Ancel, Marie-José : Pratiques et espaces funéraires : la crémation dans les campagnes romaines de la Gaule Belgique, 650 p., 218 fig., 120 pl., 81 tabl., 80
(Editions Monique Mergoil 2012)
 
Recensione di André Buisson, Université Lyon III
 
Numero di parole: 1055 parole
Pubblicato on line il 2013-03-26
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1757
Link per ordinare il libro
 
 

 

          L’ouvrage de M.-J. Ancel, publication d’une thèse soutenue à l’université Lyon 2, étudie la place de l’espace funéraire dans les campagnes et ses relations à l’habitat. À la base de cette volumineuse étude se trouve le rapport sur trois fouilles archéologiques conduites par l’auteure sur des sites de nécropoles à incinération, à Mécleuves, Loison-sous-Lens et Contrexéville. Sans doute grâce à la connaissance acquise lors de ces fouilles et des études qui ont suivi, l’auteure a choisi d’étendre son territoire d’investigation à la province romaine de Gaule Belgique, en se limitant au monde rural.

 

          La première partie du travail fixe les cadres de l’étude, géographique, historique et chronologique. C’est dans cette partie qu’elle procède également à la définition de son terrain, le milieu rural, et qu’elle fournit également un historique de la recherche.

 

          L’étude des sites funéraires, réalisée dans la deuxième partie, présente les trois sites, fouillés récemment, et dont l’un a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une publication séparée, ce qui pourrait conduire à un doublon (Ancel, 2012). Cette partie est l’occasion pour l’auteure de présenter sa méthode de travail de spécialiste, avec notamment l’étude des os brûlés, dans le but d’identifier le NMI (nombre minimum d’individus) et les rites de crémation (apport d’offrandes végétales, animales), l’âge au décès ou l’état sanitaire de la population. Elle présente également la méthode de fouille qui a tenté de privilégier la fouille en laboratoire des urnes cinéraires lorsque c’était possible. Elle dégage également une typologie des tombes, entre incinérations primaires et secondaires, présence ou non d’un contenu pour les cendres… Elle présente ensuite les ensembles fouillés, avec leurs caractéristiques et, dans ce choix précis, leur complémentarité.

 

          Les trois ensembles, fouillés récemment et présentés dans ce travail, se répartissent, dans la géographie antique, entre les territoires de plusieurs populations de la Gaule Belgique. Ils se situent sur les communes de Mécleuves (Moselle, lieu-dit La Haie-aux-Angles), Loison-sous-Lens (Pas-de-Calais, lieu-dit Les Oiseaux) et Contrexéville (Vosges, lieu-dit Le Grand Hâchu). La présentation des trois sites, effectuée avec une grande précision, nous montre tout d’abord leur appartenance au milieu rural, la proximité relative d’un habitat et le voisinage d’une voie antique. Ces trois sites sont d’une importance territoriale, qualitative et quantitative variable : de 90 structures funéraires (dont 58 tombes) à Mécleuves à 10 structures funéraires (et pas une seule tombe identifiée) à Contrexéville. La chronologie de la nécropole de Mécleuves est également étudiée.

 

          La plus grosse partie de l’ouvrage est composée du catalogue des tombes et structures funéraires de ces trois ensembles, détaillé suivant une fiche-type incluant le relevé simplifié de la structure, le catalogue du mobilier et les photos significatives. La lecture permet de relever un certain nombre d’éléments remarquables. On notera, par exemple, la tombe 15, datant de la fin du IIe ou du début du IIIe s,  dans laquelle un fragment de fémur présente de nombreuses traces d’entailles profondes portées avec un instrument contondant. Pour s’extraire du détail et remonter aux ensembles, on note dans la nécropole du Grand Hachu la présence d’un secteur à l’intérieur duquel les tombes sont en cistes de pierre (secteur 4, fig. 188, p. 407) même si le plan d’ensemble de ce site est à trop petite échelle pour se localiser précisément. L’examen de la typologie de ces cistes met également en évidence la présence de quelques stèles « en forme de maison » - notamment fig. 34, p. 66 - (chères à E. Linckenheld, absent de la bibliographie) et d’une stèle sculptée (structure 70, fig. 24, p. 60 dont on aurait aimé avoir plus de détails). L’étude de la structure 77 montre le lien entre une aire de crémation et d’offrandes alimentaires en rapport avec une tombe éloignée de quelques mètres, la t. 205 (lien établi par le collage d’éléments d’objets). Il s’agit d’une aire de vastes dimensions, en forme de L, ne contenant pas d’ossements humains, mais uniquement d’animaux, ainsi qu’un très grand nombre de fragments d’objets, plus de 7000 tessons de céramique, 53 amphores et des éléments de charnière de coffret. Cette aire est datée de la première phase de la nécropole, entre 50 et 80. Attention cependant, dans le catalogue, aux redites involontaires : la figure 13 p. 293 présentant la structure 26-202 devient p. 383, pl. 52 la structure 202-26 ! De même, la publication telle quelle des fiches descriptives engendre de nombreuses répétitions : ainsi aux p. 450 et 451, aux tombes 283 et 284 et suivantes... et page 437, où l’on relève une redite de paragraphe dans la deuxième colonne.

 

          L’autre grand volet de cet ouvrage (3ème partie), à l’intérieur duquel l’auteur évoque l’élaboration du corpus des sépultures en Gaule Belgique, est composé de l’analyse et de la synthèse. Plusieurs auteurs avant elle se sont en effet intéressés à ce domaine, Van Doorselaer pour les sépultures à inhumation notamment. L’inventaire est réalisé dans le cadre de chacune des cités antiques qui composent cette province, province dont M.-J. Ancel avait pris soin de présenter les limites et l’évolution chronologique dans l’introduction de ce volume. Dans la synthèse, des questions importantes sont abordées, comme celle de la relation habitat/site funéraire, rarement mise en évidence jusque-là, de la même manière qu’elle met en lumière les contraintes géographiques : relief/topographie, voies et chemins, parcellaires ; de la même manière, elle aborde la question de la définition des limites de l’emprise urbaine (nécessaire à la réalisation de son corpus de sites exclusivement « ruraux ») en proposant une limite à environ 1000 m à la périphérie des agglomérations et 2000 m pour le cas de Bavai. L’analyse de la répartition des sites funéraires lui permet de montrer l’attractivité des villes comme Arras sur les établissements ruraux, en territoire Atrébate.

 

          Au niveau de chaque nécropole, l’étude attire l’attention sur l’organisation interne, avec le signalement des tombes, la séparation entre nécropole et monde des vivants par des fossés, palissades, clôtures ou haies, l’existence d’une enceinte globale ou d’enclos familiaux (ou les deux) et note par exemple que si l’on trouve des enceintes fossoyées chez les Atrébates, se sont plutôt des murs de clôture chez les Médiomatriques… ainsi que la présence de marqueurs, comme des cippes ou des stèles, ou bien encore des mausolées maçonnés à couverture de tuiles, ainsi que des axes de circulation intérieure, comme à Mécleuves – fig. 22).

 

          L’ouvrage est important, documenté, même si une relecture aurait pu débarrasser le texte des nombreuses scories qui peuvent agacer le lecteur.