Wassenhoven, Maria-Evdokia: The bath in Greece in classical antiquity: the Peloponnese, 296 p., £ 44.00, ISBN 9781407309552 (BAR international series, S2368)
(Archaeopress, Oxford 2012)
 
Recensione di Isabelle Algrain, Université libre de Bruxelles
 
Numero di parole: 1944 parole
Pubblicato on line il 2013-09-23
Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1794
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          Il est fort difficile de proposer un nouvel ouvrage sur le bain grec depuis l’œuvre séminale de René Ginouvès qui, bien que vieille de plus de 50 ans, reste irremplaçable pour qui veut étudier les pratiques de bain dans l’Antiquité grecque. Maria-Evdokia Wassenhoven a fort honorablement relevé le défi de publier une thèse sur les bains en Grèce ancienne. Toutefois, le titre de l’ouvrage est quelque peu trompeur puisqu’il ne se limite pas à une simple étude des bains dans le Péloponnèse mais traite principalement des influences respectives du monde grec et romain sur les pratiques de bain dans cette région. Il envisage également les pratiques en question antérieures à l’époque classique mais également celles de l’époque romaine afin de fournir des comparaisons architecturales, technologiques et culturelles.

 

          L’ouvrage s’ouvre sur une introduction méthodologique. L’étude des bains dans la région du Péloponnèse constitue un cas d’étude pratique qui permet à l’A. d’analyser l’impact de l’hellénisation sur la péninsule italienne et celui de la romanisation des provinces grecques sur le cadre architectural et spatial du bain. Les deux hypothèses de départ de l’A. sont : 1) l’architecture des bains grecs classiques et hellénistiques n’a pas influencé de manière significative les bains romains, basés sur les technologies de construction romaines, l’idéologie du gymnase grec et les traditions hellénistiques orientales ; 2) malgré le nombre important de bains romanisés construits en Grèce, les traditions grecques ont résisté à la romanisation en gardant un caractère privé et urbain, comme aux époques antérieures. Dans le cadre ainsi défini, l’A. étudie les transformations de l’architecture et du cadre spatial des bains dans l’espace helladique depuis le VIe s. av. jusqu’au VIe s. ap. J.-C. Cette notion de spatialité est un des concepts clés de l’ouvrage, présenté dans l’introduction avec un tableau, reprenant les différents degrés de spatialité qui seront évoqués dans les chapitres suivants. Cette classification hiérarchique est divisée en 7 niveaux de spatialité en fonction de la complexité et de l’importance des bains, allant du simple bain de mer informel aux bains qui prennent place dans les grands complexes thermaux de l’époque impériale. Le choix du Péloponnèse s’est imposé à l’A. en raison du nombre relativement important de bains des deux traditions (grecque et romanisée) connus dans la région et de leur chronologie qui s’étale de la période classique à l’antiquité tardive. Les concepts d’hellénisation et de romanisation sont également définis et les classifications existantes simplistes des vestiges de bains identifiés comme « grecs » ou « romains » sont remises en cause, puisque celles-ci ne sont pas toujours aussi claires et laissent de côté des bâtiments atypiques.

 

          Le premier chapitre traite du bain dans la Grèce de l’Âge du Bronze et dans les récits homériques. Le but de cette partie est de décrire et de classifier les différentes traditions de bain dans le monde grec avant le VIe s. av. J.-C., date à laquelle remontent les attestations archéologiques les plus anciennes de bains privés. Ce chapitre résume ce que l’on sait du bain à l’Âge du Bronze ainsi que les tendances actuelles de la recherche et les grands débats. L’intention de l’A. n’est pas uniquement de lier les traditions de l’époque classique avec celles de périodes plus anciennes mais aussi d’étudier la spatialité du bain dans différents systèmes culturels, selon la grille d’analyse présentée dans l’introduction. Toutefois, la fonction précise des salles d’eau, leur organisation spatiale ou encore le rôle social du bain restent difficile à déterminer voire hypothétiques en raison du manque de sources écrites décrivant ces pratiques. L’A. décrit tout d’abord les divers éléments qui permettent d’identifier des installations liées au bain dans les vestiges archéologiques. Par ordre d’importance, ceux-ci sont la présence de bassins, de baignoires ou d’autres objets du même type ; la découverte d’un système d’adduction d’eau ou d’évacuation ; l’emploi de matériaux hydrofuges dans certaines parties des bâtiments ; le contexte et, enfin, la comparaison avec d’autres structures connues et correctement identifiées. Les vestiges des époques minoenne et mycénienne consistent principalement en une série importante de larnakes réemployés pour la plupart comme sarcophages. Leur découverte dans des nécropoles, en dehors de tout contexte d’habitat, rend presque impossible l’étude de la spatialité du bain à cette époque. De même, les problèmes d’identification de certaines pièces des palais à des salles d’eau et la découverte de bassins lustraux, dont la différence d’utilisation est difficile à établir, ne permet pas de dire avec certitude si des pièces spécifiques étaient dédiées aux ablutions dans les différentes structures d’habitations. Les textes en linéaire B de l’époque mycénienne ne sont pas plus utiles pour établir l’organisation spatiale du bain car ils ne mentionnent que les pratiques du bain dans les palais, l’équipement utilisé et les personnes en charge de diverses tâches liées au bain. Il est probable que des bassins portables soient utilisés dans la majorité des cas. Les poèmes homériques sont également envisagés dans cette section. Un recueil d’extraits illustre les différents contextes dans lesquels le bain prend place : préparation à l’arrivée ou au départ d’un hôte, relaxation, repas, décès.

 

          Le deuxième chapitre est consacré aux problèmes chronologiques et typologiques soulevés par l’étude des bains dans l’Italie romaine. Il s’ouvre sur un résumé du développement architectural des bains romains entre le IVe s. av. J.-C. et 250 av. J.-C. Il met notamment l’accent sur la période comprise entre 200 et 100 av. J.-C. qui voit le développement des bains à hypocaustes. L’A. examine la question de l’émergence de la technique de l’hypocauste et retrace les grandes lignes du débat sur l’origine de cette technologie : purement locale ou bien  influencée par les Grecs présents en Italie et leur culture du bain. Des exemples de complexes de bains et de thermes sont utilisés pour montrer l’évolution architecturale et technologique du bain romain et l’essor que prirent de tels bâtiments entre le Ier s. av. et le Ier s. ap. J.-C. Ce chapitre met également l’accent sur les principales caractéristiques des traditions de bain dans le monde romain, sur la configuration spatiale du bain et sur les différentes classifications typologiques architecturales utilisées par les chercheurs. Cette section sert de toile de fond pour l’étude comparative proposée dans le chapitre suivant entre la culture du bain grecque et la culture du bain romanisée en Grèce à l’époque romaine.

 

           Selon la classification proposée dans l’introduction, le troisième chapitre étudie les deux formes de bains présentes dans l’espace grec sur la base des vestiges architecturaux, à savoir la tradition grecque et la tradition grecque romanisée. La question fondamentale qui sous-tend cette section est de déterminer si et à quel degré la spatialité du bain grec a été modifiée après la conquête romaine. La première partie du chapitre s’attache donc à décrire les lieux et l’organisation spatiale du bain grec entre le VIIe s. av. et Ier s. ap. J.-C. Les bains de tradition grecque sont catégorisés comme tels grâce à l’étude de sources écrites, iconographiques et architecturales et sont marqués d’un point de vue technologique par un «avant» et un «après» l’hypocauste. Le bain total ou partiel peut prendre place dans la nature, à la fontaine, au gymnase, au bain public, à la maison, dans le palais ou dans le sanctuaire et dans des contextes tels que la vie quotidienne, les soins médicaux, la religion et les pratiques athlétiques. Le bain grec, bien que plus simple que le bain romain, revêt toutefois une importance symbolique que le bain romain n’a pas. Une de ses caractéristiques est en effet d’être un point de transition entre deux conditions ou deux activités comme la naissance, le mariage, le repas ou encore les sacrifices... Après avoir mis en évidence les spécificités du bain grec, l’A. s’attache à décrire les éléments architecturaux et mobiliers qui permettent des bains totaux ou partiels et qui sont propres à la tradition grecque. La standardisation spatiale et technologique est minime par rapport aux bains romains. Dans le monde grec, le bain est avant tout lié à la sphère privée et à la pratique individuelle. Ces pratiques n’ont laissé que peu de traces archéologiques en raison des structures mobiles utilisées en contexte domestique (bassins...). Le peu d’installations domestiques a pu favoriser la construction de bains (balaneia) puisque l’autre lieu public de bain, le gymnase, ne permet l’entrée qu’à un nombre restreint de personnes. L’A. développe une partie consacrée aux bains dans les gymnases et à la fontaine, qu’elle qualifie de précurseurs des bains publics à la romaine. Toutefois, le rôle des fontaines dans la toilette quotidienne a probablement été surestimé en raison de l’iconographie qui montre des jeunes femmes nues à la fontaine et un peu plus de circonspection dans l’interprétation de ces images aurait été la bienvenue. La seconde partie du chapitre traite des traditions de bains grecques qui ont subi une influence romaine. Celles-ci sont plus simples que les pratiques romaines avec principalement un bain chaud et un bain froid, total ou partiel. Le phénomène de romanisation des établissements de bain grecs semble débuter au Ier s. av. J.-C., notamment avec l’apparition d’éléments technologiques tels que les hypocaustes de type romain et l’augmentation du nombre de salles d’eau. Le bain a un caractère beaucoup plus limité dans le monde romain car il ne présente pas cet aspect de passage et de transition qu’a le bain grec. Toutefois, il possède un rôle de sociabilité très important. Il se démarque également des traditions grecques par les proportions plus importantes des édifices qui ont été favorisées par le développement d’aqueducs y acheminant de grandes quantités d’eau.

 

          Le quatrième et dernier chapitre a pour objet à la fois l’hellénisation du bain romain et la romanisation du bain grec. Une première section retrace une nouvelle fois le débat qui oppose les tenants d’une tradition romaine évoluant de manière parfaitement autarcique aux tenants d’une tradition romaine mâtinée d’influences grecques. Le débat est principalement centré sur les innovations technologiques et en particulier sur l’invention de l’hypocauste. L’A. considère cette innovation comme étant locale car elle a pu bénéficier d’un avantage sur la tradition grecque en raison des techniques romaines de construction plus évoluées. Toutefois, la contribution des Grecs à la tradition romaine du bain comprend des éléments importants qui deviendront essentiels dans le bain romain, à savoir le modèle idéologique du gymnase, le type architectural de la palestre, la salle de bains circulaire et la piscine. Dans la seconde section qui traite de la romanisation du bain grec, l’A. conclut que les bains grecs ont été très peu marqués par la conquête romaine et que peu de changements ont pu être observés dans l’architecture et l’organisation spatiale des bains. Elle confirme de la sorte les deux hypothèses de départ qui étaient présentées en introduction.

 

          L’ouvrage se termine sur un catalogue qui liste les 151 vestiges archéologiques de bains recensés par l’A. dans le Péloponnèse auquel succèdent des planches présentant les plans de ces installations. Toutefois on regrettera que ni le catalogue, ni les planches ne soient mentionnés avec des renvois dans le texte, rendant ces appendices quelque peu artificiels. Le catalogue est par ailleurs peu pratique à utiliser car les abréviations chiffrées indiquant le niveau de spatialité ou les caractéristiques architecturales nécessitent de fréquents retours dans le texte pour consulter les abréviations explicitées dans les tableaux.

 

          On notera la piètre qualité éditoriale de l’ouvrage. Une relecture plus minutieuse aurait permis d’éviter de nombreuses coquilles et des répétitions de paragraphes entiers. Malgré les problèmes mentionnés, le livre a pour mérite de présenter sous un éclairage intéressant les phénomènes mutuels d’hellénisation et de romanisation qui s’exercent entre les mondes grec et romain à partir de l’étude de l’architecture et de la spatialité des bains.