec la justice ». Où l’on apprend que le moine concentre ses recherches picturales autour de quelques grands thèmes religieux, en particulier celui du Couronnement de la Vierge, et qu’il s’entoure de collaborateurs talentueux dont Fra Diamante qui deviendra ensuite son principal assistant. À partir de quelques exemples, Anne-Sophie Molinié explique la manière dont Lippi a su s’adapter aux exigences de ses différents commanditaires tout en renouvelant l’art du retable. Une place particulière est naturellement faite aux membres de la famille Médicis, principaux mécènes et protecteur du peintre, Lippi ayant fait partie des peintres préférés de Cosme de Médicis – avec Fra Angelico.

 

          La troisième partie concerne la période « 1452-1465, Entre le cloître et le monde ». Les « à propos » qui émaillent cette partie concernent « le Tondo, un exemple d’art domestique » et « Prato, dans l’ombre florentine », et l’« Arrêt sur image » traite du Festin d’Hérode, une des fresques de la chapelle du chœur de la cathédrale de Prato. Les sous-parties en majuscules articulant le propos traitent respectivement de « L’installation à Prato » au cours de l’hiver 1452-1453, « De nombreux intermèdes » aux fresques de la cathédrale de Prato sous forme de commandes des Médicis et de notables de Prato, de « Peindre pour enseigner » qui renvoie à l’iconographie subtile de peintures par ailleurs techniquement et stylistiquement matures. La réputation de Lippi, solidement établie en dehors de Florence, se voit néanmoins ternie par ses « Démêlés avec l’Église » en 1454. « Le thème de la pénitence » fait partie des thèmes traditionnels que Lippi renouvelle. Puis c’est « L’affaire Lucrezia », « l’incident le plus mouvementé et célèbre de la vie de Lippi » qui vient d’être nommé chapelain du couvent augustin de Santa Margherita de Prato. Il s’agit de sa passion avec la jeune nonne Lucrezia Buti, qui les conduira l’un et l’autre à être relevés de leur vœux monastiques en 1461 grâce à l’intervention de Cosme de Médicis auprès du pape Pie II. Cette partie s’achève avec l’évocation du « Décor magistral » des fresques de la cathédrale Santo Stefano de Prato, peintes entre 1452 et 1465.

 

          Enfin, la quatrième partie intitulée « 1465-1469, À Spolète, la gloire » aborde les grandes questions de « La transgression pour principe » en lien avec les nombreux procès dans lesquels Lippi est impliqué entre 1450 et 1463 – portant sur des questions économiques et conduisant à sa progressive précarisation –, « Installation à Spolète », petite ville d’Ombrie où le peintre séjourne fréquemment à la fin de sa vie, « Des Vierges toujours » sur lesquels il se concentre, et en particulier des Vierges à l’Enfant, ainsi que « les fresques du duomo de Spolète » (1466-1469) auxquelles il travaille sans relâche dans les dernières années de sa vie, et qui incarnent sa « Gloire de la peinture ». Cette dernière partie chronologique inclut en outre un « à propos » consacré à « La vie de Fra Filippo par Giorgio Vasari », plus romanesque que réelle comme souvent chez Vasari, et un « arrêt sur image » sur la Dormition, fresque du décor de l’abside de la cathédrale de Spolète (1466-1469).

 

          Enfin, l’ultime partie, « Approfondir » se compose d’un petit texte consacré à « Maître atelier : autour de Fra Filippo » – qui évoque ses principaux collaborateurs, en particulier Fra Diamante puis Sandro Botticelli et son propre fils Filippino Lippi – et se clôt avec une page intitulée « Pour en savoir plus » articulée en deux rubriques, des « Lectures proposées » – une petite dizaine de références bibliographiques classées par thèmes (« Sur la Renaissance », « Pour se distraire » et « Pour les enfants ») – et « Où voir des œuvres de Filippo Lippi ? », respectivement « In situ » et « Dans les Musées », citant succinctement les principaux lieux et institutions concernés en France, en Italie, en Europe et dans le monde.

 

          Au final, ce petit ouvrage de divulgation scientifique s’est certainement voulu pédagogique et facile d’utilisation. Mais, sans doute par excès de rationalisation et du fait de la multiplication des informations et de la diversification de leur présentation, la lecture est ardue. Dès le sommaire et le préambule – ou bien s’agit-il d’une introduction ? – on a du mal à suivre le fil du propos, ensuite sans cesse interrompu, là par un encart « à propos », ailleurs par un « arrêt sur image ». Et la présence des citations et des tableaux chronologiques en têtes de chapitres, aussi didactiques soient-ils, accentuent malencontreusement encore cette confusion.