Biella, Maria Cristina: La Collezione Feroldi Antonisi De Rosa. Tra indagini archeologiche e ricerca di un’identità culturale nella Civita Castellana postunitaria, pp. 384 con 24 figure e LXXIII tavole in bianco/nero n.t., ISBN 978-88-6227-356-5, € 485
(Fabrizio Serra editore, Pisa - Roma 2011)
 
Reviewed by Stéphane Bourdin, Ecole française de Rome
 
Number of words : 1308 words
Published online 2013-01-21
Citation: Histara les comptes rendus (ISSN 2100-0700).
Link: http://histara.sorbonne.fr/cr.php?cr=1804
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          Maria Cristina Biella publie dans la Biblioteca di "Studi Etruschi", n° 51, un ouvrage inspiré de sa thèse de laurea, préparée sous la direction de G. Colonna, M.P. Baglione et M.A. De Lucia et soutenue à l’Université de Rome La Sapienza en 1999, qui est consacré à la collection Feroldi De Rosa, conservée au Museo Archeologico Nazionale de Civita Castellana, dans la province de Viterbe. Ce travail universitaire ne couvrait qu’une partie du matériel toutefois et l’auteur a ensuite prolongé ce travail en étudiant l’ensemble de la collection, qui comprend plus de 700 objets, dont 110 environ ne sont plus localisés aujourd’hui. L’A. fournit en appendice la liste de ces objets perdus d’après les registres d’inventaire du Museo Nazionale Etrusco de la Villa Giulia à Rome. Le matériel de la collection est en effet actuellement partagé entre trois institutions : les réserves du musée de Civita Castellana, celles de la Villa Giulia et de la Surintendance des Abruzzes à Chieti.

 

          Outre l’édition d’une collection archéologique quasi-inédite, l’A. se propose de revenir en préambule sur l’histoire de la recherche, sur l’utilisation des découvertes archéologiques dans la vie politique de la commune de Civita Castellana dans le dernier quart du XIXe s., sur le rapport entre les élites locales et le « pouvoir central » à travers le problème de la cession du matériel patrimonial à l’État italien à peine formé. C’est donc toute la dialectique de la « petite patrie » par rapport à l’État risorgimental, des partisans d’un museo civico qui s’opposent à ceux qui promeuvent l’existence d’un grand musée étrusque à Rome voulu par l’inspecteur général Felice Bernabei et qui ouvre ses portes à la Villa Giulia en 1889, qui court derrière l’histoire des fouilles et du collectionnisme à Civita Castellana. Ce particularisme est renforcé par la volonté, à travers les découvertes archéologiques, d’affirmer l’existence d’un ensemble ethnique falisque nettement distinct des voisins étrusques.

 

          Le premier chapitre présente donc l’histoire de la collection rassemblée par Ugo Feroldi et son épouse, la comtesse Imelda Antonisi De Rosa. Cette famille possède des terres très étendues, sur lesquelles les premiers vestiges sont mis au jour en 1873, à la localité Cappucini. À la suite de la découverte de petits bronzes, le comte Cesare Antonini Rosa et son fils obtiennent l’autorisation de fouiller et mettent au jour un dépôt votif et des structures, surnommées le Ninfeo Rosa, mais qui correspondent en réalité à un sanctuaire. Les fouilles se poursuivent dans les années 1880-1890 aux localités Colonnette, Montarano, Cappuccini et Celle, sous le contrôle des inspecteurs Cozza, Pasqui et Gamurrini, et les propriétaires de Civita Castellana constituent la Società di imprenditori di scavi archeologici, qui recherche des objets pour les vendre notamment au musée de la Villa Giulia. Sont ainsi mises au jour les principales nécropoles de Faléries, capitale des Falisques. La collection Feroldi Antonisi De Rosa est vendue en plusieurs lots, à la Villa Giulia en 1888 et en 1891, et au Museo Archeologico de Florence en 1889. Mais les fouilles se poursuivent, avec notamment la découverte des tombes de Fonte Lepre. En 1910 enfin, le directeur de la Villa Giulia, Angelo Colini, obtient l’autorisation d’acquérir les mobiliers des tombes de Ponte Lepre, ainsi que le restant de la collection du comte. Après deux ans d’âpres discussions sur le prix, l’État achète finalement, en 1912, la collection, qui est partagée entre le Museo dell’Agro Falisco et la Villa Giulia. Le matériel regagne progressivement le musée de Civita Castellana, mais une partie demeure à la Villa Giulia, où il est malheureusement mélangé à des objets provenant de Carsoli (ce qui explique qu’une partie des objets falisques se trouve désormais dans les dépôts de la Surintendance des Abruzzes à Chieti où ont été ramenés les objets « de Carsoli »). Aujourd’hui donc, à part le matériel du Ninfeo Rosa, la provenance précise des autres objets de la collection est inconnue.

 

          Le coeur de l’ouvrage est formé du catalogue des objets encore existants, complété en appendice de la retranscription du contrat de vente de la collection à l’État et de la liste des objets perdus. Après la bibliographie, l’A. propose aussi une liste récapitulative de tous les objets de la collection, ainsi qu’une liste des inscriptions présentes sur les objets, qui sont toutes publiées dans les recueils d’inscriptions falisques ou étrusques. La collection comporte donc plus de 700 objets, inédits à plus de 85 %, allant du VIIIe siècle av. J.-C. à l’époque impériale, qui sont ici classés en grandes catégories (céramique, métal etc.), en respectant l’ordre chronologique. Les notices sont claires et précises. Chaque objet, illustré par un dessin ou une photographie pour les plus importants, est clairement décrit, replacé dans les séries typologiques et daté. Dans cet ensemble, les objets provenant du Ninfeo Rosa sont désignés par un astérisque.

 

          Le catalogue présente le matériel par grandes catégories, en commençant par la céramique. On distingue la céramique d’impasto, qui est répartie en fonction du traitement de la surface (sans décor, à décor incisé, à impression, peint ou à décoration plastique), qui comprend surtout des ollae, des oinochoai, des bases d’holmoi, d’époque orientalisante, qui appartiennent à des typologies bien diffusées localement. On trouve également des productions de bucchero, des imitations de céramique proto-corinthienne et de la céramique étrusco-corinthienne. Les importations comprennent de la céramique attique, à figures noires ou rouges, de la céramique attique et laconienne à vernis noir, et elles sont accompagnées d’un abondant répertoire de productions locales, étrusques ou falisques, à figures noires ou rouges, de céramique surpeinte, argentée, à vernis noir ou rouge, dépurée achrome. La provenance funéraire ne fait aucun doute pour ces formes qui renvoient à l’idéologie du symposion (skyphoi, oinochoai, olpai, assiettes). On trouve également de la céramique commune, quelques amphores, des fusaïoles. Des fragments de plaques de revêtement ou d’antéfixes proviennent des sanctuaires dégagés sur le territoire de Faléries, sans qu’on puisse en dire davantage, de même que des ex-voto de terre cuite (têtes, pieds). Le Ninfeo Rosa, seul contexte documenté, et qui correspond à un sanctuaire, a livré essentiellement de petites ollae de céramique commune et des têtes de terre cuite. La collection comprend aussi des objets métalliques : de la vaisselle de bronze (oinochoai, simpula etc.), plusieurs miroirs de bronze hellénistiques, des armes (pointes de lance, de flèche), des fibules à sangsue et de nombreux fragments de tiges ou de lamelles de bronze. La collection comprend enfin, outre des blocs de tuf travaillés, 36 fragments d’objets de verre, qui datent de l’époque impériale.

 

          L’ouvrage se clôt par un chapitre de conclusion qui rappelle que cette collection, malgré les incertitudes sur la provenance des objets, constitue une précieuse « anthologie » de la culture matérielle de Faléries en fournissant un échantillon très riche en particulier pour les vases d’impasto de l’époque orientalisante, qui sont en grande partie de production locale, ou pour le bucchero, dont les exemplaires portent souvent des lettres et des symboles (A, D, M, flèche, X, /, III, étoile...) sur la signification desquels on s’interroge encore. Le matériel de la collection va jusqu’à l’époque impériale, signe que le site de la Faléries originelle est encore occupé ou fréquenté bien après la destruction de la ville et son transfert par les Romains en 241 sur le site de Falerii Noui.

           

          Les pages de considérations finales, dans lesquelles l’A. confesse que l’on ne peut guère tirer davantage d’information d’un ensemble décontextualisé, tranchent avec la richesse du catalogue et font regretter l’immense perte de données, causée par ces fouilles du XIXe s. qui étaient devenues une activité économique à part entière. On sait gré toutefois à M.C. Biella d’avoir proposé une édition très soignée et détaillée de ce matériel et de bien avoir mis en lumière les mécanismes de la constitution de la collection, dans le contexte croisé de la naissance de l’archéologie italienne et de l’État unitaire.