AA.VV.: De l’Éphèbe à l’Alexandre d’Agde. 80 p., nombreuses illustrations, 17 x 24 cm, 16 €, ISBN : 978-2-9541190-0-7
(Musée de l’Ephèbe et d’Archéologie sous-marine, Agde 2012)
 
Reviewed by Estelle Galbois, Université de Toulouse II-Le Mirail
 
Number of words : 1075 words
Published online 2013-06-26
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1755
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          Cet ouvrage est consacré à l’Éphèbe d’Agde, l’« unique bronze hellénistique découvert dans les eaux françaises ». Le volume, première monographie consacrée à cette œuvre, est constitué de plusieurs articles associés à une riche documentation iconographique et à une bibliographie.

 

           La statue en bronze, découverte en 1964, a été classée statue Monument Historique par arrêté ministériel le 28 juin 1966, comme le rappelle X. Fehrnbach. Elle est conservée depuis 1987 à Agde, au Musée d’Archéologie sous-marine, spécialement construit à cet effet. Une commission scientifique, réunissant historiens de l’art, conservateurs, restaurateurs et techniciens, a été constituée pour piloter les opérations de restauration nécessaires (modification de la patine, restitution du bras gauche, redressement de l’axe de la statue).

 

           O. Bérard-Azzouz (O. B.-A.) retrace ensuite l’historique de l’œuvre, de sa découverte aux restaurations effectuées de 1964 à 2003, et évoque les études qui en ont été faites. C’est lors d’une prospection dans le lit du fleuve Hérault par le GRASPA (Groupe de Recherches Archéologiques Subaquatiques et de Plongée d’Agde), le dimanche 13 septembre 1964, que le bronze a été découvert. La statue, d’une hauteur d’environ 1,40 m, dénommée par ses inventeurs l’Éphèbe d’Agde, comportait d’importantes lacunes : la main droite et la jambe gauche. Les recherches stylistiques menées sur le bronze ont permis de déterminer qu’il s’agissait d’un portrait d’Alexandre le Grand, probablement d’époque hellénistique. Les trois photographies juxtaposées de la page 24, montrant l’état de conservation de l’Éphèbe en 1965, 1967 et 2009, permettent de mesurer les importantes restaurations qui ont été effectuées.

 

          Suivent deux contributions techniques portant l’une, sur les nouvelles données de laboratoire sur l’Éphèbe d’Agde, l’autre sur la deuxième phase de restauration de la statue. Plusieurs examens ont été entrepris sur la statue, comme le résume B. Mille (B. M) - examens visuel et radiographique, analyses de la composition élémentaire du métal, réexamen de la coupe métallographique faite en 1965. Au nombre des résultats obtenus : l’identification des coulées primaires et secondaires, repérage des soudures en forme d’auréoles en reliefs (soudage en cuvette), la réparation des défauts par des soudures en cuvettes ovales. O. Tavoso (O. T.) revient sur la nécessité de restaurer l’œuvre en 2006. La restauration a consisté notamment en l’élimination du vernis ancien et des dépôts pour faire apparaître les détails du modelé et révéler les différentes couches d’oxydes constituant la surface de la statue, ainsi que la stabilisation de la corrosion pour prévenir l’écaillage de l’épiderme et la fragilisation de la structure.

 

          Dans l’article suivant, O. B.-A. propose une étude stylistique de l’Éphèbe d’Agde, après avoir mentionné les études menées par Jean Charbonneaux, qui a fait un rapprochement entre ce bronze et les œuvres sculptées d’époque hellénistique de style lysippien, et par Claude Rolley, qui a reconnu dans ce bronze, plus petit que nature, un portrait d’Alexandre. La statue présente des proportions qui la rattachent au principe d’1/8e, c’est-à-dire au canon esthétique grec de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. Dans sa description, O. B.-A. insiste sur la pose du personnage, la chlamyde macédonienne enroulée autour du bras gauche, les traits du visage, la chevelure aux mèches souples avec l’anastolè à l’aplomb du front et le strophion qu’elle rapproche de celui trouvé dans la tombe dite de Philippe II, à Aigai. À cause des caractéristiques énoncées, l’auteur se demande enfin, tout en restant prudente, si l’œuvre ne serait pas attribuable à Lysippe, le portraitiste officiel d’Alexandre le Grand.

 

          Fr. Queyrel (F. Q.) évoque, dans une première contribution, les principaux traits de l’iconographie d’Alexandre et rappelle d’emblée que les effigies contemporaines de celui-ci sont très rares. Il insiste par ailleurs sur la légende qui entoure le conquérant macédonien, laquelle influe directement sur l’imagerie de ce dernier. Les portraits du fils de Philippe II relèvent d’une certaine ambiguïté puisqu’éléments historiques et légendaires – Alexandre est dans le même temps fils de Zeus et nouveau Dionysos – se confondent, ce qui n’est pas sans poser de problèmes d’identification. En outre, le portrait d’Alexandre a « une fonction légitimatrice et symbolique plutôt qu’anecdotique ou historique au sens étroit du terme ».

 

          F. Q., dans une seconde contribution, après s’être interrogé sur l’identification du bronze d’Agde, dans lequel il reconnaît un portrait d’Alexandre, propose, et c’est une hypothèse fort intéressante, de voir dans la statue un portrait d’Alexandre en porte-plateau (trapézophore) ou en porte-flambeau (lampadéphore). Les portraits royaux, nous le savons, pouvaient avoir une fonction décorative, et pas seulement cultuelle ou honorifique. Cette hypothèse s’appuie notamment sur la comparaison avec le Dionysos de Sakha (le thyrse a été remplacé par un candélabre vertical dans la main droite) et la statue de la Via dell’Abbondanza, interprétée comme un trapézophore.

 

         Dans un ultime chapitre, O. B.-A. précise la localisation de l’antique cité d’Agde, fondée par les Phocéens de Marseille au VIe s. av. J.-C., devenue un point de contact entre les peuples ibériques et italiques. Des échanges entre les populations autochones et les peuples méditerranéens semblent toutefois avoir été importants dès la Protohistoire. À partir du IIe s. av. J.-C., le trafic portuaire de la cité s’intensifie : denrées alimentaires et objets en bronze, destinés à orner les riches demeures de la province Narbonnaise, sont importés. Ce contexte explique le fait que les collections du musée d’Agde aient été découvertes in situ, en mer ou dans le fleuve Hérault. Le bronze d’Agde aurait pu avoir été transporté depuis l’Italie jusqu’en Gaule au IIe ou Ier s. av. J.-C. La statue a peut-être été jetée dans le fleuve pendant la période Paléochrétienne durant le Ve s. ap. J.-C.

 

          Cet ouvrage de synthèse apporte des éléments nouveaux sur la technique de la statue et sur l’iconographie et la fonction de ce bronze, et constitue désormais l’étude de référence pour ce chef-d’œuvre retrouvé dans le lit de l’Hérault.

 

 

Sommaire

 

X. Fehrnbach, La commission scientifique autour d’un trésor national, p. 9.

O. Bérard-Azzouz, Historique : découverte, études et restaurations de 1964-2003, p. 11.

B. Mille, Nouvelles données du laboratoire sur l’Éphèbe d’Agde, p. 25.

O. Tavaso, La deuxième phase de restauration de l’Alexandre d’Agde, p. 35.

O. Bérard-Azzouz, Étude stylistique de l’Alexandre d’Agde, p. 4.

F. Queyrel, Principaux traits de l’iconographie d’Alexandre, p. 49.

F. Queyrel, L’Alexandre d’Agde : un porte-plateau ou un porte-flambeau, p. 61.

O. Bérard-Azzouz, L’Alexandre d’Agde et le commerce des œuvres d’art antiques, p. 73.

Bibliographie et abréviations, p. 78.